LANUÉJOLS Le préfet prend un concentré de difficultés et de dynamisme ruraux
Il n'avait pas pu venir pour la commémoration du 8 mai, mais a choisi une fin d'été moins agitée pour monter au village. Le préfet du Gard, Jérôme Bonet, est venu rendre visite à Lanuéjols, dont le maire avait invité ses homologues des villages alentour. Il a écouté les difficultés dont retentissent tous les villages, mais qui se trouvent accentués dans cette partie septentrionale du département, à l'arrière de l'Aigoual, bien loin de la préfecture. Et a pu témoigner de l'engagement des maires sur un territoire excentré.
S'il arrive, un jour, à un ministre de l'Intérieur de vouloir supprimer la sous-préfecture du Vigan, il faudra sans doute l'emmener dans l'ancien canton de Trèves afin qu'il prenne conscience de la nécessité de la présence de l'État. Maintes fois, le maire de Lanuéjols, Alexandre Vigne, a loué la présence et l'accessibilité de la sous-préfète du Vigan, Anne Levasseur, et les services qu'un représentant de l'État rend à ce territoire. Car, si le préfet a refusé le terme "abandon" en évoquant les zones rurales, aux yeux de l'État, il a bien remarqué que l'accumulation des normes, les sommes nécessaires aux infrastructures d'un village sans grosses ressources, ou encore la myriade d'autorisations pour un même problème peuvent décourager les meilleures volontés des maires ruraux.
Après une présentation de la commune par Alexandre Vigne et avant un petite visite des infrastructures, l'école est rapidement venue dans la discussion, alors que maternelle et élémentaire se répartissent entre Lanuéjols (du CE1 au CM2) et Trèves (de la maternelle au CP). "J'ai un souci pour cette rentrée : on a une enseignante de grande qualité mais elle s'est cassée le pied dans l'été." Et comme elle attend un heureux événement pour la fin d'hiver, le maire craint pour son remplacement. "On a eu le même scénario il y a quatre ans et déjà eu des remplaçants qui refusaient de venir à cause de la distance. À l'époque, on avait épluché des CV de vacataires." Ce qui avait permis, après les vacances de Noël, d'installer un enseignant pour le reste de l'année.
"J'ai transpiré, parce que les familles menaçaient d'emmener leurs enfants à Meyrueis, dans le privé", se souvient Alexandre Vigne. "Plutôt un contractuel pour l'année ?", interroge Anne Levasseur, qui va en faire la demande au DASEN (directeur académique des services de l'éducation nationale, NDLR). "On a aussi l'intention de démarrer du périscolaire le mercredi, poursuit le maire. Mais on doit être agréé Jeunesse et Sports et la commission n'est qu'en avril. Sans agrément, on ne peut pas avoir l'aide de la CAF avant 2025." "On va discuter rapidement avec les services de l'Éducation nationale. Ça ne me paraît pas insurmontable", rétorque le préfet en évoquant une éventuelle dérogation pour cette année. Dont la confirmation est amenée par Anne Levasseur en cours de rendez-vous.
Après avoir évoqué le "problème des accouchements" alors que la maternité la plus proche est à Millau - et la naissance récente d'un bébé dans la camionnette des pompiers - Alexandre Vigne brosse, plus généralement : "Les petites communes et les maires croulent sous le travail administratif. J'ai une secrétaire de mairie qui croule sous le travail et si je ne la garde pas, je n'en trouverai pas d'autres."
"La distorsion est trop forte entre la profusion des normes et votre capacité à les administrer ou à les gérer"
Jérôme Bonet, prétfet du Gard
Et le maire de Lanuéjols évoque, comme demande préfectorale récente, l'injonction de répondre à la Zéro artificialisation nette (ZAN) dans les trois ans. Jérôme Bonet reconnaît : "La distorsion est trop forte entre la profusion des normes et votre capacité à les administrer ou à les gérer. Les communes ont souvent des problèmes de compétence, mais dans le même temps, il existe une demande sociale de normes. Il faut qu'on arrive à redonner l'ingénierie aux communautés de communes. Et qu'on s'interroge sur... la taille de ces communautés de communes", lâche le préfet qui n'ignore pas d'être dans la plus petite du Gard en la matière, Causse-Aigoual-Cévennes, et ses 5 000 habitants.
Jérôme Bonet est ensuite allé visiter le Centre de formation aux métiers des travaux publics, inauguré en 1989. Un équipement au format inhabituel dans une si petite commune, poussé par le maire d'alors et toujours conseiller départemental, Martin Delord. "Je rencontre tellement d'entreprises qui cherchent de la main d'oeuvre qualifiée..., commente le préfet du Gard. Il ne faut pas laisser mourir ce centre de formation." Devant le centre de secours, Alexandre Vigne s'inquiète "de la crise des vocations" des volontaires chez les pompiers.
Après un passage par l'école et sur la place, restaurée en partie avec des fonds d'État, ainsi qu'à la résidence pour personnes âgées des Ormeaux, Jérôme Bonet a rencontré les maires de Saint-Sauveur-Camprieu, Causse-Bégon, Revens, Trèves et Dourbies et brossé quelques sujets ruraux. En insistant sur le fait qu'il n'existe pas d'abandon de l'État, et que sa porte reste ouverte pour toute demande d'aide, de facilitation, ou de simplification administrative. Les maires présents en ont pris bonne note, tout en s'inquiétant d'une autre crise des vocations, celle de maire de village. Certains d'entre eux ne tenteront pas de renouveler leur mandat et, comme l'a souligné Alexandre Vigne, "je n'aimerais pas être candidat juste parce qu'il y a une carence". Alors que sa fonction couvre un temps plein pour 900 € d'indemnités par mois. Il faudra sans doute beaucoup de simplifications pour redonner goût aux vocations...