LE 7H50 de Roman Cencic, directeur du CH d'Alès : "90% des patients hospitalisés ne sont pas vaccinés"
Roman Cencic, directeur du centre hospitalier d'Alès fait le point pour Objectif Gard sur la situation liée au covid dans l'établissement alésien. Il est l'invité du 7H50.
Objectif Gard : Comment avez-vous fait face à cette 5e vague ?
Roman Cencic : J'avais activé le plan blanc le 3 décembre dans l'établissement par anticipation de cette 5e vague au regard de la situation en Occitanie. La réalité nous a donné raison, le territoire alésien avait un taux d'incidence particulièrement élevé. Un exemple : nous avions le même nombre de personnes hospitalisées, ce qui proportionnellement au bassin de population n'était pas normal. Le virus a pris beaucoup d'importance. Nous avons donc modifié le capacitaire rapidement, apporté des modifications dans l'organisation et même déprogrammé des opérations non urgentes pour faire face. Je souhaite souligner que nous avons redoublé de vivacité, le personnel a redoublé d'effort.
Quelle est la situation aujourd'hui au centre hospitalier d'Alès ?
Nous avons une cinquantaine de personnes actuellement hospitalisées pour covid. Dont une bonne dizaine en réanimation. Et précisons que 90%, ce sont des patients non vaccinés.
Est-ce qu'il y a des catégories d'âge particulièrement touchées ?
Par rapport à la situation de 2020, avec l'avancement de l'épidémie et la vaccination, la population à l'hôpital n'est pas tout à fait la même. Les personnes âgées ont trois doses pour la plupart. Il n'y a qu'à voir au sein des 300 lits des EHPAD que nous gérons, nous avons très peu de cas covid. Et si c'est le cas, c'est souvent pour des formes légères. Les 65 ans et plus ne constituent donc pas la majorité de nos patients. Il s'agit plutôt des catégories en dessous 65 ans, non vaccinés et nous avons vu arriver sur le mois de décembre, des populations de 35-40 ans. Au total, nous déplorons une trentaine de décès.
Est-ce que vous pensez que le pic épidémique est atteint ?
Le passage du variant Delta n'est pas encore terminé mais le variant Omicron a renforcé la persistance. Nous sommes sur un plateau très haut au centre hospitalier d'Alès. Nous espérons que cela va évoluer dans le bon sens mais en toute franchise, c'est difficilement mesurable. Nous avions encore hier 55 patients hospitalisés. Et ce sont des lits mobilisateurs avec une prise en charge lourde. Il faut donc rappeler, insister : la vaccination ça fonctionne. Nous serions moins embêtés si les gens étaient tous vaccinés.
Comme au CHU de Nîmes, devez-vous faire face au phénomène des faux pass sanitaires ?
C'est finalement la même population gardoise, à Nîmes ou à Alès, donc bien entendu que nous y sommes confrontés. Ces faux pass sanitaires qui se traduisent par des patients qui font de fausses déclarations, c'est surtout dangereux pour eux. Et pour les soignants. Quelqu'un qui est vacciné ne bénéficie pas du même traitement médical qu'une personne qui ne l'est pas. La prise en charge n'est pas la même. J'ajoute que ces faux pass sanitaires posent problème aussi au moment des visites de personnes extérieures infectées. Elles mettent en danger les malades de l'hôpital.
Dans quel état d'esprit se trouve les soignants d'Alès ?
Il y a une forme de lassitude. On est sur une pandémie lourde et durable. Chaque nouvelle vague c'est un éternel recommencement. On s'achemine vers un virus qui va évoluer par saison mais rien ne dit que les variants successifs ne seront pas plus dangereux. À Alès, j'ai en tout cas fait le choix de préserver les vies de famille et les soignants ont pu bénéficier de congés en famille pendant les fêtes de fin d'année. C'est important aussi pour leur santé mentale. Le recul dans ces périodes si compliquées, c'est essentiel pour affronter les semaines encore plus difficiles.
D'autant que les hôpitaux rencontrent aussi des difficultés pour recruter. C'est le cas aussi à Alès ?
Je vous le confirme. Et cela s'explique en raison de plusieurs facteurs. D'abord parce que les convictions originelles sont mises à mal par la charge de travail de plus en plus intense. Soignant, c'est un métier de contrainte qui oblige à des sacrifices. Tous n'y sont pas prêts. Il y a aussi aujourd'hui une concurrence entre établissements, certains cherchent un meilleur confort financier et d'activité. Enfin, il y a une question de générations, peut-être. Beaucoup aspirent aujourd'hui à changer plus régulièrement de métier, d'orientation professionnelle. Et la question de la mobilité aussi est probablement plus facile qu'hier.
Qu'est-ce que vous retiendrez en tant que directeur de cette crise ?
Dans toute crise sanitaire, il y a aussi des effets de changements nécessaires qui peuvent avoir des effets bénéfiques. Moi je veux retenir l'extraordinaire mobilisation de mes équipes tant médicales qu'administratives. Les 2 000 salariés ont été au rendez-vous à chaque instant, et je veux les saluer. Nous avons su nous adapter, réagir de façon remarquable. Et ne pas oublier les autres patients aussi. Vous savez, on l'oublie quelques fois mais les patients covid, c'est finalement un quart de la totalité des patients. Les autres maladies, les accidents, etc., n'ont pas pris de vacances. Et nous avons été présents aussi pour eux. L'hôpital est peut-être le seul endroit encore aujourd'hui ouvert 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7. Comme on dit, il y a toujours une lumière allumée dans un établissement hospitalier. Et toujours un médecin, un soignant pour prendre en charge n'importe qui à n'importe quel moment.
Un mot pour terminer sur le Ségur de la Santé et les annonces pour tous les établissements de santé. Alès n'a pas été oublié...
Et nous avons accueilli cette nouvelle de façon positive, vous vous en doutez. Quand on vous donne de l'argent, il faut toujours dire merci. Et cela souligne aussi que l'établissement d'Alès à des beaux projets pour son avenir. Il a été reconstruit entièrement il y a une dizaine d'années maintenant. Mais l'investissement ne faiblit pas y compris au plus fort de la crise sanitaire. Cela n'empêche pas de constater, et je l'ai relevé à plusieurs reprises, que cette reconstruction et nos projets ont un impact financier lourd. Ce financement de l'État vient donc accompagner à sa juste valeur tout cela. Cela permet aussi de rééquilibrer les besoins budgétaires qui ont pu manquer précédemment. Nous avons un gros projet de restructuration des urgences. Nous sommes aussi sur un projet autour du soin de suite et de réadaptation, sur la rééducation en cardiologie, sur la haute densité virale. Vous le voyez, nous avons de l'ambition pour ce centre hospitalier.
Propos recueillis par Abdel Samari
Participation durant l'interview du président de la commission médicale d'établissement (CME), Jean-François LAUZE