Publié il y a 2 jours - Mise à jour le 30.06.2024 - Propos recueillis par Gil Lorfèvre - 5 min  - vu 200 fois

L'INTERVIEW Aurélie De Lanlay : « On cherche chaque année à surprendre le public ! »

Aurélie de Lanlay rencontres arles

Aurélie de Lanlay

- Photo Gil Lorfèvre

Aurélie De Lanlay est directrice adjointe des Rencontres d’Arles qui ouvriront leurs portes le 1er juillet pour trois mois avec pas moins de quarante expositions et quelque 4 200 œuvres à découvrir ou redécouvrir.

Objectif Gard : Quel est le programme de la 55e édition des Rencontres de la photographie d’Arles qui débute lundi ?

Aurélie De Lanlay : Nous avons construit un programme dans lequel nous présentons quarante expositions réparties dans vingt-cinq lieux patrimoniaux situés dans la ville. Il s’agit d’expositions autour de la photographie sous toutes ses formes avec des grandes figures historiques dont on revisite l’oeuvre, des expositions collectives qui résonnent avec l’actualité ou qui permettent de considérer la photographie avec un autre regard, de la photographie émergente ou encore des archives photos… et autour de ça on déploie un certain nombre de séquences. La première d’entre elles se nomme Remous, elle fait ainsi écho au sous-titre de cette 55e édition qui est Sous la surface.

La programmation fait notamment la part belle cette année aux travaux de Mary Ellen Mark à travers une première grande rétrospective mondiale de l’œuvre de cette photographe américaine.

En effet ! Un des rôles des Rencontres d’Arles est de donner à voir une photographie de la scène contemporaine française mais aussi d’ouvrir sur les regards internationaux en revisitant notamment les travaux de photographes dont les rétrospectives n’ont pas toujours été réalisées. C’est le cas avec Mary Ellen Mark dont nous sommes très heureux de présenter le travail. Elle a su apporter un regard humaniste et documentaire sur le monde qui l’entourait avec une sensibilité extrême concernant notamment la vie quotidienne dans ce qu’elle peut avoir parfois de rugueux, réalisant des portraits, souvent de personnes en marge, avec une grande empathie. C’est important pour nous de montrer le rôle du photographe et le regard qu’il peut porter sur la société, et comment est-ce que cela peut aujourd’hui éclairer notre propre regard sur le monde qui nous entoure.

"Appréhender la photographie des femmes photographes japonaises"

Que pouvez-vous dire du travail de Stephen Dock qui sera présenté à l’espace Croisière ?

Stephen Dock est au départ un photographe de guerre français autodidacte âgé d’une quarantaine d’années qui a longtemps travaillé pour la presse. Petit à petit, il a revisité ses propres archives photographiques en s’interrogeant sur la notion de distance. La distance que lui-même a sur place quand il photographie des scènes, la distance qu’il peut introduire en tant que photographe par rapport au regardeur en réinterprétant ses images, leurs formes, leur présentation. À l’aide de techniques diverses et en se saisissant des outils actuels, il a choisi de regarder différemment ses archives en écrivant son propre travail d’auteur tout en s’appuyant sur des références liées à l’histoire de la photo. C’est un projet d’artiste, fort intéressant, qui en s’éloignant de la pure photographie documentaire présente un certain nombre de niveaux de lecture, de l’usage de la photographie à la déconstruction de l’image de la guerre.

La photographie japonaise est également mise à l’honneur cette année.

Effectivement ! Nous présentons plusieurs projets autour du Japon et de la photographie japonaise avec notamment deux expositions dont une qui se tiendra au Palais de l’archevêché avec la présentation de travaux réalisés par 26 photographes japonaises des années 50 à nos jours. Les visiteurs pourront y découvrir la diversité des images exposées et les approches différentes selon les photographes. C’est l’occasion pour tout un chacun, au regard du reste des expositions et de la diversité des projets, d’appréhender la photographie des femmes photographes japonaises. On connaît assez bien dans l’histoire de la photographie la photographie japonaise, mais on connaît principalement les travaux de photographes japonais, et assez peu les travaux des femmes photographes japonaises. Cette exposition est l’occasion de découvrir au cours du dernier siècle et jusqu’à aujourd’hui, la place, le regard et les expérimentations portées par les photographes japonaises. La diversité des approches photographiques, la richesse des séries, les enjeux historiques et sociaux sur la société japonaise rendent cette exposition passionnante et nécessaire.

