FAIT DU JOUR Lives Au Pont : un festival qui joue la carte de l'exclusivité
Les festivals d'été fleurissent et ne se ressemblent pas, ou presque. Souvent critiqués pour leur manque d'originalité, chacun tente de tirer son épingle du jeu. Le Lives au Pont, festival du Pont Du Gard du 9 au 10 juillet, mise sur un line-up exclusif dont son programmateur Pascal Maurin a le secret. Rencontre avec l'instigateur d'une affiche pour le moins éclectique.
Objectif Gard : L’identité du Lives Au Pont, c’est quoi ? Un mélange de musique électronique et de hip-hop, avec un brin de variété ?
Pascal Maurin : C’est un festival de musique actuelle plutôt indie. Variété, pas vraiment, à part Brigitte cette année mais c’est quand même assez rare. L’idée c'est de programmer des artistes le plus souvent en exclusivité pour nous différencier des autres festivals. C'est le cas avec Cypress Hill, nous sommes les seuls à les avoir dans le sud, tout comme Kaytradana, Flume, Ten Walls ou même Balthazar. C'est impossible de faire seulement avec des exclusivités, mais c'est comme cela qu’on essaie de se différencier des autres, et avec le cadre aussi qui est extraordinaire.
En 2014, vous aviez laissé la place à des artistes locaux comme Mofo Party Plan ou Mummy’s Gone. Qu’en est-il en 2015 ?
Krazy Space et Cil sont deux groupes nîmois qui ont été sélectionnés pour le Before. Promouvoir des groupes gardois après une sélection sur disque et en concert mais aussi des artistes régionaux comme Autoreverse et Dj Oil, c’est la vocation de tout festival qui se respecte.
Cypress Hill, on les voit assez rarement à part quelques apparitions aux Eurockéennes de Belfort il y a quelques années. Comment ça s’est fait ?
C’est quelque chose de récurrent, chaque année on a un groupe old school, cela a commencé avec De la Soul en 2012, Iam en 2013 puis Method Man en 2014. Je ne dis pas à 100 % que l'on continuera à le faire, mais ça fonctionne bien et ça nous plaît. Le hip-hop résonne aussi bien que l’électro dans ce cadre du Pont du Gard, patrimoine de l’Unesco. Et puis, Cypress Hill, on les voit assez peu, et c'est un groupe qui parle autant aux jeunes générations qu’aux plus vieux. Aujourd'hui, la musique est plus accessible donc les jeunes vont également chercher ces groupes, sur internet par exemple, alors qu'ils ne sont pas de leur génération.
Au final, est-ce que le public peut s’y retrouver entre Brigitte, Cypress hill et Brodinski, qui sont trois univers totalement différents ?
On essaie d'avoir une programmation éclectique, donc on a tout intérêt à être cohérent. Même s'il n'y a pas de rapport entre Flume et Brigitte, ok. Et puis des gens viennent pour un groupe ou deux, puis ils découvrent d'autres artistes une fois sur place. On n'est pas obligé de regarder les concerts en permanence, on peut se restaurer, se baigner, se promener. J’ai vu des gens découvrir Woodkid alors qu’ils ne connaissaient pas du tout. Brodinski, quand on écoute son dernier album, on voit bien qu’il est intéressé par le hip hop, donc qu'il soit aux côtés de Cypress Hill, c'est cohérent.
La jauge l’année dernière était de 25 000 personnes, est-ce que vous avez l’ambition de grandir encore ?
On a ajusté les tarifs car nous étions très bas, et nous avons des contraintes financières aussi. Nous ne sommes jamais arrivé à être sold-out, l’idée c’est de ne pas aller au-delà des 15 000 personnes par soir. On peut monter un peu, mais pas au-delà.
Quelles sont les problématiques que rencontre un programmateur sur un festival comme celui-ci, dans un lieu aussi atypique ?
Les contraintes financières sont les mêmes que pour les autres festivals, on n'a pas de producteur privé. La plupart des festivals ont des baisses de subventions publiques et à la fois subissent l’augmentation du coût des cachets artistiques, ce qui fait que beaucoup sont en difficultés comme les Voix du Gaou qui ont été obligés de fermer. Pour le moment je croise les doigts, ce n’est pas notre cas. Le Lives Au Pont a besoin de peu d’argent public, les recettes de la billetterie, le bar et le sponsoring permettent de financer le festival.
Beaucoup de festivals sont pointés du doigt parce qu’ils ont une programmation trop similaire.
C’est ce que l'on tente de ne pas faire, même si ce n'est pas évident. On est en concurrence avec l’Europe entière sur les artistes internationaux, il y a des festivals colossaux sur le même week-end que nous, donc il y a une surenchère sur les cachets des artistes. On est contraint de le faire à cette date, car en août peu d’artistes tournent sauf en fin de mois. Au final, il nous reste peu de choix sur les artistes internationaux. Donc il reste Shaka Ponk, Chinese Man, ou même Brigitte, on ne prétend pas programmer que des artistes en exclusivité, mais on s’en écarte pour ne pas ressembler à tous les autres. On ne voudrait pas faire Étienne Daho puis un groupe techno, et du reggae juste après. Ça n'aurait ni queue ni tête, on veut éviter.
Est-ce que cela signifie qu’il est impossible en France, de faire marcher un festival sans tête d’affiche comme Stromae, Julien Doré, Lilly Wood and The Pricks ou Christine & the Queen ?
Bien sûr que l’on peut, tout dépend de la jauge. Avec 1 000 personnes, on peut le faire. Mais entre 10 et 15 000 personnes, ce n'est pas possible. On veut se situer entre les deux.
Cette année, il y a des artistes émergents que vous avez eu envie de mettre en avant ?
Oui, Jungle par exemple, c’est un groupe anglais apparu en 2014 avec un premier album qu’on a beaucoup aimé, aux frontières de la soul, de l’électro et de la pop. Il est peu vu en province et peu connu du grand public. Balthazar aussi, ce n'est pas un groupe récent mais pas connu du grand public non plus, on les soutient beaucoup, ils ont fait pas mal de petits festivals en France alors qu'ils sont très connus en Allemagne et en Belgique.
Comment fait-on pour se différencier ? Est-ce que la prise de risque existe encore en tant que programmateur ?
Oui cette prise de risque existe encore, cela nous est arrivé avec London Grammar, ils étaient peu connus au moment où l'on s'y est intéressé. Même avec Phoenix l’an dernier, en France, ce n'est pas un groupe qui remplit des grosses salles non plus. On est content de voir le TINALS à Paloma, mais on ne pourrait pas avoir ce type de programmation.
Quelles sont les "plus" du festival cette année ? Des nouvelles installations, décoration, etc ?
On essaie de monter un certain nombre de food-trucks sur l’esplanade. En scénographie on va faire mieux, et plus qu'avant, en proposant une mise en lumière et un projet nouveaux. Mais je ne peux pas en dire plus, rien n'est finalisé pour le moment.
Lives Au Pont, du 9 au 10 juillet 2015 au Pont-Du-Gard
Line-up :
Jeudi 9 juillet :
Kaytranada / The parov Stelar band / Brodinski presents Brava / Cypress Hill / Jungle / Krazy Space / DJ Oil
Vendredi 10 juillet :
Flume / Balthazar / Ten walls / Brigitte / Lilly Wood & the prick / Cil / Autoreverse
Baptiste Manzinali