Publié il y a 4 ans - Mise à jour le 12.02.2020 - coralie-mollaret - 3 min  - vu 614 fois

LE 7H50 du Bâtonnier Jean-Marie Chabaud : « Sur la réforme des retraites, les avocats sont insatisfaits et en colère »

Jean-Marie Chabaud, le bâtonnier élu de l'ordre des avocats de Nîmes. Mardi après-midi, les 164 barreaux de France tenaient en même temps une conférence de presse (Photo : Coralie Mollaret)

Les robes noires ne décolèrent pas... Depuis plus d'un mois, une écrasante majorité d'avocats nîmois s'oppose à la réforme des retraites du Gouvernement. Un projet qui prévoit d'intégrer leur régime autonome (et à l'équilibre) dans le régime général. Interview. 

Objectif Gard : Cela fait plusieurs semaines que vous êtes mobilisés. Où en êtes-vous ?

Jean-Marie Chabaud : Ça fait cinq semaines et c'est un mouvement exceptionnel. Le barreau de Nîmes vient de reconduire son mouvement à 87% (le barreau compte 392 avocats, ndlr) jusqu’au 17 février. C’est la date à laquelle la réforme des retraites commencera à être examinée par les députés. Notre grève est totale, toute activité juridictionnelle est arrêtée.

Quelles sont les conséquences de votre mouvement de grève ?

Ce sont des milliers d’affaires qui sont renvoyées en France, et donc à Nîmes, chaque jour. Après, quelques-uns de nos confrères aux assises ont décidé de ne pas faire grève. La grève est un droit individuel, on ne va pas les forcer à nous suivre. Enfin, lorsque des situations sont urgentes, j’autorise les procédures. Ça a été le cas hier matin auprès du tribunal des affaires familiales pour éviter qu’un père ne fasse exciser sa fille en l’amenant au Burkina Faso.

Des propositions ont été formulées par la ministre de la Justice. Sont-elles satisfaisantes ?

Aucune de ces propositions n’est satisfaisante ! D'ailleurs, sans être trop sévère, aucune proposition n’est sérieuse. Sur la réforme des retraites, les avocats sont toujours insatisfaits et en colère.

Quels sont les points de discorde ?

En nous intégrant au régime général, cette réforme entraîne une hausse de nos cotisations de 14 à 28% (*). On nous parle alors de méthode alternative en nous accordant un abattement de notre CGS de 30%. Le problème, c'est que cette baisse n’absorbe pas la hausse. Ensuite, le taux de CSG est fixé chaque année par la loi de Finances : on ne va pas faire grève 15 jours tous les ans pour s’assurer de la pérennité de la mesure… Enfin, on craint que ce soit anti-constitutionnel au titre de l’égalité des citoyens devant l’impôt. 

La ministère de la Justice explique que votre caisse, la CNBF (Caisse nationale des barreaux français), resterait autonome. Qu’en est-il ?

Autonome ? Une caisse autonome, ce n’est pas un guichet unique ! La CBNF ne procédera plus au recouvrement des cotisations. Actuellement ce sont les avocats qui gèrent. Vous savez, on nous parle de lissage pour absorber la hausse des cotisations en puisant… dans nos réserves ! Comme l'a dit l'un de nos confrères, non seulement nous serons les cocus de cette réforme, mais en plus, c’est nous qui paierons la chambre ! […] Si le Gouvernement veut nous faire passer dans un système universel, d’accord. Mais les conditions proposées ne sont pas acceptables. À l’instar des agriculteurs, nous voulons conserver nos spécificités.

Aujourd’hui, il y a un problème pour financer la retraite de la majorité des Français. Ces personnes sont aussi vos clients. Pourquoi ne pas faire un effort de solidarité ?

Mais notre caisse verse un peu plus de 1 400 euros par avocat à la caisse d’assurance vieillesse. C’est la compensation avec les caisses déficitaires. Sur les 20 dernières années, ça fait 1,9 milliard. Quand on fait le ratio profession par profession, nous sommes les plus solidaires. Le Gouvernement n’a aucune leçon de solidarité à nous donner.

Quelle sera la suite de votre mouvement ?

Nous rencontrons les parlementaires. Nous nous sommes déjà entretenus avec la sénatrice Les Républicains Vivette Lopez. Ensuite, nous pourrons très bien engager des procédures pour engorger le système, en faisant des demandes de remise en liberté en masse ou en opérant une défense collective. C’est loin d’être un caprice. Avec cette réforme certains avocats ne survivront pas.

Propos recueillis par Coralie Mollaret

coralie.mollaret@objectifgard.com

* Actuellement, un avocat à la retraite perçoit au minimum 1 416 euros par mois, ce montant tomberait à 1 000 euros après la réforme. 

Coralie Mollaret

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