"Réussir à faire entrer le public dans un nouvel univers"

Parmi les photographes invités, il y a cette année Sophie Calle qui partage son temps entre Paris et le petit village du Cailar dans le Gard. Qu’est-ce qui a motivé ce choix ?

C’est elle qui a motivé ce choix ! (Sourire) L’année dernière, elle a visité en septembre l’exposition de Juliette Agnel sur les grottes préhistoriques d’Arcy-sur-Cure dans l’Yonne qui était installée aux cryptoportiques – lieu souvent peu connu du public ! – ; et cela, au moment même où les œuvres commençaient à être abîmées à cause d’un taux d’humidité très élevé. Après avoir vu l’exposition, elle a dit à Christoph Wiesner (le directeur des rencontres d’Arles, NDLR) : j’ai un projet pour toi ! Et c’est celui que va découvrir cette année le public à travers une exposition très émouvante qui rassemble, entre autres, les photos de sa série Les Aveugles qui ont subi des dégâts des eaux il y a quelques mois… Cette exposition, qui se tient bien entendu aux cryptoportiques, pose la question du regard de l’artiste, de la disparation, de l’absence et de la place que les œuvres trouvent dans le temps.

Pour la première fois, les Rencontres présentent des travaux autour du graffiti, un univers qui pourtant n’est pas directement lié à la photographie !

C’est ça aussi les Rencontres d’Arles : pour chaque projet, réussir à faire entrer le public dans un nouvel univers. C’est cela qui fait que quand on vient au festival il y a des choses qu’on va adorer et d’autres qui nous étonneront. Et chaque fois, il y a des surprises, et c’est ce qu’on cherche : surprendre les visiteurs ! Certes, le graffiti n’est pas de la photographie mais nous ce qui nous intéresse c’est comment un mouvement d’appropriation de l’espace urbain et de rébellion a pu se faire une place en France et ailleurs depuis une trentaine d’années, et comment la photographie en tant que support a permis à la fois de documenter et de faire évoluer ce mouvement.

"La photographie a un rôle essentiel dans nos vies"

Une partie de l’imposante collection de la Fondation A (Collection Astrid Ullens de Shooten) consacrée à la photographie documentaire sera également présentée à la Mécanique générale…

C’est encore un autre chemin pour la photographie ! Les Rencontres portent chaque année un intérêt particulier sur la question de la collection. La spécificité de la collection d’Astrid Ullens, c’est qu’elle est composée de plus de 5 000 œuvres réalisées par une centaine d’artistes qui ont chacun des séries très longues. Cette collection est constituée autour de la photographie documentaire. On y découvre des grandes figures de la photographie telles que Bernd et Hilla Becher, Robert Adams, Lee Friedlander ou encore Walker Evans. Cette exposition qui comprend des centaines de clichés est aussi une manière de revisiter l’histoire de la photographie.

Les Rencontre d’Arles sont-elles attentives également à l’édition du livre photo ?

Oui. Depuis plusieurs années, nous sommes très attachés à l’édition photographique car le livre photo est un outil indispensable pour le photographe. Il s’en sert aussi bien pour penser sa série et son projet que pour diffuser et partager son travail. Cette année encore il y aura les Prix du livre dont le but est de soutenir le développement de l’édition photographique et de contribuer à sa plus large diffusion.

Quel regard portez-vous sur l’avenir de la photographie ?

La photographie a un rôle essentiel dans nos vies. Il suffit de regarder nos téléphones portables ou les gens dans la rue avec leur smartphone à la main pour se rendre compte de la place qu’occupe l’image dans notre quotidien. Des espaces comme le nôtre, et comme de nombreux autres aussi, sont absolument essentiels pour continuer à penser en permanence le médium, pour permettre à des artistes, des photographes, des commissaires d’exposition de dévoiler leur vision, leur regard, leur voix d’un monde en mouvement perpétuel dans des récits multiples et personnels.

Programme complet des Rencontres d’Arles sur le site www.rencontres-arles.com

Propos recueillis par Gil Lorfèvre

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