FAIT DU SOIR Dualités taurines, trio de styles et feria du Riz croustillante à Arles
La feria du Riz à Arles s'est achevée hier soir et aura vu deux corridas et une novillada sans picadors agrémenter son programme. Des artistes rêveurs pour la corrida goyesque, des jeunes loups pour la course des benjamins et de fiers guerriers pour la corrida de competencia.
Les arènes d'Arles ont pour habitude, en septembre et pour sa feria du Riz, d'allier les deux sensibilités taurines. Avec la corrida goyesque, ce sont les âmes artistiques qui sont convoquées. Avec la corrida de competencia, ce sont plutôt les amoureux des toros. Remarquez, l'un empêche pas l'autre. C'est la raison pour laquelle, même si les toros de Domingo Hernandez et Garcigrande assuraient l'opposition lors de la corrida goyesque, ils étaient sélectionnés en fonction de leur combativité répétée.
Mais ils n'ont pas tout à fait tenu leur rang. Manque de sel et de poivre, pas de vinaigre non plus et pénurie de moutarde pour que la sauce prenne. En un mot, fade. Le comportement de ces toros n'aura finalement pas permis grand-chose cette année. Morante de la Puebla, chef de lidia, a fait du Morante. Un chatoyant costume goyesque dans les tonalités roses, une montera d'un autre temps, un capote de brega aux couleurs peu communes et ses sempiternelles décision intimes. J'y vais, j'y vais pas. Un et un ? On verra. Ce sera finalement salut et silence pour le maestro.
Avec lui, Alejandro Talavante s'est trouvé une arène au centre de laquelle il est à la maison. Un ruedo d'entraînement avec de vrais toros et un public qui le remercie de sa présence. Il faut dire que le natif de Badajoz était revenu de sa retraite anticipé l'année dernière pour cette corrida goyesque, un an après, le succès et la ferveur qui va avec étaient de mises. Talavante a triomphé bien qu'avec une tauromachie un peu moins intuitive, quasi-répétitive. La régularité et la routine ont de bons aspects mais en sortir est une preuve de bonnes manières et Talavante, on le sait, sait s'en sortir s'il le désire. Ami de l'artiste qui assurait le décorum, Belìn, Talavante a coupé deux oreilles à l'issue de son second duel.
Pablo Aguado n'aura pas fait, ni montré grand-chose au cours de cours de cette course. Quelques bricoles, mais rien de fantastique alors qu'il intégrait un cartel de luxe. Silence et silence.
Le lendemain, en matinée, les spectateurs ont eu droit à une magnifique novillada sans picadors de Pagès-Mailhan. Six apprentis toreros dont un Fabien Castellani qui coupe deux oreilles (dont une superflue) et qui voit la dépouille de son adversaire tourner de manière posthume, ont fait le show. Après le régional de l'étape, Nek Romero, Martin Morilla, Manuel Roman, El Pantera en la personne du tonitruant Juan Palacios, et Lopez Ortega ont assuré un spectacle de qualité. De vrais toreros d'avenir à suivre pour la plupart et pour le spectacle, Palacios a gratifié l'aficion arlésienne de deux poses de paires de banderilles en effectuant un saute-toro sans vulgarité ! Juste avant cela, il avait attendu son becerro assis sur une chaise pliable, tranquillou, historie de faire monter la tension des aficionados. Un jeune qui a envie de triompher et qui retourne les arènes, ça fait du bien crénom de nom !
Toujours un excellent moment pour les amateurs de jeunes pousses. Quel plaisir de voir évoluer ces minots, certes encore brouillons, qui n'ont pas encore le formatage que l'on observe quand ils passent ce cap. Ici, l'ambition se mêle à la hargne de réussir, à la joie de vouloir triompher, à la peur de rater son unique opportunité, à l'envie de bien faire et de plaire, à la hantise de laisser passer un toro... Sur les gradins jamais assez remplis pour l'occasion même si la chambrée était plus qu'honnête, le public fut généreux, à la hauteur de ce qui lui est offert en piste. C'est la palco qui a raté sa course.
Les toros de la corrida de clôture devaient mettre d'aplomb tous les participants. Comme on dit dans le métier, "ce sont les toros qui te mettent à la place à laquelle tu dois être." Une corrida de competencia avec les fers de Yonnet et d'Escolar Gil, deux ganaderias fortement appréciées à Arles.
Autour d'eux, un cartel audacieux. Deux encastes face à cela trois toreros. Domingo Lopez Chaves, chef de lidia sûr et professionnel pour un pareil défi, Alvaro de la Calle, maestro qui a décroché la place vacante après un début de saison en tant que sobresaliente et un Fosséen en la personne du maestro Maxime Solera, jeune diestro qui ne lâche rien et qui veut prouver sa valeur.
On s'attendait à voir peu de monde dans les gradins. Lopez Chaves n'est pas quelqu'un qui attire les foules. Itou pour Maxime Solera mais pour Alvaro de la Calle, c'est encore pire ! Les toros, eux, ont en effet une frange de l'aficion derrière leurs cornes mais pour le coup, les spectateurs étaient venus partager ce moment à part. Un toro vibrant chez Yonnet et quelques belles choses.
Le point d'émotion, sans doute, fut atteint avec le brindis d'Alvaro de la Calle à l'empresa Jean-Baptiste Jalabert. Oui, le natif du Campo Charro, depuis le mois d'avril et son remplacement pour assurer le solo d'Emilio de Justo à Madrid n'a pas eu de contrat supplémentaire. Ni à Madrid, étonnamment, ni ailleurs si on omet volontairement les deux festivals auxquels il a participé. Alvaro de la Calle a prouvé encore une fois que ce maestro avait un coeur gros comme celui d'un toro et une tauromachie sincère et technique face à de tels bestiaux. Il sera le seul à couper un appendice quand Lopez Chaves saluera à deux reprises et Maxime Solera sera applaudi et saluera. Une corrida de competencia qui n'aura pas vu de grand toro mais qui n'aura pas été déplaisante avec un vrai intérêt.
Quelques jours avant celle de Nîmes, la feria d'Arles s'est achevée dans les songes d'une nuit d'été. Nîmes a opté pour des cartels bien différents, les toros viennent d'être présentés, les toreros sont tous des vedettes ou en passe de le devenir, deux d'entre eux confirmeront leur doctorat quand certains devront confirmer leur rang.