UZÈS À l'Ombrière, le public suspendu aux lèvres de la dessinatrice Coco
Ce vendredi soir, environ 250 personnes se sont rendues à l'Ombière pour écouter le témoignage fort de la dessinatrice de presse, Coco. Interviewée sur scène par le journaliste, Vincent Nouzille, elle a parlé de sa bande dessinée retraçant son quotidien depuis l'attentat du 7 janvier 2015 à Charlie Hebdo. Elle a également commenté plusieurs dessins qui ont marqué sa carrière et parler de ses six premiers mois à Libération dans les pas de Willem.
Coco était la première invitée des rencontres mensuelles organisées par la librairie de la place aux Herbes et ses amis. Sa venue marquait aussi le début du nouveau festival de la bande dessinée qui se tient tout le week-end à Uzès. C'est la journaliste Vincent Nouzille, également président de l'association uzétienne Prima Vera, qui a mené l'entretien pendant 1h30.
Déjà sur les bancs de l'école, Corinne Rey dessinait sur ses cahiers. Ses professeurs remarquent vite son trait humoristique, un peu trash parfois. À la fin de ses études, elle envoie une lettre de motivation - avec une tâche de café dessus - à Charlie Hebdo pour un stage. C'est Cabu qui l'a reçue et a accepté de la prendre. Elle se rappelle de personnalités affirmées qui se côtoyaient dans la rédaction. Pour lesquelles elle avait beaucoup d'admiration.
"Là où les choses étaient indicibles, le dessin a pris le relais"
En mars dernier, Coco a sorti sa bande dessinée "Dessiner encore". Faire un livre post-attentat de Charlie était la dernière chose qu'elle pensait faire. Trop lourd, trop marqué. Mais un an avant le procès, se pose la question de ce qu'elle va dire à la barre. Là où les mots se brisent, elle a décidé dans un premier temps de coucher son propos en dessins. De là est née l'idée d'en faire un récit intimiste où elle arrive "à formuler des choses qu'elle n'avait pas dites" : "Là où les choses étaient indicibles, le dessin a pris le relais. Là où les mots ne sont pas assez forts, j'utilise les couleurs, les traits, les hachures... Certaines pages ont été faites tard dans la nuit, en tête-à-tête avec moi-même", explique Coco.
Il y avait aussi ce sentiment d'être encore en vie par miracle et de dessiner par conviction, pour réaffirmer cette chance d'être en vie. Une force de vie incroyable se niche en cette "petite dame" de 50 kg. Elle ne s'aventurait pas jusque là : "Je pense que n'importe quelle victime d'attentat vit avec ça jusqu'à la fin de sa vie. On est un peu seul, on se débrouille avec."
Écrire ce livre a aussi contribué à son processus de "reconstruction". Tout comme en parler en public. Ce n'est que la deuxième fois qu'elle s'exprime devant une audience. Coco a traversé de nombreuses étapes. Pendant des mois, elle s'est plongée dans le travail, dans le dessin, pour repousser le moment du coucher. Car c'est quand elle est dans son lit que les images reviennent, que le traumatisme ressurgit, que le 7 l'envahit. Il y a aussi le sentiment de culpabilité, après avoir mené sous la contrainte, les frères Kouachi jusqu'à la rédaction de Charlie Hebdo. Plusieurs pages de sa BD sont marquées "Et si...", où Coco s'imagine tous les scénarios possibles. Comme si elle aurait pu faire quelque chose : "Il a fallu beaucoup de temps pour que je réalise que je n'étais pas coupable. La culpabilité est quelque chose de très obsédant, de très envahissant."
Prendre de la distance
Son esprit était déconnecté à l'acmé du mouvement "Je suis Charlie". Mais après coup, elle parle de "marche républicaine historique". Elle a fait un long travail chez son psychologue. Au départ, elle parlait du 7 janvier 2015 "comme un chat dans un coin en train de cracher". Maintenant, elle arrive à "prendre de la distance", même si l'émotion transparait par moments sur son visage ce vendredi soir à l'Ombrière.
Après ce témoignage dense, les dessins défilent sur l'écran : de Samuel Paty à la mort de Charlie Watts en passant par la lourdeur des cartables des écoliers ou Greta Thunberg... "Je veux pouvoir rire de tout tant que je suis dans le droit de le faire. (...) Celui qui n'est pas d'accord, il saisit le tribunal. La seule réponse possible, c'est la Justice." Et sûrement pas la violence car le dessin est avant tout là pour nous questionner, nous faire rire, nous heurter. C'est une matière à réflexion et à débat, véritable outil de la liberté d'expression. Et sûrement pas un support de haine.
Marie Meunier
Retrouvez l'interview de Coco en amont de sa venue à Uzès : www.objectifgard.com/2021/09/16/fait-du-soir-la-dessinatrice-coco-a-lombriere-duzes-notre-loi-a-nous-cest-la-liberte-de-la-presse/
Le festival de la bande dessinée se déroule ce week-end à Uzès. Il est organisé par l’association des "Amis de la Librairie de la place aux herbes" en lien étroit avec la librairie, en partenariat avec la Ville d’Uzès, l’office municipal de la culture, la médiathèque, Prima Vera et l'Ombrière Pays d'Uzès.
Ce samedi de 10h à 13h, trois auteurs seront en dédicace à la librairie, dont Coco. Programme complet à retrouver sur le site de la mairie : www.uzes.fr/agenda/festival-de-la-bande-dessinee-duzes?fbclid=IwAR3Gp819aEvNEbR3i4oQuF5sxA6oI3VdiCta3Qo4uz2UieJA3rH-pkDV0yY