HOMME DE LETTRES GARDOIS Franck Pavloff, écrivain voyageur et engagé
Tout l’été, Objectif Gard propose de vous attarder sur les destins de quelques éminents hommes de lettres gardois. Cette semaine, le Nîmois Franck Pavloff dont la vie et l’oeuvre se caractérisent par leur engagement.
Onze pages. Il n’en a pas fallu plus à Franck Pavloff pour faire un best-seller de sa nouvelle Matin Brun, qui s’est écoulée à deux millions d’exemplaires en France et a connu 25 traductions depuis sa publication en 1998.
Humanitaire puis éducateur
Ulcéré par le fait que certains élus de droite nouent des alliances avec le Front national pour les élections régionales de 1998, Franck Pavloff écrit ce texte court mais fort sur le totalitarisme au pouvoir et les petites lâchetés du quotidien qui ouvrent d’abord imperceptiblement, puis irrémédiablement, la porte à la dictature. Une dictature absurde — il s’agit de la couleur des chiens et des chats — mais néanmoins progressivement inquiétante à mesure que la nouvelle avance, que les libertés reculent et que la résignation semble l’emporter. Un texte d’autant plus glaçant qu’il ne comporte aucun repère spatio-temporel, qui connaîtra une seconde vie et un succès considérable en 2002, année de la qualification au second tour de l’élection présidentielle de Jean-Marie Le Pen. Il est encore régulièrement étudié dans les écoles.
Si Matin Brun est le plus gros succès de Franck Pavloff, il est également le reflet du parcours professionnel d’abord, littéraire ensuite de cet écrivain d’origine bulgare né à Nîmes en 1940. Psychologue de formation, Franck Pavloff oeuvre en faveur des droits des enfants, notamment dans l’humanitaire. Il participe à des projets de développement en Asie et en Afrique sous la houlette du ministère de la Coopération.
Au cours de sa carrière, Franck Pavloff devient éducateur de rue, et collabore avec le tribunal de Grenoble comme expert-psychologue. Il cumule un engagement associatif dans le domaine de la prévention de la toxicomanie et de la délinquance. Il publie son premier roman, Le Vent des Fous, dans la Série Noire de Gallimard en 1993 puis dans un registre qui n’a rien à voir créé le personnage de littérature jeunesse Pinguino l’année suivante.
« On aurait dû dire non. Résister davantage, mais comment ? »
Franck Pavloff est l’auteur d’une vingtaine d’ouvrages, du roman à la nouvelle, en passant donc par la littérature jeunesse. De ses romans, on distingue un fil rouge, ou plutôt plusieurs thèmes intimement liés : la guerre, et à travers elle la violence et l’injustice, mais aussi l’exil. Son style fait la part belle aux métaphores, aux paraboles et à la poésie, et ses récits sont influencés par ses voyages. Grand voyageur, Franck Pavloff vécu en Asie, en Afrique et en Amérique du sud, et s’est désormais posé dans le sud, en Cévennes et dans les Hautes-Alpes, près de Gap.
C’est peut-être du côté de ses multiples expériences et voyages qu’il faut chercher pour trouver la clé de l’universalité de ses romans, qu’ils se passent en Bosnie, comme dans Le Pont de Ran-Mositar (publié en 2005, lauréat du prix France Télévisions), en Equateur (Le Grand Exil, 2009), dans l’Arctique (L’Homme à la Carrure d’Ours, 2012) ou encore à Barcelone (L’Enfant des Marges, 2014).
Quant à Matin Brun, peu importe où se déroule son action, il reste toujours aussi efficace près de vingt ans après sa publication : « on aurait dû dire non. Résister davantage, mais comment ? Ça va si vite, il y a le boulot, les soucis de tous les jours. Les autres aussi baissent les bras pour être un peu tranquilles, non ? »
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Franck Pavloff continue à écrire : La Nuit des Enfants qui Dansent sort le 24 aout chez Albin-Michel. Cette fois-ci, l’histoire se déroule en Hongrie, avec l’exil en filigrane. Franck Pavloff sera au salon Lussan se Livre le 27 août pour un café littéraire.
Thierry ALLARD