BAGNOLS/CÈZE L'Éducation nationale est en grève, ses élèves solidaires
Ce jeudi est marqué par un fort mouvement de grève dans l'Éducation nationale. Dans le Gard, plusieurs points de rassemblement se sont tenus, notamment à Bagnols-sur-Cèze ce matin. Dans les rangs des manifestants, les représentants syndicaux, des professeurs, des directeurs d'établissements, des CPE... mais aussi une bonne trentaine d'élèves du lycée Einstein.
Elio, 18 ans, a même pris la parole au micro face aux 150 personnes mobilisées (environ 120 selon l'estimation de la police). Dans son intervention, il a retranscrit avec force la colère des lycéens qui "veulent être là pour agir". Qui veulent une réforme "qui parle" aux lycéens et aux enseignants, qui veulent des "programmes allégés" laissant le temps de se construire en tant que citoyen. "Le but, c'est de montrer que l'on comprend très bien les problèmes de société et que l'on veut être acteurs de notre destin, on ne veut plus juste subir", assure Elio. Lui et quatre de ses camarades de Terminale ont eu envie de mobiliser les autres élèves, pour soutenir leurs professeurs. "On a collé des affiches dans le lycée, mobilisé sur les réseaux sociaux et on a même eu le soutien du conseil de vie lycéenne", retrace-t-il.
Ça a payé. De nombreux jeunes étaient présents devant le monument aux morts. Parmi eux, Jordan, Louis et Gabriel, trois amis en Terminale également. Leurs professeurs étants absents car grévistes, ils ont décidé de venir les soutenir. Si eux n'ont pas le sentiment d'être écoutés par le Gouvernement, les jeunes non plus : "Leurs revendications nous impliquent nous aussi. Si un professeur n'a pas de bonnes conditions, cela va forcément influer sur sa manière d'enseigner alors que nous préparons maintenant notre avenir", soulève Gabriel. Tous trois en ont marre de subir tous ces changements qui ont déjà débuté dans la douleur avec la réforme Blanquer. "On est à 35-40 élèves par classe, on est trop nombreux, il y a trop de bruits, on doit porter les masques. C'est trop... Et malgré les journées très longues, on a du mal à terminer les programmes", rebondit Jordan.
"Toutes ces choses en plus que l'on nous demande de faire, c'est du temps en moins pour l'apprentissage"
Et ce sont les jeunes qui étaient en tête du cortège qui est parti du monument aux morts jusqu'au rond-point de l'Europe. Slogans et pancartes bien en vue. Dans la foule, il y avait aussi Camille, enseignante dans une école élémentaire de Bagnols. Si elle a décidé de faire grève, c'était pour exprimer son ras-le-bol : "On apprend les informations au dernier moment, dans des articles payants. Ne serait-ce pas à l'employeur de nous indiquer le protocole ? Et toutes ces choses en plus que l'on nous demande de faire, c'est du temps en moins pour l'apprentissage. On n'a pas les moyens de mettre en oeuvre tout ce que l'on nous demande."
Toutes les personnes présentes l'ont assuré, elles ne font "pas grève contre le virus" comme l'a maladroitement rétorqué le ministre Jean-Michel Blanquer, mais "contre la manière dont cette crise est gérée. On se sent méprisés. Au point que même les collègues du privé sont là aujourd'hui", poursuit Camille. Aux yeux de Véronique, professeure à l'école de Saint-Nazaire, "on ne peut plus exercer notre métier correctement. Le Gouvernement ne nous accompagne pas et nous met des bâtons dans les roues." Mélanie Lomonaco-Havrez, directrice de l'école de Saint-Paulet-de-Caisson, déplore aussi ce manque d'informations envers le corps enseignant : "Heureusement que l'on est solidaires entre directeurs d'écoles sinon, on ne serait au courant de rien."
Avant que le cortège ne descende jusqu'au rond-point de l'Europe, plusieurs représentants syndicaux ont pris la parole. Adrien Couffin, enseignant de physique-chimie au collège du Mourion, à Villeneuve-lez-Avignon, et délégué de l'union locale Sud Solidaires, déplore les modifications et l'allègement du protocole sanitaire dans les classes : "Ça va à l'opposé de notre volonté de protéger les personnels et les élèves. C'est de l'irresponsabilité la plus totale. (...) Les vies scolaires sont au bout du rouleau à force de gérer le contact tracing, la circulation dans les établissements et les absences toujours plus nombreuses."
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Le syndicat Force ouvrière demande des recrutements d'enseignants statutaires plutôt que de recourir aux contractuelles et ainsi alléger les effectifs. "Alors que le Gouvernement a débloqué plusieurs milliards d'euros au titre du plan de relance, pas un centime n'a été versé aux écoles", déplore Louisette Moulas, pour l'union locale FO Bagnols. Si les acrobaties protocolaires liées au covid ont mis le feu aux poudres, cette importante mobilisation semble résulter d'un mal-être plus profond...
Marie Meunier