Publié il y a 1 mois - Mise à jour le 22.07.2024 - Yannick Pons - 4 min  - vu 4346 fois

CINQ CHOSES MÉCONNUES SUR Le port médiéval d’Aigues-Mortes et la Tour de Constance

La Tour de Constance

La Tour de Constance

- Photo Yannick Pons

Les galets de Gênes, le port et le phare de Constance, l’épaisseur de ses murs, ou encore le business des moines bénédictins de Psalmodie. Découvrez cinq secrets bien gardés au sein des remparts de la cité médiévale.

En 1240, Louis IX (Saint-Louis) crée de toutes pièces la ville d’Aigues-Mortes, plantée entre Charles d’Anjou, comte de Provence du côté de Marseille (une possession du Saint-Empire romain germanique) et les comtes de Toulouse ainsi que les rois d’Aragon à l’ouest. Le roi de France vise l’indépendance politique par cet accès à la mer Méditerranée. Afin de favoriser l’essor de la ville, les habitants sont exemptés du paiement de l’impôt de la gabelle. Le roi construit une route entre les marais et y bâtit la tour Carbonnière qui servira de tour de guet au nord.

Le port d’Aigues-Mortes lui permet de commercer notamment avec les Génois et les Vénitiens, mais également d’embarquer en compagnie des Templiers vers les croisades sur des nefs louées à la république de Gênes. La septième croisade, lors de laquelle il sera fait prisonnier, puis la huitième et dernière où il mourra, ainsi que l’espoir des chrétiens de reprendre Jérusalem.

Digue en galets de Gênes

En 2015, d’énormes galets, mesurant jusqu’à 40 centimètres de diamètre, ont été découverts à une vingtaine de mètres de la muraille sud, entre la porte de l'Arsenal et la tour de la Poudrière. Ils formaient une digue, un ponton ou un quai de déchargement, en bordure d’étang au XIIIᵉ siècle. Très denses, les blocs sont de couleur vert sombre, patinés d’une couleur rouille provenant de leur richesse en fer. Les mêmes que l’on a retrouvés insérés dans le mur du cimetière de la commune.

Selon Frédéric Simien, docteur en géochimie, ce sont des blocs de serpentinite qui pourraient provenir de la côte italienne entre Gênes et Pise, hauts lieux de commerce au Moyen Âge. Les Génois lestaient probablement leurs navires afin d’atteindre le port d’Aigues-Mortes, puis retiraient ce lest avant que leurs bateaux partent vers les croisades ou vers des activités commerciales. Ce serait la raison pour laquelle on retrouve à Aigues-Mortes, un grand nombre de ces galets provenant d’Italie.

Les nefs de l’époque, très hautes et donc peu stables, nécessitaient d’être lestées. C’est une nef, la Santa Maria, qui a emmené Christophe Colomb en 1492.

Les moines malicieux de Psalmodie

Une communauté de moines s’établit au Vᵉ siècle à l’abbaye de Psalmodie, dont les ruines se situent aujourd’hui sur le territoire de la commune de Saint-Laurent-d'Aigouze. Il semble qu'ils exploitaient le sel dans les étangs de Peccais. Cependant, des archives de l'abbaye montrent qu'ils en faisaient aussi l'acquisition. Les Bénédictins instaurent également un droit de pêche sur le Rhône et les étangs. Ils sont rapidement à la tête d’un patrimoine considérable, validé par un acte de Charlemagne en 791, considéré comme authentique, mais faux.

En 1248, Louis IX échange, avec les moines de l'abbaye de Psalmodie, des droits sur Sommières contre les terres d’Aigues-Mortes afin de bâtir la cité sur le port bénédictin de Notre-Dame-des-Ports, sur l’Agual Mort. Le roi de France affirme ainsi son autorité jusqu’en Méditerranée, restée jusqu’alors en dehors du domaine royal. La cité se développe en ville royale qui abritait à l’époque la tour de Constance réputée imprenable et entourée d’eau, et permettait aussi d'accéder au château qui sera lié au pouvoir royal jusqu’en 1791.

L’épaisseur des murs de la tour de Constance

Les murs de la tour de Constance ont une épaisseur de 6 mètres, et il y a une raison à cela. La paroi de l’édifice abrite de nombreuses fonctionnalités, notamment autour de systèmes de défense. Les architectes ont installé des archères (meurtrières) et une coursière, couloir militaire qui donne l’accès à la commande des herses de part et d’autre de l’entrée (la tour était ouverte côté nord à l’époque). Un assommoir permettait de jeter des projectiles sur les assaillants et un escalier à vis (hélicoïdal) assurait l’accès aux différents étages. Un cul de basse fosse (cachot) est situé sous la salle haute du premier étage. Il y avait aussi des latrines, aujourd’hui disparues.

Le port d’Aigues-Mortes

La cité d’Aigues-Mortes était une baie ouverte sur la mer Méditerranée, où l’on pouvait mouiller son embarcation en toute sécurité. Les bateaux accostaient sur le môle de La Peyrade, au niveau du domaine de Jarras aujourd’hui. Des nefs et des galères. À cause de leur tirant d’eau important, les nefs ne pouvaient pas traverser l’étang qui mène aux remparts.

Ainsi, disposaient-elles de barques afin d’atteindre les quais situés au sud des remparts de la cité. Selon Marie-Laure Fromont, administratrice des remparts d’Aigues-Mortes, il est possible que les galères à fond plat aient pu accéder directement à la cité.

Le phare de Constance

Au XIIIᵉ siècle, Aigues-Mortes était le port royal du royaume de France. Un point de passage taxé, obligatoire pour commercer du côté de la Méditerranée. La terrasse sommitale de la tour est surmontée d'une tourelle de guet qui faisait office de phare.

Un phare qui guidait les marins. Il abritait un gardien qui signalait, au moyen d’une corne, le passage d’un bateau qui pouvait être pris en chasse et taxé. En quelques siècles, les alluvions du Rhône et les courants marins ont créé quatre cordons dunaires qui ont éloigné la tour de Constance de la mer. Et après l’ancien phare du Grau-du-Roi, c’est le phare de l’Espiguette, rénové récemment qui a pris le relais.

Yannick Pons

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