FAIT DU JOUR Rendre sa blouse, de plus en plus de soignants y pensent
Entre le 19 et le 21 octobre 2020, l'antenne occitane du collectif Santé en danger (SED) a réalisé un sondage auprès de ses 1 300 membres, dont la plus grande majorité sont des soignants, toutes professions confondues. 639 personnes y ont participé.
Créée en juillet 2020 par le médecin anesthésiste-réanimateur, Arnaud Chiche, le collectif Santé en danger défend la parole et les revendications de l'ensemble des professionnels de santé du public et du privé, à l'échelle nationale. Il compte aujourd'hui plusieurs antennes régionales dont une en Occitanie avec 1 300 membres réunis via les réseaux sociaux ; tous des soignants à quelques exceptions près. Car depuis le mois d'octobre, le collectif souhaite s'ouvrir aux usagers auprès desquels il mène une action d'information et de sensibilisation, de même qu'avec les médias et les politiques, du local au national.
"Notre souffrance n'est pas ciblée covid-19"
Informer, sensibiliser, c'est une première étape. Faire prendre conscience d'une réalité en est une autre. Tel était l'objectif de ce sondage axé sur la santé mentale des soignants réalisé par l'antenne occitane de SED entre le 19 et le 21 octobre. Alors on pourrait croire que cette enquête, menée entre deux confinements, est uniquement inscrite dans le cadre de la crise sanitaire. Elle l'inclut certes mais n'en fixe pas les limites. "Notre souffrance n'est pas ciblée covid-19, explique Marie-Josée Falevitch, sage-femme libérale, formatrice à Marguerittes et référente du pôle médias au sein de SED Occitanie. Les gens pensent que la situation est tendue à cause de l'épidémie. Elle l'est, mais en réalité c'est le cas depuis plus de 20 ans. Et pardonnez-moi le pléonasme mais elle s'est gravement aggravée ces dix dernières années."
639 soignants de la région - 13% en libéral, 65% en secteur public, 17% en structure privée et 5% en structure mixte - ont ainsi répondu aux sept questions (à choix multiples) posées dans le cadre de ce sondage, véritable outil de mesure de la santé mentale des professionnels. À la première question, "Avez-vous déjà ressenti un de ces inconforts au travail ?", 67,3% soit 476 participants ont coché la case "Envie de jeter l'éponge". 346 ont déjà ressenti "un stress insurmontable" et 295, "l'envie de pleurer sans pouvoir s'arrêter". 48 votants ne se sentent pas concernés par cette question. Autre interrogation : "Face à cette souffrance ainsi qu'aux difficultés au travail, quelles dispositions comptez-vous prendre ?" 429 des 639 personnes sondées envisagent une reconversion professionnelle, 226 ont engagé un suivi psychologique et 217 ont opté pour la case "être en arrêt de travail".
Le bilan de ce sondage fait apparaître de manière édifiante le mal-être des personnels soignants. "La faute aux politiques, aux mesures d'économies, à une gestion financière de la santé, lance Marie-Josée Falevitch. Il y a une pression de rentabilité qui résulte sur un décentrage d'objectif, qui n'est plus la santé du patient mais l'économie pour moins de coût." Dans ce choix d'économie, la référente du pôle médias de SED, pointe du doigt "la pénurie de matériels et de personnels, d'autant plus visible pendant cette pandémie." Surcharge et mauvaises conditions de travail, hausse des tâches administratives, manque de reconnaissance... "Les soignants sont à bout de souffle", s'inquiète-t-elle.
"Nous sollicitions un Ségur 2"
Pour leur permettre de respirer, "nous sollicitons un Ségur (de la santé, Ndlr) 2, reprend Marie-Josée Falevitch, ragaillardie. Le premier a exclu de nombreuses professions malgré les relances des syndicats. Le libéral n'a pas été pris en compte, ni le territorial, ni le salariat du privé. Ce Ségur qui était le grand scoop du Gouvernement pour améliorer le système de santé, cette vaste fumisterie, n'a concerné que quelques professionnels des établissements hospitaliers."
Le collectif Santé en danger demande en plus de cette prise en compte de l'ensemble des professionnels de la santé, leur reconnaissance et la valorisation de leur salaire à hauteur de 300 euros. "Il faut un choc d'attractivité des établissements de santé, un choc capacitaire avec plus de lits en hospitalisation et en réanimation, un choc de fluidité et de simplification des filières, un choc de dignité et de respect pour les EHPAD (établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes, Ndlr). Il faut recruter", ajoute la référente SED.
Ce message-là, le docteur Arnaud Chiche le portera directement au ministre de la Santé, Olivier Véran, à l'occasion d'un rendez-vous ce jeudi 12 novembre à Paris. "C'était notre but et c'est une bonne chose", se réjouit Marie-Josée. Et de poursuivre, prudente : "Mais il faut ensuite que ce Ségur puisse être à nouveau négocié, sans aucune exclusion. L'association travaille de façon étroite avec les syndicats et d'autres collectifs. Nous sommes rassemblés autour d'un projet, le Ségur 2 qui mène au projet ultime, c'est-à-dire l'écriture du plan de Santé 2.0."
Stéphanie Marin