FAIT DU JOUR La Botte gardiane, une sexagénaire en pleine forme
Reprise par Michel Agulhon en 1995, l'entreprise la Botte Gardiane se porte bien.
Ce sont aujourd'hui ses deux fils, Julien et Antoine, qui sont aux manettes dans l'atelier perdu dans la petite zone artisanale de Villetelle. Ce jeudi, chacun s'affaire avec concentration et bonne humeur. Ils sont une vingtaine à confectionner bottes et bottines, à coudre les peaux, façonner les semelles et les talons sans bavure ou jouer de l'emporte-pièces. Des commandes très suivies dans un atelier où la précision est exigée. À sa création en 1958, la Botte Gardiane est comme son nom l'indique, exclusivement destinée aux gardians. Soixante ans plus tard, les créations de la marque ont su se faufiler hors des manades dans le domaine de la mode internationale. Aujourd'hui, 40% des commandes partent à l'export. Etats-Unis, Japon, Australie, Dubaï, etc.
L'entreprise a le vent en poupe. Elle parie sur la qualité et l'artisanat, le made in France et le fait-main. Comptez 300€ environ pour une paire. Pour les Agulhon, la botte Gardiane est devenue une affaire de famille. La soeur, Fanny, s'occupe du design et tient à Paris une des deux seules boutiques de la marque camarguaise, ouverte en 2012. Très vite, une nouvelle échoppe ouvrira ses portes en plein centre-ville de Lyon ce printemps. En 2018 aussi, l'entreprise déménagera atelier et bureaux devenus trop petits de Villetelle à Aigues-Vives, dans un local de 1 000 m2. Le double de l'actuel atelier.
Une vocation familiale
Une des futures machines est actuellement mise au point par le lycée technique d'Alès. Les deux jeunes frères, Antoine et Julien, ne connaissaient rien à la chaussure. Antoine, qui gère désormais l'entreprise, se destinait plutôt à la finance. En 2002, l'ancien atelier est inondé au moment où une belle commande arrive. Il reste pour aider, nettoyer et retaper les machines. "En 2002, il fallait tout redémarrer à zéro. Nous sommes détenteurs d'un savoir-faire. Ici, les gens viennent chercher quelque chose qu'ils ne trouveront pas ailleurs", explique Antoine. La production est limitée et "elle varie de 15000 à 20000 paires par an". Faites à la main, les chaussures de la botte gardiane ne laissent rien au hasard. Quatre épaisseurs de semelles : c'est toute l'identité et la difficulté de la botte, qui passe par soixante étapes de confection différentes. Julien s'orientait vers des études plus techniques, mais comme son frère, le tourbillon bottier l'a emporté.
Dans l'atelier, côté finitions, Christelle Winterstan est la plus ancienne salariée. À son poste elle repère et corrige les dernières imperfections. "Derrière moi, il n'y a que le client !", plaisante-t-elle. Anciennement secrétaire de direction, elle a tout appris sur le tas et a commencé à l'administratif et à la vente en 2001. "J'ai tout appris ici. Quand je suis arrivée, je connaissais la marque parce que mon copain en portait, mais c'est tout !" Il n' y a pas de formation spécifique pour devenir bottier. "Piquer et façonner le cuir, c'est difficile", reconnaît Antoine. "Les formations se font surtout en interne chez nous."
Installés dans le show room, Liliane et Klaus arrivent des environs de Montpellier. Pour Liliane qui chausse du 34, la boutique en ligne et la commande sont une aubaine : "J'ai beaucoup de mal à me chausser comme je veux, hors des rayons enfants avec mon petit pied. Là, j'ai commandé une paire voilà trois semaines et je viens l'essayer." Elle repartira avec une autre paire, en promo, non sans les avoir fait un peu ajuster après essayage. Un luxe artisanal impossible à trouver dans le prêt-à-porter traditionnel. "On reçoit quatre ou cinq clients par jour sur place", explique Julien. "Avec un boom après chaque passage télé !" Récemment, un reportage de journal télévisé ou l'émission des Racines et des Ailes ont drainé chacun leur lot de nouveaux clients. Classée comme "Entreprise de patrimoine vivant", la Botte gardiane se développe doucement, privilégiant toujours qualité et écoute, quitte à faire attendre un peu sa clientèle. Le savoir-faire est aussi une question de savoir-vivre.
Florence Genestier