LES HISTOIRES DE L'ÉTÉ Injections d'acide : le médecin au tribunal
Ce médecin gastro-entérologue gardois pratiquait des injections d’acide hyaluronique dans le ventre de ses patients pour les faire maigrir. Cet article est issu du numéro 78 d'Objectif Gard le Magazine sorti le 20 juin dernier.
Près de cinq ans d’investigations et le juge d’instruction a rendu, ces dernières semaines, son ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel de Nîmes. Le magistrat estime qu'il y a des charges suffisantes pour le traduire devant une juridiction. Le praticien sera donc jugé dans les prochains mois pour « escroquerie », « tromperie sur une prestation de service entraînant un danger pour l’homme », et « recherches biomédicales sans autorisation ».
La Polyclinique mise hors de cause, le médecin seul en cause
La Polyclinique Grand Sud un temps inquiétée par la justice, et mise en examen, a bénéficié d’un non-lieu et ne sera donc pas poursuivie devant la juridiction pénale gardoise en tant que personne morale. Pourtant, les avocats du médecin ont essayé par le biais des procédures de mettre en cause la clinique nîmoise, notamment lors d’une audience publique devant la chambre de l’instruction où le pénaliste Maître Baptiste Scherrer avait dénoncé concernant le médecin incriminé : "Il se fait lyncher médiatiquement parlant, il se fait massacrer professionnellement, mais il ne sera pas le seul mis en examen dans ce dossier. Il y a d'autres responsables." Avant de rajouter : "Je ne vois pas pourquoi seul ce médecin devrait être mis en cause, alors que tout le monde était au courant."
Aujourd’hui encore, la défense du praticien entend mettre en cause la Polyclinique : "Contrairement aux réquisitions du procureur de la République et du réquisitoire définitif du parquet de Nîmes, le juge d’instruction n’a pas cru bon de renvoyer la Polyclinique Grand Sud devant le tribunal correctionnel, mais la défense se réserve le droit de faire citer cet établissement hospitalier", prévient Maître Scherrer qui vient d'apprendre le renvoi de son client devant la juridiction pénale nîmoise.
"Pour l’établissement hospitalier, la procédure est terminée, elle n’a pas commis d’acte de complicité, tranche pour sa part Maître Isabelle Mimran, conseil de la Polyclinique. Il y a eu une ordonnance de non-lieu qui n’a pas fait l’objet d’un recours, il n’y a pas eu d’appel. L’établissement a même été trompé par ce médecin", complète l'avocate nîmoise.
Injections sur 515 patients
Le gastro-entérologue est lui suspecté d'avoir injecté à 515 patients de l'acide hyaluronique lors d'interventions pratiquées sous anesthésie générale. Ces interventions devaient, selon le médecin, faire maigrir ses patients.
"Au départ de ce dossier c’est la Sécurité sociale qui dépose plainte et, pour nous, l’escroquerie reprochée à ce médecin est aujourd’hui caractérisée. La CPAM recevait une demande de remboursement pour une endoscopie par exemple, alors que ce spécialiste effectuait une autre opération", souligne Maître Christian Barnouin, conseil de la CPAM du Gard. "Il demandait le remboursement d’un acte qui n’a pas été effectué, donc il y a falsification", ajoute l’avocat qui se constitue partie civile dans ce futur procès qui se tiendra devant le tribunal correctionnel de Nîmes. Ce dossier délictuel n’a toutefois pas encore été audiencé, mais le gastro-entérologue sera bien le seul et unique prévenu à la barre.
Expérimentation et cobaye
"Lorsqu’il s’agit d’un protocole homologué et que l’on fait appel à ce que l’on appelle un cobaye, la personne qui pratique l’expérimentation sait de quoi il s’agit. Les expériences et recherches médicales en France sont très contrôlées. Là, les patients qui se faisaient injecter de l’acide hyaluronique ne le savaient pas !", peste l’avocat de la Sécurité sociale du Gard.
"Mais c’est faux ! Les patients le savaient et venaient pour ça, pour maigrir à tout prix car cette méthode fonctionne, on le sait. Ils ne venaient que pour ce protocole médical à l’acide", assure Maître Baptiste Scherrer. Les services de police ont envoyé des centaines de lettres à des patients qui ont obtenu ce protocole, et seul quelques-uns ont décidé de se constituer partie civile. Et encore pour essayer de toucher quelques milliers d’euros", pense l’avocat du médecin. "Ce spécialiste réalisait une endoscopie. Il s’assurait que tout allait bien et qu’il pouvait ensuite pratiquer une piqûre. Il ne faisait l'injection que si toutes les conditions médicales étaient réunies et il fallait réaliser cette endoscopie pour accéder à la suite de la méthode", complète Maître Scherrer.
Il n’empêche que son client est empêtré dans ce dossier et, après plusieurs années d’investigations, la juge d’instruction a estimé qu’il y avait des charges suffisantes pour le renvoyer en correctionnelle. Ce médecin placé sous contrôle judiciaire continue à exercer. L’audience, elle, n’a pas encore été fixée.