FAIT DU JOUR La négligence a tué leur fils
Kevin n'avait que 21 ans. Il n'avait aucun problème. Il partait travailler et il a perdu la vie comme ça, en un instant, sur une route qu'il connaissait par coeur alors qu'il n'était pas en excès de vitesse. Sur cette route, une funeste rencontre avec un cheval fugueur lui a été fatal. Un an après, ses parents se battent pour faire évoluer la loi.
Tout commence dans la nuit du samedi au dimanche. À 3h30, à l'heure à laquelle les festaïres s'interrogent sur leur dernier verre, un gamin de 21 ans prend sa petite Twingo bleue et va bosser. Il s'appelle Kevin, il vient tout juste de décrocher un CDI de pâtissier à la maison Dinger à Bellegarde. " Il avait trouvé sa voie ", affirment ses parents, Laurence et Didier.
Kevin connaît bien la route car il habite non loin de là, à Garons. Il ne fume pas, il ne boit pas. À moins de deux kilomètres de l'entrée du village, alors que les abords de la chaussée sont aussi noirs que le ciel en cette période, Kevin percute de plein fouet un cheval marron foncé qui surgit sur le bitume. Un cheval qui était sur la route, un cheval de près de 600 kg qui n'avait rien à faire là. Il est 3h40, les deux vies de Kevin et du cheval s'éteignent et des dizaines d'autres en seront changées à jamais.
Fatigue ou inattention ? Même pas. " Il prenait son poste à 4h, il était toujours en avance... Il avait l'habitude de se lever tôt et de prendre sa voiture dans ces conditions car depuis ses 15 ans il commençait tôt ses journées en cuisine. Il est parti de la maison après avoir bu son café, comme d'habitude, c'était sa routine. Autre routine, quand il était en voiture, il mettait sa playlist. "
À qui la faute ?
Une fois le cheval percuté de face, la voiture va continuer sa route à une centaine de mètres de l'impact. Le cheval mort fut évité puis percuté par d'autres véhicules créant un suraccident. La Twingo de Kevin n'est pas retrouvée immédiatement car le deuxième accident est plus visible mais moins tragique pour la victime. Apparemment, en guise d'avertissement, Kevin aurait reçu des appels de phare pour signaler le cheval sur la route mais ces signaux n'étaient que visuels et auraient pu dire tant de choses... A-t-il cru qu'il s'agissait d'un hypothétique contrôle routier ? De jeunes éméchés qui ne retrouvent pas les bonnes commandes ? Nul ne le saura jamais.
En plus de ce premier cheval, un autre s'est également échappé de l'enclos. Les passants le canalisent pour éviter d'autres drames. Mais Kevin, lui, est décédé. " Il a percuté le cheval de face car on pouvait encore ouvrir les portes latérales sans problème... Sa voiture était un peu cachée dans le fossé d'en face mais quelqu'un a entendu de la musique et quand il est allé voir... ", c'était la Twingo et " on ne pouvait plus rien faire... "
Les gendarmes de Bellegarde, accompagnés par le maire en personne, débarquent au domicile de Laurence et Didier pour leur annoncer la nouvelle de vive voix vers 7h le dimanche matin. " Pour nous, c'était une erreur. On ne pouvait pas l'imaginer. La priorité de Kevin était de bien se former chez Dinger pour ensuite ouvrir sa boutique dans une cellule du nouveau stade des Costières ! Il voulait créer sa propre société. Il avait de nombreux projets et depuis notre arrivée dans la région en 2015 il était devenu amoureux du Nîmes Olympique. Il n'était pas grand, pas gros, il grandissait encore... "
Un sujet sensible
Mais comment ce cheval est arrivé sur la route ? On le sait très bien, dans la région, de nombreux propriétaires d'animaux n'en assument les enjeux que de manière parcellaire. Pour un chat abandonné sur la chaussée les dégâts peuvent être énormes alors imaginez ceux causés par un cheval...
" Nous sommes issus d'une famille qui élevait les chevaux et les bovins. Nous savons ce que c'est et nous ne mettons pas en cause les animaux ! Par contre, c'est un sujet sensible ici en Camargue. La manière dont sont parqués les chevaux est un vrai problème. Notre passé nous a rattrapés. Nous savons bien que les manadiers sont parfaits à 95 % et que les centres équestres le sont pour 80 % d'entre eux mais les particuliers par contre... "
En effet et en se promenant un peu au gré des routes et des chemins, peu de prés et de pâtures sont clôturés dans les règles de l'art. Bien des particuliers qui ont un cheval ont aussi l'habitude de s'en occuper à moindre frais car un cheval, ça coûte cher, y compris son parcage ! " À l'endroit de l'accident, la hauteur maximale du fil de la clôture, qui n'était même pas électrifié, ne dépassait pas les 80cm ! Tous les jours nous constatons les mêmes choses partout. On a acheté un testeur pour vérifier si les clôtures sont électrifiées et c'est très rare... Il n'y a aucune obligation et il faut que cela change. "
La veille de l'accident, pourtant, les personnes qui s'occupent de ces chevaux (car les propriétaires n'habitent pas le coin, NDLR) sont venues au moins à deux reprises. Les chevaux étaient déjà en divagation. Quinze jours avant, idem. Si ces parents se battent, c'est pour protéger les hommes mais aussi les animaux ! " Qu'on ne nous dise pas que c'est de la faute des chasseurs qui ont coupé des fils ou des animaux sauvages comme les sangliers... Non, c'est juste de la négligence ! "
Leur fils, leur bataille
" Nous avons décidé de créer l'association " Tous bien gardés " car il fallait qu'on avance. Kevin, s'il était encore là, aurait poursuivi ce combat en faveur de la protection des animaux et des hommes. On sait de quoi on parle en disant ça mais quand on a un animal, on l'assume dans sa globalité. "
Laurence et Didier veulent en premier lieu une chose assez simple, que les villes ou l'État légifèrent ou règlementent les clôtures. Les villes pourraient prendre un arrêté municipal qui dirait que sur leur commune tous les animaux doivent être parqués dans dans telles ou telles conditions en imposant une hauteur minimum ainsi qu'une qualité adéquates pour les matériaux utilisés.
" Des préconisations existent déjà mais nous voudrions une vraie obligation via un décret. Certaines régions de France ont déjà pris ce genre de dispositions car ces accidents surviennent régulièrement. Quelques années avant Kevin, sur la même route, toujours à cause d'un cheval, une femme enceinte a perdu la vie lors d'un accident identique à celui qui a coûté la vie de Kevin. " Une loi pour empêcher que cela recommence.
" Ça ne fera pas revenir Kevin, nous le savons très bien mais, au moins et si ça peut empêcher d'autres décès, ça serait très bien. On ne veut pas qu'il soit parti pour rien ", concluent les parents qui vous donnent rendez-vous lors de la marche blanche prévue le 25 octobre à Bellegarde à 14h30. Le départ se fera au rond-point du lac car il y a un parking. Le cortège ira jusqu'à la stèle mise en place par les parents de Kevin à l'endroit même où la voiture a heurté le fossé opposé.
Ici, la page Facebook de l'association.