Publié il y a 1 mois - Mise à jour le 04.08.2024 - Propos recueillis par François Desmeures - 5 min  - vu 4080 fois

FAIT DU JOUR Jean-Luc Blanc, pasteur d'Anduze : "Ce n'est pas parce qu'on va inaugurer le temple qu'on va pouvoir s'en servir"

Jean-Luc Blanc, pasteur d'Anduze depuis 2019

- François Desmeures

Après presque deux ans de travaux, la restauration du temple d'Anduze sera inaugurée le 31 août. Le pasteur d'Anduze, Jean-Luc Blanc, retrouve une maison sécurisée et embellie, mais qui n'a pas reçu de sonorisation, ce qui limite fortement sa future utilisation pour le culte. Il revient néanmoins sur sa satisfaction de voir les travaux achevés et sur ce que signifie encore le protestantisme, aujourd'hui, dans les Cévennes. Entretien.

Jean-Luc Blanc, pasteur d'Anduze depuis 2019 • François Desmeures

Objectif Gard : Depuis quand êtes-vous le pasteur d'Anduze ?

Jean-Luc Blanc : Depuis juillet 2019. Et pasteur, depuis 1986. 

Vous étiez pourtant originaire de la région...

Je l'étais, effectivement, et j'en suis parti loin et longtemps, avant de revenir en 2019. 

Pour des missions dans le cadre de l'église protestante ?

J'ai travaillé d'abord dans l'Hérault, puis au Maroc, pendant une dizaine d'années. Puis, au service protestant des missions et des relations internationales, dans l'organisme qui gère les relations internationales du protestantisme français. J'ai donc passé mon temps à voyager, pendant près de dix ans, aussi. Et puis, à un moment donné, j'avais envie de poser les valises et je suis venu les poser dans ma région d'origine, pour voir si j'arrive à me ré-habituer à la vie ici, avant la retraite qui est pour bientôt (il sourit). 

Entre 2019 et la mise en sécurité du temple d'Anduze, vous en avez donc bénéficié très peu de temps ?

Très très peu de temps, effectivement, si tant est qu'on bénéficie désormais, parce que ce n'est pas encore gagné qu'on puisse s'en servir. Ce n'est pas parce qu'on va l'inaugurer qu'on va pouvoir s'en servir. 

"On va "inaugurer" un monument historique restauré, qui est magnifique. Mais je ne vois pas comment on pourra l'utiliser dans l'immédiat."

Pourquoi ?

Parce que le temple qui va être inauguré n'aura pas de sonorisation, par exemple. Les aménagements ne seront pas faits. On va "inaugurer" un monument historique restauré, qui est magnifique. Mais je ne vois pas comment on pourra l'utiliser dans l'immédiat. On a voulu tenter de faire quelques cultes au mois d'août. Mais ce ne sera pas possible, le coût est trop élevé : comme la sonorisation a été enlevée, et pas remplacée, on est obligés d'avoir recours à une société privée qui sonorise. C'est 700 € à chaque fois... Donc, on va le faire le jour de l'inauguration mais c'est tout. Le chauffage, aussi, avait été réclamé par les affectateurs. Mais cela n'a pas été retenu par les financeurs, l'Agglo et la DRAC. On a laissé un bâtiment qui était, certes, vieillissant et avec de sérieux problèmes de structures, mais qui était utilisable. Maintenant, on a un bâtiment qui n'a plus de problème de structure, qui est très beau. Mais qui n'est pas utilisable. Dans l'immédiat, en tout cas. On l'utilisera un jour, on n'est pas inquiet de ce côté-là. 

Pour vous, c'est quand même une satisfaction de voir le temple restauré ?

Bien sûr ! Pour tous les gens de la région, indépendamment du fait qu'ils soient protestants ou pas, c'est un peu emblématique d'Anduze ce temple. Vu sa situation - construit dans la cour des casernes des Dragons du roi venus éradiquer le protestantisme - et ses éléments historiques, et le fait qu'il soit l'un des plus grands de France, il y a une certaine fierté anduzienne qui fait que les gens sont contents de le voir restauré. 

