NÎMES EN « 30 » Le centenaire de la naissance de Frédéric Mistral
Pour l'été, Objectif Gard revient sur l'histoire de la ville de Nîmes pendant les années 30. L'occasion de remonter le temps et d'évoquer la capitale gardoise, il y a maintenant plus de 80 ans.
L’année 1930 marque le centenaire de la naissance de Frédéric Mistral. Point de statues, mais plusieurs inaugurations de plaques commémoratives avec de nombreux discours en français et surtout en Provençal. Lors de la cérémonie d'inauguration de la plaque placée sur l'ancien emplacement de l'hôtel du petit St Jean - à l'angle du Bd Amiral Courbet et de la rue Colbert-, le maire de Nîmes, Hubert Rouger, prononcera sont discours en "dialecte" provençal. Voici un extrait de ce discours enflammé (pour les puristes).
- Quand lou Commpitat de la Jouvenço Nimesenco, de Nemausa et de l'Académio agué fa saupré qu'arrambava li félibre per festeja lou Centenari dou Grand Miéjournau, boutas n'en manqué pas d'aïga i pèse, touti li roudinaïré, touti li réboussié, - desemppiei lou Cous Noù enjusqu'au Camin d'Avignoun - te n'en fasien une rampelada ! Nime es en Lengadoc, sian pas Provençau, sian de Nimouès, vous dise ! Coma sè, Prouvençau gèns doù Lengado ou Enfant de Nime sian pas touti dou Miéjour ! Aqueli béù-l'oli, que cercou la niue dins lis arniasi, aurien fini per faire encreire que Nimes era en vdefora doû ceû ounte briha la Santa Estella.Es pamen véraï que Mistraû a alluma où front de la Tour Magno lou sant signaû. La peira escricha que venen d'encarta dins aquela muraïa perpétuara la mémori doù Pouèta immortau que fagué revieûdra la lenga maïrala que cantava à nostri bressola pèr la vouès de nosri grand. Es à Nime que, prenen soun diploma de bachelié, lou bèn cantaïre di pastre e gèns de mas sentigué, belèu per lou premié cop, qu'en aimant la terra de Crau, n'aïmava que maï lou terraïre francès. E, quand lou jouvènt de Maïano, à l'auberja doù Pichot Sant Jan, au mitan di marchand de cèba, de cougourla, d'aïet e de pouma d'amour, parlavo de la cambrassa de la Coumuna ount'avié passa davana la grand taula cargada d'escritori, i avié dins soun raconté la bèluga primadièra de sa fé e de sa crésenço à la glouriousa destinada de la raça apoustoulica.
Ce discours en version papier fût suivi d'une traduction officielle indispensable, car comme l'a écrit Pierre Guérin, membre de l'Académie de Nîmes, a l'occasion d'une autre célébration quelques années plus tôt : "neuf vrais nîmois sur dix qui l'auront entendu attendront la traduction pour bien la comprendre". Pierre Guérin, était certainement l'une des personnalités mises en cause dans le discours engagé et provocateur du Maire de Nîmes. Voici la traduction :
- Quand la Jouvenço Nimesenco, la Nemausa et l'Académie, parlèrent de réunir en Comité les félibres pour organiser à Nîmes la célébration du glorieux centenaire, il y eut toutes sortes de commentaires de la part des mauvais esprits qui prétendirent que Nîmes était en Languedoc et non en Provence, comme si Provençaux, Languedociens et Nimois n'étaient pas tous du Midi. Ces gens de rebrousse-poil qui cherchent la nuit dans les broussailles auraient fini, si on avait voulu les croire, par laisser entendre que le pays de Nîmes n'était pas sous le même ciel que celui où brille la Santa Estella. Ils ne se souvenaient, pas ceux là, que Mistral avait allumé le Saint Signal au front de la Tour Magne. La pierre écrite que nous venons d'encastrer dans le mur perpétuera la mémoire de l’immortel poète qui fit revivre la langue maternelle qui chantait à nos berceaux par la voix de nos grands-mères. Et c'est à Nîmes qu'en recevant son diplôme de bachelier, celui qui devait devenir le beau chanteur des pâtres et des paysans, sentit peut-être pour la première fois qu'en aimant la terre de Crau, il n'en aimait pas moins la terre de France. Et lorsque le jeune homme de Maillane à l'auberge du Petit Saint-Jean, au milieu des marchands d'oignons, de courges, d'ail et de tomates parlait de la grande salle de la Mairie, où il s'était présenté devant la grande table couverte d'écritoires, il y avait dans son récit comme la première étincelle de sa foi et de sa croyance en la glorieuse destinée de la race apostolique.
Cette chronique estivale hebdomadaire a pu être réalisée grâce au travail exceptionnel de recherche de Georges Mathon, historien nîmois. Pour en savoir plus : http://www.nemausensis.com