BANQUE DE FRANCE Philippe Saigne-Vialleix : « La croissance continue mais un peu moins vite »
La Banque de France et la Chambre de commerce gardoise ont mené des études sur la conjoncture économique 2018 ainsi que sur les perspectives 2019. Entretien avec le directeur de l'établissement bancaire, Philippe Saigne-Vialleix.
Objectif Gard : Vous présentez un bilan de notre économie en 2018 et les perspectives 2019. Un travail fastidieux… Dans quel but ?
Philippe Saigne-Vialleix (sourire) : Ces études (*) sont essentielles parce qu’elles permettent de bien connaître la santé économique de notre pays et d’influer sur la politique, notamment la politique monétaire. Rappelons que la France est le deuxième pays de la zone euro. Pour prendre de bonnes décisions, il faut un bon diagnostic ! La Chambre de commerce et d'industrie s’est concentrée sur les petites et moyennes entreprises quand la Banque de France, elle, a une vision plus globale.
Justement, quel bilan tirez-vous de 2018 ?
La croissance continue mais un peu moins vite à cause du ralentissement du commerce international. C’est un ralentissement pas un retournement. Les raisons ? Il y a d’abord la baisse des investissements aux États-Unis qui ont dopé l’économie ces derniers mois (un taux de croissance annuel du PIB (**) de 2,9% en 2018 contre 2,2% prévus en 2020). La politique américaine de relance touche à sa fin. Les Chinois tempèrent aussi leur endettement et leurs exportations au profit du développement interne (6,6% en 2018 contre 6% en 2020). On peut aussi parler des barrières douanières du président américain ou du Brexit qui ne donnent pas forcément confiance aux investisseurs.
Comment se situe la France dans ce tableau ?
Eh bien la croissance française est moins impactée (un taux de croissance de 1,5% en 2018 contre 1,3% prévu en 2020). C’est dû à deux facteurs. D’abord, parce que nos entreprises françaises sont moins tournées vers l’exportation. Un facteur négatif qui finalement s’avère positif dans cette situation. Cette réalité reste toutefois différente pour les grands groupes, notamment industriels. Ensuite, parce que le revenu disponible des ménages est en hausse.
En hausse ? Est-ce grâce aux mesures du Président Macron sur la fiscalité ?
Oui. La suppression, à terme, de la taxe d’habitation ainsi que la baisse des charges sur les salaires… On a observé sur trois ans, la création de 770 000 emplois. On donne aux ménages la possibilité de consommer d’avantage. Et en général ce sont les salariés qui consomment, pas les chômeurs.
C'est toutefois contradictoire... Le Gard reste le quatrième département le plus pauvre de France avec plus de 30 000 allocataires du RSA et un taux de chômage supérieur à 12%...
Oui. Mais je peux vous dire que nous sommes l’un des départements où il y a le moins de dossiers de surendettement. Il y a des questions à se poser… Il faut favoriser l’investissement des entreprises, la confiance. Il faut aussi regarder du côté des formations, de l’apprentissage. Il y a des entreprises qui veulent embaucher et qui n’y arrivent pas. Sur ce genre de choses, les pouvoirs publics peuvent agir.
Quelles sont vos prévisions pour 2019 ?
Dans cet environnement moins porteur, les entrepreneurs du Gard sont plutôt confiants. Si les résultats 2018 sont décevants dans le secteur de l’industrie, celui de la construction continue de croître (*) avec un chiffre d’affaires de 2,2% en 2019 et 3,9 % en 2018. Le secteur sort d’une crise difficile et le Gard regroupe plusieurs projets initiés par les pouvoirs publics. On note aussi une croissance du crédit des entreprises qui, certes tardivement, est reparti. Ce n’est pas le cas des grands groupes comme Perrier qui a investi plusieurs millions d’euros.
Propos recueillis par Coralie Mollaret
coralie.mollaret@objectifgard.com
Et aussi :
Gilets jaunes et entreprises. Selon la Chambre de commerce, 46% des chefs d’entreprise gardois observent une chute de leur chiffre d’affaire au 4e trimestre 2018. « Le résultat le plus bas depuis 4 ans », a commenté le président de la CCI Gard, Éric Giraudier. Environ 67% d’entre eux, notamment des commerçants, attribuent cette baisse au mouvement des gilets jaunes : blocage, retard de livraison, difficultés pour le trajet des salariés. Toutefois, ces mêmes chefs d’entreprises restent optimistes pour l’avenir à hauteur de près de 40%. Là-aussi, l’essoufflement du mouvement des gilets jaunes, un carnet de commande en hausse et le démarrage de la saison touristique.
* La Banque de France a mené une enquête auprès de 2 400 entreprises en Occitanie dont 266 gardoises.
** Produit intérieur brut.