Publié il y a 3 h - Mise à jour le 02.02.2025 - Yannick Pons - 3 min  - vu 81 fois

ALÈS À huis clos, Kery James prend le Cratère en otage

Kery James remonte sur les planches

Kery James remonte sur les planches

- Photo Yannick Pons

Ce samedi soir, c'est un Kery James "hardcore" qui présentait À huis clos, sa pièce coup de poing sur les violences policières, à un public alésien averti. Par son verbe incisif et précis, le rappeur français a fait lever le Cratère.

Il faut se rendre à l’évidence, le théâtre de Kery James est politique. Mais à travers les violences policières qu’il dénonce assidument dans notre pays, ivre de colère, l’artiste pose le verbe et engage la discussion dans une pièce coup de poing. Hier soir, sa représentation au Cratère a déclenché un tonnerre d’applaudissement et une standing ovation.

Soulaymaan l'avocat

Quelques années après le succès de son premier spectacle À vif, Kery James incarne de nouveau son personnage favori. Le rappeur, auteur, compositeur, scénariste, réalisateur et poète est remonté sur les planches avec un spectacle qu'il a présenté enfin dans le Gard ce samedi soir.

À huis clos prolonge sa première pièce qui mettait en scène la confrontation entre deux jeunes élèves avocats appartenant à deux milieux sociaux radicalement opposés. Ainsi, Soulaymaan Traoré, devenu avocat, fait une entrée fracassante sur scène. Un jeune homme issu des quartiers prolétaires et non populaires, comme il dit. Et il y tient !

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Prise d'otage au Cratère • Photo Yannick Pons

Dans son appartement cossu du 7e arrondissement de Paris, Monsieur le juge est installé à son bureau, où il prolonge ses journées de travail jusque tard le soir. La sonnette retentit, Monsieur le juge, incarné par Jérôme Kircher, ouvre la porte, et tout bascule. Un homme, armé entre dans la pièce et pointe un revolver à son endroit. C’est Soulaymaan Traoré, le jeune avocat.

Mise en scène esthétique

Autour du bureau du juge dont l’espace est circonscrit par des rails, deux caméras se déplacent, produisant en permanence une image filmée en champs contrechamps, projetée au-dessus de la scène. Ce dispositif déroutant, d’une esthétique très cinématographique, permet de capter les détails de la scène, plongeant ainsi le spectateur au cœur de l’intime. Des gros plans sur des photos de famille ou sur les visages des acteurs à la façon de Sergio Leone…

Ainsi, suite à la mort de son grand frère, Soulaymaan prend en otage le juge qui a innocenté l’assassin, un policier. Il met en lumière le système français à l'origine, selon lui, de plusieurs décennies de drames liés aux violences policières. Les nerfs à vif, il exprime avec force la colère et l’injustice qui grondent dans les banlieues. Le captif répond aux invectives de son ravisseur, les unes après les autres, mais se retrouve bientôt à court d'arguments.

Résilience

S’il a tenté dans un premier temps de masquer son rôle derrière son autorité de magistrat, le juge admet finalement qu’il avait influencé les débats et les jurés lors du procès. Et maître Soulaymaan Traoré lui-même finit par reconnaître ses torts.

À la façon de Huis clos, la pièce de Jean-Paul Sartre, Kery James propose un moment de théâtre particulier en un seul acte et cinq tableaux. Au-delà de la mise en scène et de la puissance des mots, l’affrontement physique entre les deux hommes évolue vers un dialogue argumenté, et une note d’amour et d’apaisement, avant que le rideau ne tombe dans le silence d’un coup de feu…

Si le Huis clos de Jean-Paul Sartre et ses trois personnages enfermés dans une pièce, antichambre de la mort, se conclut par un cinglant : « l’enfer c’est les autres », c’est le contraire chez Kery James pour qui les autres c’est la résilience. À condition d’engager le dialogue. Le cratère s’est levé d’un seul homme. Une performance remarquable des deux acteurs, saluée par une standing ovation.

Distribution

Un spectacle de Kery James, mise en scène & scénographie Marc Lainé, avec Kery James et Jérôme Kircher, dramaturgie Agathe Peyrard, assistant mise en scène Olivier Werner, collaboration artistique Naïlia Chaal, régie générale Thomas Crèvecœur, création lumières Kevin Briard, régie lumières Kevin Briard, Juliette Labbaye, Samuel Kleinmann, création et régie vidéos Baptiste Klein & Yann Philippe, création sonore Clément Rousseaux, costumière Marie-Cécile Viault.

Yannick Pons

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