Ouvrir le dialogue, libérer la parole et inciter à la réflexion. Telles sont les ambitions d'Aurore Menguy, 43 ans, créatrice des Cartes des secrets, un outil inédit, ludique et pédagogique sur le thème de l'intimité et des abus sexuels.

Moins de deux semaines après le lancement des Cartes des secrets, une soixantaine d'exemplaires - sur les cent édités - a déjà été commandée. Bien plus qu'un succès, pour la créatrice de ce jeu, Aurore Menguy, présidente de l'association Pas de secret, c'est la preuve qu'il y a "une réelle attente, un réel besoin sur les sujets de l'intimité, des agressions sexuels." Des sujets souvent délicats à aborder à la fois du côté des victimes mais aussi des adultes.

"Si on m'avait ouvert le dialogue, j'aurais pu parler"

La Nîmoise âgée de 43 ans, peut en témoigner, elle a été elle-même victime d'inceste de ses 5 ans jusqu'à ses dix ans. Le déni puis la culpabilité, Aurore a gardé ce lourd secret de longues années avant de s'en libérer, le délai de prescription était alors dépassé. "Si on m'avait ouvert le dialogue, j'aurais pu parler. Et je me suis demandé par quel biais j'aurais parlé. Je pense que celui du jeu, dans mon cas, aurait été approprié. En réalité, j'ai créé le jeu qu'il m'aurait fallu quand j'avais cinq ans", confie-t-elle. Aurore a créé son association Pas de secret en janvier 2021 pour apporter sa pierre à l'édifice dans la lutte contre les crimes sexuels sur les mineurs.

Tout en nous parlant, elle sort d'une petite boîte des cartes sur lesquelles sont inscrits des "bons" et des "mauvais" secrets. Pour mieux les illustrer, en voici deux tirés au hasard : "Mes parents m'ont dit que je vais avoir un petit frère ou une petite soeur. Pour le moment, c'est un secret" et "La tata de Carla veut tout le temps faire la sieste avec elle et lui demande de faire des bisous sur la bouche. Sa tata lui a dit que si elle en parlait, elle dirait que ce n'est pas vrai." Ces mots peuvent parfois être difficiles à lire pour un adulte, mais souvent le regard de l'enfant dédramatise la situation ainsi expurgée de tous tabous. C'est alors que s'engage le dialogue.

"On ne gagne pas d'argent avec ce projet, mais le plus important, c'est qu'il soit diffusé et utilisé"

Des cartes blanches offrent également la possibilité aux enfants de s'exprimer car finalement, si le thème principal concerne les abus sexuels, la volonté de manière globale est de libérer la parole, de ne pas se terrer dans un silence, quel qu'il soit. Cet outil illustré par Ofa et Quincy Gane, est le premier d'une série à venir, le tout devant constituer un kit de prévention à destination des familles ou de professionnels de santé spécialisés tels que des pédopsychiatres mais aussi des associations et pourquoi pas dans des écoles si l'inspection académique donne son accord.

"L'objectif est de créer un vrai programme, de rentrer dans un parcours pédagogique avec une fiche technique et la participation de divers intervenants, précise Aurore. Le mois prochain, un livret sera édité sur le thème de l'intimité. Le prochain sera axé sur les émotions. Nous travaillons également sur un projet de théâtre-forum, c'est-à-dire une pièce interactive." La boîte des Cartes des secrets est vendue 13 euros, ni plus ni moins que le coût de fabrication à l'unité. "On ne gagne pas d'argent avec ce projet, mais le plus important, c'est qu'il soit diffusé et utilisé", insiste la présidente de Pas de secret (*).

Stéphanie Marin

* L'association nîmoise Pas de secret compte deux bénévoles, la présidente Aurore Menguy et Natacha Gouby, sophrologue et hypnothérapeute. Si vous souhaitez rejoindre le duo : www.pas-de-secret.fr - pasdesecretsfrance@gmail.com. Pour commander la petite boîte : pasdesecretfrance@gmail.com.