ARLES EN FERIA Talavante rentoile la goyesque de Belìn et triomphe sans Morante ni Aguado
Première corrida du court cycle arlésien pour la feria du Riz 2022 avec une goyesque dont le décorum était assuré par Belìn. Les toros de Domingo Hernandez et Garcigrande étaient destinés à Morante de la Puebla (salut et silence), Alejandro Talavante (salut et deux oreilles) et Pablo Aguado (silence et silence).
Que c'est beau ! Les arènes sous cette configuration, décorées, accueillantes, chaleureuses... Il n'y a pas à dire, les corridas en version "goyesque" sont une bouffée d'air frais dans un monde pollué. Ici, le public en prend plein les yeux car en plus de la solennité que l'ensemble dégage, les gradins ont une autre vision du spectacle tauromachique. Même les toreros sont concernés par ce changement car se vêtir comme au XIXe siècle leur permet d'entrer dans la peau d'un autre homme et, peut-être, de proposer une autre tauromachie.
Les artistes du jours étaient sélectionnés, comme les toros, pour que le succès de l'organisation de l'événement soit assuré. Si Belìn a réalisé le décorum, ce sont bel et bien les trente areneros qui ont peint la piste sur fond de vert et brun. Il a conçu sa goyesque en positionnant la force, la puissance et la bravoure du toro en ligne de mire.
Tantôt aux aspects cubistes revendiqués tantôt tirant vers de l’hyperréalisme, la peinture de Belìn a pris toute sa place dans cette goyesque. Pour être au top du top, l’orchestre Chicuelo II, mené par l’excellent Rudy Nazy, est venu répéter in situ la veille de la course en nocturne alors même que les artistes dessinaient sur le sable. Belìn, bientôt 44 ans et inventeur du, accrochez-vous, postnéocubisme, a donc signé le décor de cette corrida spéciale avec un brin de street art qui rehaussait le tout.
Pas aficionado pour un sou, il a tout de même relevé le défi lancé par Jean-Baptiste Jalabert, directeur des arènes. Il n’est pas aficionado mais avait déjà fait quelques affiches et notamment une concernant la réapparition en piste d'Alejandro Talavante. De maestro de Badajoz, Belìn a aimé sa lenteur à parler et à dire les choses qu’il pense. Mais il ne l’avait encore jamais vu toréer. Ce samedi soir, Talavante a brindé son toro de deux oreilles à l'artiste. De succès, justement, cette course n'aura vu que le timide de Talavante.
Morante a le même âge que l’artiste peintre Belìn qui décorait les arènes en ce jour de festivités. Il fête les 25 ans de son doctorat et souhaite franchir la barre des 100 courses cette saison. Il vient de passer le cap des 70. Après un premier toro d Domingo Hernandez un peu boiteux en sortie de pique, le mouchoir vert s'abat et Morante pioche dans ses réserves en optant pour son second, un de Garcigrande. À l'issue du combat, le torero saluera. Dommage car l'Espagnol avait plutôt bien débuté sur l'estribo, doucement, lentement. C'est à la mort qu'il perdra ce maigre bénéfice.
Pire, sur son second, un autre de Garcigrande, Morante de la Puebla écoutera le silence. Encore une fois et même si les tendidos n'ont pas pu voir grand chose, Morante a tout de même glissé quelques belles naturelles.
Deuxième en piste, Talavante. Après trois ans de retraite, il à fait son retour il y a un an, ici, à Arles pour la goyesque. Même s’il est encore inconstant depuis, Bilbao a chaviré sous la vision de la pureté de sa main gauche. Il saluera après une belle petite faena, dont une entame emplie de souplesse et de patience. L'épée et surtout le descabello ôtent tout espoir de trophée.
Talavante se rattrape bien sur lors de sa seconde opposition. Il fera tomber deux pavillons blancs du palco et les gradins seront enflammés. Les genoux en terre, un moment de frémissement, des courbes pures tracées sur le sable orné, des luquecinas bien exécutées et quelques fioritures pour faire rêver. Si son épée est entière et efficace, elle n'était pas très bien en place. Deux oreilles et une sortie en triomphe assurée.
Enfin, Pablo Aguado, lui, a cinq ans d’alternative dans les jambes et dans la tête. Il les a surtout dans ses gestes sûrs, ses traits de pinceaux, ses passes aussi millimétrées qu’esthétiques. Cependant, c'est bien le silence qu'il entendra après son passage devant un bon petit troisième toro. Comme Talavante, il perd tout bénéfice à l'épée.
Pour finir, le public restera silencieux une deuxième fois pour Pablo Aguado. Pas franchement un grand jour pour l'artiste, pas une catastrophe non plus mais pas grand chose à dire. Pourtant, on y a cru quand il a accueilli son toro à genou et qu'il a poussé le bouchon jusqu'à un beau quite por chicuelinas bien réalisées. Tout s'effondre dans la foulée, le courant ne passe plus, l'intensité baisse, la lumière s'éteint.