Plus grand temple de France, c'est une notion dépassée pour celui d'Anduze ?

C'est un peu un mythe. Enfin... Il a été, je crois, le plus grand de France. Mais, depuis, d'autres ont été construits. Sans compter les cultes en plein air. 

Que représente Anduze dans la carte du protestantisme français ?

Un lien avec une période de l'histoire, celle des Camisards et des guerres de religion. C'est connu pour cette raison-là. Et parce qu'il y a eu beaucoup d'émigration de familles protestantes vers, en particulier, la Hollande. C'est donc un point de ralliement de tous ces descendants-là. Puisque, aujourd'hui, on peut plus facilement revenir sur les lieux historiques de la famille, on voit donc venir des Hollandais, des Suisses, etc. Ça participe du rayonnement d'Anduze dans les pays du nord. 

"Dans les montagnes des Cévennes, où on a plus gardé cet esprit de résistance, d'humanisme protestant, on sent qu'il y a un autre accueil de ceux qui sont différents"

Est-ce qu'il existe encore, selon vous un "esprit cévenol" lié à l'histoire du protestantisme, qui serait un mélange de tolérance dans les idées, d'une forme de résistance à l'oppression, etc. ?

Le contexte politique local ne tend pas à montrer que les protestants sont meilleurs que les autres... Maintenant, il est vrai que dans les montagnes des Cévennes, où on a plus gardé cet esprit de résistance, d'humanisme protestant, on sent qu'il y a un autre accueil de ceux qui sont différents. D'ailleurs, ceux qu'on appelle les néo-Cévenols sont généralement mieux accueillis dans ces villages - et c'est là qu'ils ont envie d'être. On se rend compte aussi que les votes qui traduisent un repli identitaire sont moins importants dans ces villages là. Je pense notamment à Lasalle, Thoiras, Corbès, etc. Et même Anduze, comparé au reste de la France et, surtout, au sud du département. 

"Les courants religieux de dialogue ne sont pas très intéressants pour les médias, ils ne se battent pas, ne créent pas de problèmes"

En plus du contexte politique, il existe un contexte religieux. Comment vivez-vous - vous qui avez voyagé - une forme de retour de lutte entre les religions qui s'observe à différents points du globe, pas uniquement en France ?

Oui, il y a une frange de toutes les religions qui a tendance à se radicaliser. Il n'y a pas que les musulmans ! Il y a des protestants radicaux, et pas seulement aux États-Unis et au Brésil mais aussi en France. Il y a des catholiques radicaux et des musulmans radicaux. Je préfère m'intéresser à tous les autres courants de dialogue. Et j'en trouve dans toutes les religions. Et dans la région aussi. J'ai travaillé avec ces courants là en Afrique, beaucoup, en Afrique du Nord. On trouve ici, dans la région, un islam de dialogue. On trouve ici un protestantisme et un catholicisme de dialogue. Encore faut-il mettre ces courants là en exergue ! Ils ne sont pas très intéressants pour les médias, ils ne se battent pas, ne créent pas de problèmes... Mais, pour donner un exemple, on reçoit dans nos locaux un groupe de musulmans soufis pour la prière. On a eu des rencontres communes, c'était absolument fabuleux. J'ai même vu des vieux protestants cévenols psalmodier le coran en arabe, c'était savoureux. Et les musulmans en question ont chanté À toi la gloire ou dit le Notre Père avec les protestants français. J'ai vu ça ici, il n'y a pas longtemps ! Mais ça, on n'en parle moins que l'imam de la mosquée de Bagnols-sur-Cèze... C'est très difficile de faire parler de ce qui fonctionne. Mais, dans la région, il existe un inter-religieux qui fonctionne, et qui fonctionne bien ! Ça vaut la peine d'être souligné. 

L'inauguration tombe la veille de l'Assemblée du Désert, ce n'est évidemment pas une coïncidence...

Quand on a vu que la fin des travaux tomberait à peu près là, on s'est dit "pourquoi ne pas le mettre le même week-end ?" Ça peut éviter plusieurs déplacements à certaines personnes... 

Propos recueillis par François Desmeures

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