L'INTERVIEW Florence Luisière (Secours Populaire) : "L'hébergement d'urgence n'est pas notre rôle"
Comme chaque année avant la rentrée, le Secours Populaire, qui accompagne 15 000 personnes dans le Gard, a organisé sa remise de fournitures scolaires aux familles les plus démunies. Florence Luisière, directrice de la fédération du Gard du Secours Populaire, revient sur cette opération mais aussi sur l'actualité récente et ce chiffre de 2 000 enfants contraints de dormir dehors. Interview.
Objectif Gard : Quel type de public aidez-vous par cette remise de fournitures scolaires ?
Florence Luisière : Ce sont des familles qui ne bénéficient pas de l'allocation de rentrée scolaire malgré leurs grandes difficultés. Elles n'ont pas droit aux aides de la CAF en général car elles n'entrent pas dans le cadre administratif.
Combien d'enfants bénéficient de cette aide ?
L'année dernière, on a distribué des fournitures scolaires à 80 enfants. Quand on a commencé cette année, on s'est limité aussi à 80 enfants de primaire, collège et lycée car on ne savait pas ce que l'on aurait comme fournitures. On a mis en place une liste d'attente avec 25 familles inscrites en se disant si on collecte plus, on va pouvoir ouvrir à d'autres familles. Mais au vu de la collecte, on ne pouvait pas aider plus d'enfants.
"Donner un cahier a plus de valeur qu'avant"
Alors que la demande est forte, n'est-ce pas ?
Oui on aimerait étendre cette action à plus d'enfants mais il nous faudrait plus de fournitures scolaires. Évidemment, plus d'enfants ont besoin mais on s'est fixé à 80 enfants aidés car sinon on aurait donné qu'un petit colis de fournitures scolaires. Ce n'est pas le but. Là du coup l'aide est plus intéressante. D'années en années, on reçoit plus de personnes dans nos permanences d'accueil, notamment des familles qui n'ont pas droit à l'allocation de rentrée scolaire.
Est-il plus compliqué de collecter à l'heure actuelle ?
On peut compter sur la générosité d'entreprises partenaires et des donateurs lors de collectes dans les supermarchés comme Carrefour où nos bénévoles étaient présents. La solidarité et la distribution de fournitures scolaires font partie de notre ADN. L'enseigne Auchan a aussi donné. Après, il faut tenir compte aussi du fait que c'est plus difficile pour tout le monde. Aujourd'hui donner un cahier pour une famille a plus de valeur qu'avant.
"On a pris en charge l'hôtel pour quelques jours"
Récemment la fédération des parents d'élèves a demandé la gratuité des fournitures scolaires. Y-êtes vous favorable ?
Il y a des communes déjà qui financent les fournitures scolaires pour leurs élèves. Nous on agit sur les conséquences de la situation et on ne prend pas parti pour les causes. En tout cas, l'école doit être accessible à tout le monde. Pour y aller les familles doivent faire certaines dépenses. Certaines ne peuvent pas les faire. Cela n'empêche pas les enfants d'être admis à l'école mais si on ne les aide pas, ils n'auront pas les moyens de suivre normalement leur scolarité. Il y a des inégalités à ce niveau-là. Et ça continue jusqu'à la fac où on accompagne aussi des étudiants.
D'après une enquête publiée par la Fédération des acteurs de la solidarité (FAS) et Unicef France, 2 000 enfants sont contraints de dormir dans la rue en France. L'Occitanie est la quatrième région la plus concernée. Quelle est la situation dans le Gard ?
Cette dernière année, on a été sollicité plusieurs fois par des familles avec souvent beaucoup d'enfants où certains sont pris en charge et d'autres non. Pour deux familles, ces derniers mois, on a pris en charge l'hôtel pour quelques jours. On prépare actuellement notre budget prévisionnel pour 2024 et on y ajoute du coup un volet aides financières pour certaines situations difficiles. Après il faut avoir les moyens de le faire et l'hébergement d'urgence n'est pas notre rôle, c'est l'État. On est là pour orienter. Nous on fait de l'aide alimentaire, de l'aide vestimentaire ou encore de l'accès aux droits.