GÉNOLHAC La prometteuse filière cévenole de la pomme célèbre la création de sa marque
Obtenue en mai dernier, la labellisation de la nouvelle marque collective de jus de pommes "100% Cévennes" sera célébrée le samedi 2 septembre. L'occasion pour l'association présidée par Jean-François Jullian de toucher un large public tout en sensibilisant les élus locaux aux besoins qu'elle exprime pour le développement de cette filière prometteuse.
L'obtention de la labellisation de la marque de jus de pommes "100 Cévennes" est le fruit d'un dossier au long cours. Président de l'association "Renouveau de la pomme 100% Cévennes" qui siège à Génolhac depuis 2014, Jean-François Jullian raconte : "À l'origine, c'est un groupe de cinq agriculteurs qui faisaient du jus de pommes au sein de la Cuma du Ventalon. Au cours d'un conseil d'administration, on a évoqué l'idée de déposer une marque. Pas pour vendre mieux car notre jus se commercialise très bien, mais surtout pour mobiliser les élus locaux et les institutionnels pour accentuer le développement de la filière dans nos vallées cévenoles."
Déposé auprès de l'Institut national de la propriété industrielle (INPI), le dossier a été instruit et ce n'est que sept ans plus tard, en mai dernier, que la labellisation de la marque était obtenue. "C'est un peu long, mais l'AOP châtaigne a été obtenue en 15 ans via l'INAO", rappelle Jean-François Jullian. Pour le nom de la marque, pour le moins évocateur, l'association s'est inspirée d'un travail partenarial mené avec un lycée professionnel de Nîmes. Le fameux dossier contenait évidemment un cahier des charges, lequel comportait lui-même des obligations et des préconisations. "L'obligation pour un adhérent c'est de mettre au moins trois variétés de pomme différentes dans un jus. La préconisation c'est d'en mettre cinq. C'est largement le cas de nos producteurs qui choisissent d'en mettre cinq ou six", confirme le président de l'association.
Les bienfaits de ces mélanges de variétés tiennent surtout au goût. L'acidité de certaines pommes contrebalance à merveille la sucrosité apportée par celles qui sont plus généreuses en sucre. "C'est cet équilibre qui fait le succès de ce jus par rapport aux jus de la grande distribution qui sont bien souvent mono ou bi-variétaux", expose le Génolhacois. "Rigoureux et précis", le cahier des charges de la marque rédigé après des études auprès de 32 producteurs locaux fait la part belle aux variétés locales endémiques des Cévennes, la Bournette, la Bouscasse de Bres et la Rouge de Borne, entre autres.
À partir d’une production respectueuse de l’environnement, sans traitement ni produits chimiques de synthèse, les pommiers de la marque offrent des jus naturels, sans enzymation, ni sucre ajouté. "On aurait presque pu se diriger directement vers une IGP. Ça n'aurait pas été beaucoup plus difficile à obtenir", fait savoir Jean-François Jullian. Le réseau de distribution du jus est clair : du circuit court ou de la vente directe. "Il m'est arrivé d'en vendre jusqu'à Belfort par le biais de ma fille. Mais ça reste de la vente directe", précise le dernier nommé. Le jus de pommes 100% Cévennes se déniche donc dans des boutiques de producteurs et sur les marchés d'une zone bien définie.
Le territoire de l'association s'étend en effet de la vallée Borgne à Villefort, et de Florac à Saint-Ambroix, bien que quelques communes ardéchoises et héraultaises limitrophes du Gard et/ou de la Lozère puissent aussi adhérer. La totalité des points de vente seront bientôt recensés sur le site internet de l'association, en cours de développement, comme la marque. "Pour la faire vivre, il faut que les agriculteurs adhèrent. C'est tout le travail qui s'offre à nous. Car comme le jus se vend déjà très bien, beaucoup de producteurs ne se rendent pas compte de l'intérêt de labellisation", reconnaît le producteur retraité.
La démarche revêt un objectif majeur : développer la production en incitant les jeunes agriculteurs à opter pour cette filière qui est "relativement rémunératrice". "On commence à être beaucoup de barbes blanches", sourit le président de l'association. Et d'ajouter, au sujet du succès du jus de pommes cévenol : "On n'arrive pas à satisfaire la demande !" En effet, avec ses six ateliers de transformation, cinq en Lozère, le seul du Gard se situant à Génolhac, Renouveau de la pomme 100% Cévennes est en mesure de produire environ 100 à 150 000 litres par an. Une quantité qui varie en fonction des aléas climatiques. "Les années où il gèle au printemps, on produit moins", avertit l'ancien vice-président de la Cézarenque.
