Publié il y a 5 ans - Mise à jour le 19.11.2019 - philippe-gavillet-de-peney - 4 min  - vu 987 fois

GARD Précarité : les étudiants de Nîmes racontent

L'immolation par le feu d'un étudiant lyonnais la semaine dernière a suscité de nombreuses réactions chez les étudiants. Objectif Gard est allé à leur rencontre et leur a donné la parole.
Des étudiants sur l'esplanade Charles De Gaulle à Nîmes (photo Corentin Corger)

Le coût de la vie étudiante augmente de manière constante chaque année et plonge un peu plus, à chaque rentrée, les étudiants dans les difficultés, voire la précarité...

Ils sont près de 20% à vivre en-dessous du seuil de pauvreté, c'est à dire avec moins de 60% du revenu médian, soit 987 euros par mois. Près de la moitié des étudiants travaille durant l'année scolaire pour pouvoir vivre décemment. Et pourtant, ce travail, que beaucoup jugent indispensable,  amenuise les chances de réussite scolaire. D'après l'INSEE, ceci est d'autant plus vrai lorsque l'étudiant occupe un temps partiel ou un temps plein supérieur à quinze heures par semaine.

Étudiante en classe préparatoire l'an passé, Lory raconte avoir vécu une année très difficile. "Au début, je n'arrivais pas à trouver de logement du fait de mes difficultés financières", se souvient-elle. La jeune femme devait prendre le train tous les jours et s'est vue à plusieurs reprises dans l'impossibilité de suivre les cours du fait de retards ou de grèves des transports. Quand elle a enfin pu trouver un logement sur place, elle a dû prendre en compte que le loyer de son logement représentait la totalité de sa bourse et elle a donc dû commencer à travailler en extra pour pouvoir vivre décemment.

"Tout cela a eu un gros impact sur ma scolarité et sur mon assiduité en cours qui est pourtant plus qu'indispensable en classe préparatoire. J'étais fatiguée et les enseignants n'arrêtaient pas de me rappeler les enjeux d'une assiduité irréprochable dans ce genre d'études", évoque-t-elle.

Un recours au crédit de plus en plus fréquent

Actuellement étudiante à l'université de Nîmes, Zoé est bénéficiaire de la bourse étudiante du Crous (Centre régional des œuvres universitaires et scolaires), échelon 4. "J'estime vivre correctement, je ne vais pas me plaindre. Je vis encore chez mes parents. Je suis logée, nourrie et blanchie alors la bourse est un plus qui me permet d'investir dans ma scolarité sans dépenser plus". À la question de savoir si l'étudiante s'en sortirait aussi bien en déménageant dans son propre appartement la réponse est évidemment non.

Bien qu'ayant été acceptée dans une école de préparation à une école de journalisme l'année dernière à Paris, cette dernière a été contrainte d'y renoncer par manque de moyens. Le recours aux crédits étudiants sont aujourd'hui envisagés par tous les étudiants ou presque faute de devoir faire l'impasse sur certaines ambitions d'accéder aux grandes écoles et universités. Si Zoé n'estime pas être dans l'obligation de réduire ses sorties par manque de moyens à l'heure actuelle, elle explique par contre qu'elle ne sort quand même que très peu car beaucoup de ses amis, comme Lory, sont pour leur part dans ce cas.

L'alternance, une solution ?

D'aucuns relèvent un problème en ce qui concerne l'attribution des bourses du Crous. Ce dernier tient compte de la situation financière du foyer deux ans avant l'année en cours alors qu'un parent peut, tout à coup, se retrouver au chômage sans pour autant que l'enfant ne se voit attribuer une bourse convenable et adaptée à la situation présente.

Marie, également étudiante à Nîmes, explique ne percevoir aucune bourse car ses deux parents, enseignants, "gagnent trop". Seulement voilà, pour tout le reste, la jeune femme bien que logée et nourrie, vit exclusivement sur les économies engrangées grâce à des jobs qu'elle peut effectuer durant l'été. " L'année prochaine, j'envisage de partir faire mes études ailleurs, de changer de ville. Je vais devoir me débrouiller toute seule car mes parents ne peuvent pas m'aider financièrement et que je ne toucherai toujours pas de bourse. Je pense du coup me diriger vers une formation en alternance à la rentrée prochaine. C'est vraiment une super opportunité pour les étudiants. Elle mériterait d'être davantage mise en avant dans les différents cursus", analyse-t-elle.

Beaucoup d'étudiants de familles déclarées comme n'ayant pas besoin des bourses sont en fait nécessiteux dès lors que l'enfant quitte le foyer. Le système mis en place par l'État pour les étudiants est globalement décrit comme inégalitaire et ne permettant pas à tous les jeunes de vivre décemment. Des enquêtes plus approfondies devraient être faite au cas par cas car il est évident que si pour certains la bourse n'est pas suffisante pour vivre, d'autres, qui en bénéficient, pourraient au contraire vivre convenablement sans ces subsides.

"Je trouve dramatique que certains élèves n'aient pas de quoi subvenir à leurs besoins primaires, et même si je ne suis pas dans une situation des plus précaires, je pense qu’il faudrait mettre en place de réelles réformes pour toucher un maximum d’étudiants dans le besoin" , analyse Lory. Il y a également des efforts à faire concernant ceux que les parents ne peuvent pas aider car il est extrêmement difficile pour les personnes dans ce cas de trouver un appartement et/ou d'entreprendre de contracter un crédit. Pour la majorité des étudiants que nous avons rencontrés, il semble important et urgent d’agir. On ne saurait contester que les étudiants sont l'avenir de notre pays et qu'un investissement pécuniaire et un soutien de l'État s'avèrent nécessaires pour les placer dans de bonnes conditions.

Manon Raveleau

Philippe Gavillet de Peney

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