FAIT DU JOUR Avec l’agrivoltaïque, l’agriculture veut se faire sa place au soleil
Le 4e salon Med’Agri, destiné aux professionnels de l’agriculture de toute la Méditerranée, s’est ouvert ce mardi au Parc des expositions d’Avignon. L’occasion de constater la place prise par les innovations dans l’agriculture, notamment dans un tout nouveau secteur : l’agrivoltaïque.
On connaissait les panneaux photovoltaïques sur les toits, notamment des hangars agricoles. Désormais, il pourra aussi y en avoir directement dans les champs. L’agrivoltaïque, c’est son nom, consiste à associer activité agricole et production d’énergie solaire. Le secteur est naissant, puisque le décret qui l’encadre date d’avril dernier, mais déjà, de nombreux acteurs se pressent pour l’investir, au premier rang desquelles EDF Renouvelables, filiale de l’électricien national.
« L’idée est de trouver la meilleure compatibilité possible entre production agricole et production énergétique, explique Simon Sylvestre, chef de projet photovoltaïque chez EDF Renouvelables. Il ne faut pas que la production d’énergie solaire vienne empêcher le développement de l’activité agricole. » Ainsi, le domaine est « très encadré », explique Loïck Lamande, ingénieur agronome chez EDF Renouvelables. Ainsi, la loi limite l’occupation des sols par les panneaux, le dossier doit passer en commission et ensuite, « il y a un suivi après le démarrage de l’installation pour s’assurer qu’il s’agit bien d’un projet agrivoltaïque », affirme Marina Berthouly, cheffe de projets développement chez Qair France, une autre entreprise qui s’est lancée sur ce marché.
Car l’agrivolaïsme est, philosophiquement, « un vrai projet agricole avant tout », rajoute-elle. Ainsi, il faut que le projet ait pour but « la protection des cultures ou de l’élevage », note Grégoire Lubineau, chargé d’affaires PACA pour l’entreprise TSE, qui oeuvre aussi sur ce marché. L’idée est donc d’utiliser les panneaux solaires pour permettre, notamment, au bétail de se mettre à l’ombre ou pour protéger des cultures d’une pluie violente ou de grêle, voire aussi d’un ensoleillement trop important. « Nous devons apporter un service à l’agriculteur, il doit y avoir des synergies entre les panneaux et la production agricole », résume Marina Berthouly. Et si ce n’est pas le cas, la sanction peut aller jusqu’au démantèlement des panneaux.
Le but est « d’éviter les dérives, trouver des équilibres pour ne pas tomber dans une bulle spéculative sur les terres agricoles », explique Simon Sylvestre. Dans cette optique, les compensations financières pour l’agriculteur et le propriétaire terrien, qui peuvent être la même personne, sont limitées. « C’est une petite source de revenu pour le propriétaire et l’exploitant », explique Grégoire Lubineau. Sabrina Bermont, cheffe de projet chez Qair, parle d’un « revenu complémentaire. En contrepartie, l’exploitant s’engage à maintenir l’activité agricole, et nous apporte des services », notamment l’entretien de la parcelle qui garantit un fonctionnement optimal des panneaux. « L’objectif du projet n’est pas le loyer ou la compensation, mais les services qu’on peut apporter », tranche Simon Sylvestre.
En définitive, si installer des panneaux sur ses terres dans le cadre d’un projet agrivoltaïque ne coûte rien à l’agriculteur, puisque ce sont les entreprises productrices d’électricité qui portent l’investissement et se remboursent avec l’électricité produite et revendue sur le réseau, le but n’est pas de transformer les agriculteurs en producteurs d’électricité. Les contrôles ont notamment pour but de vérifier que les exploitations ne deviennent pas des coquilles vides, avec quelques bêtes ou plants « alibis ».
« Trois à cinq ans pour avoir des résultats utilisables »
Reste une question centrale : est-ce que ça marche ? Pour l’heure, il est plus facile de le dire sur les installations qui concernent de l’élevage. « Ce sera la majorité des projets des premières années de l’agrivoltaïque », avance Loïck Lamande, d’EDF Renouvelables. Du reste, des acteurs comme Qair ont choisi d’investir principalement ce secteur. Pour les cultures, la donne n’est pas la même : « là, ça prend du temps, on ne peut pas encore dire quel est l’impact », affirme Loïck Lamande.
Le secteur étant balbutiant, on en est encore au stade des démonstrateurs. Ainsi, la filiale d’EDF en a plusieurs : un sur la luzerne, en région parisienne, dont les résultats sont « encourageants », un autre, plus récent, sur la vigne vers Bordeaux et un dernier, dont la construction s’achève sur un vergers de pommiers dans l’Hérault. « Il nous faudra trois à cinq ans pour avoir des résultats utilisables », avance Loïck Lamande. Qair a équipé une serre de fraises, et a aussi un projet sur un verger de pommes.
Pour limiter l’impact sur les cultures, tous proposent des panneaux intelligents, munis de trackers. « Le panneau pivote par rapport au lever et au coucher du soleil », résume Grégoire Lubineau, de TSE. Les panneaux peuvent aussi être pilotés pour contrôler l’ensoleillement et la protection des plants. « Par exemple, à certaines périodes de croissance de la plante, on ouvre les panneaux », affirme Loïck Lamande, faisant ainsi passer la production agricole devant celle d’électricité. Si verte soit-elle.