Ce qui n'a pas été le cas en 2023, année marquée par une "exceptionnelle floraison" au début du printemps, suivie de quelques pluies appréciables en juin. "Ces derniers jours, les pommiers ont souffert de la chaleur. Naturellement, ils se délestent en fruits et en feuilles, mais ils vont arriver à survivre", rassure Jean-François Jullian. D'autant que les motifs de réjouissance sont nombreux pour l'association qu'il préside. Grâce à une somme perçue après un appel à projets du ministère de l'Environnement auquel a répondu le syndicat des Hautes vallées cévenoles, elle a pu planter un nouveau verger de pommes.
"Initialement, on devait le faire à Saint-Julien-des-Points en Lozère, mais le maire n'est pas parvenu à convaincre son conseil de mettre à disposition de l'association un terrain communal. Il fallait donc trouver une solution de repli", rejoue le retraité. Rapidement, l'idée de donner vie à ce verger expérimental à l'Espinas a germé. Banco ! 150 pommiers ont été plantés et le verger conservatoire a été inauguré fin 2021. "C'est un verger d'apprentissages car on y fait des stages de greffage, de taille et des analyses des sols", explique le président de l'association. Autre bonne nouvelle : la pérennité assurée de l'atelier de transformation génolhacois. "On s'est battu pour le garder, notamment grâce à l'Agglo qui engage de l'argent pour la rénovation d'un local qui doit nous être livré en 2024", se réjouit le dernier cité. Un bail emphytéotique a déjà été conclu avec la mairie de la commune.
"Une pomme le matin éloigne le médecin"
À l'horizon, se profilent les célébrations du 2 septembre. Sur la place du Colombier de Génolhac, dès 10h, le grand public aura l'occasion de (re)découvrir les produits de la marque fraîchement labellisée. Pour l'occasion, parce qu'elle a eu envie de "taper fort", l'asso' s'est offert les services du Mas Nouveau, lequel assurera un repas alléchant. Au menu : burger de caillettes au cochon noir du Mont Lozère, compotée d'oignons doux des Cévennes aux pommes, brisures de châtaigne, pélardons affinés râpés, pain brioché du boulanger, pickles de courgettes maison, salade fleurie, concassée de tomates, basilic et oignons doux, avant de se délecter d'une tarte aux pommes - évidemment - en guise de dessert, puis d'un digestif à base de sorbet de pomme-coing artisanal.
"Leur cuistot, c'est un artiste ! Il va préparer une partie de son repas devant le public. On aura aussi un pressoir à l'ancienne pour faire déguster du jus de vieilles variétés de pommes", annonce Jean-François Jullian, qui attend beaucoup de cette journée. "Ce n'est pas spécialement une opération commerciale. Il y a un objectif, c'est de faire connaître la marque aux consommateurs. Plus il y aura de demandes, plus ça incitera les producteurs à replanter. Mais c'est surtout de faire connaître aux élus locaux cette filière prometteuse pour le développement du territoire", justifie l'organisateur. Et de poursuivre : "On a besoin de moyens pour régler les problèmes de clôture pour se prémunir des chevreuils, cerfs et sangliers, et celui de l'irrigation qui est un peu nouveau avec le réchauffement climatique."
Gageons qu'il soit entendu par les nombreux élus locaux invités ce samedi 2 septembre. D'autant que la filière a de solides arguments à faire valoir. "Une pomme le matin éloigne le médecin" si l'on s'en tient à un dicton britannique en lequel croyait beaucoup Jacques Chirac. Il n'y a pas de raison qu'il n'en soit pas de même pour le jus... "Avec la filière Baron des Cévennes et l'AOP châtaigne, ça fait déjà trois marques d'excellence. Si les Cévennes pouvaient devenir une vitrine de la production de qualité, propre, ça serait magnifique !", conclut l'expansif Jean-François Jullian.
L'éloge de la polyculture par Jean-François Jullian
"Je le conseille vraiment à tous les jeunes agriculteurs. Moi j'avais pris maraîchage en premier et la pomme et la châtaigne en diversification. Quand une année il y a moins de pommes, la châtaigne peut te sauver et inversement. Ce concept commence à revenir, même dans l'agriculture industrialisée. Avec la cicadelle, ceux qui ne vivaient que de l'oignon doux ont perdu beaucoup l'an dernier." En bref, ne jamais mettre tous ses oeufs dans le même panier.