ALÈS Malgré une audience, la menace de mutation des enseignants de la Royale court toujours
Sept enseignants, une directrice et un torchon qui continue de brûler à l'école Louis-Leprince-Ringuet, dans le quartier de la Royale. Depuis la démission de l'ancien directeur Maxime Tatry - suite à une plainte classée sans suite - on pensait que les services de l'Éducation nationale avaient détourné le regard. Jusqu'à la fin mars, quand le DASEN (directeur académique des services de l'Éducation nationale) a remis un courrier à chaque enseignant pour lui demander d'envisager de quitter l'établissement, sans quoi il serait contraint d'effectuer des mutations. Cinq enseignants ont pu rencontrer le fonctionnaire ce mardi, lors d'un rendez-vous tronqué d'une heure, satûrée d'éléments de langage sans réponse, selon les enseignants participants. Ils n'en savent pas plus sur cette invitation à partir.
Ils ont enfin eu une audience. Mais pas plus de réponse. Les cinq enseignants qui se sont rendus, mardi 23 avril, au siège des services départementaux de l'Éducation nationale, à Nîmes, ne savent toujours pas pourquoi on leur conseille si fortement de s'inscrire dans le mouvement. C'est-à-dire demander ou chercher un nouvel établissement pour la rentrée prochaine. À la vue du nombre de manifestants - une soixantaine - ce jeudi soir, devant l'inspection académique d'Alès, ils ne sont pas les seuls à se poser la question du pourquoi.
"Qu'est-ce qui nous est reproché ?", s'interroge encore une enseignante de l'école, lors du rassemblement de ce jeudi soir. En l'absence de réponse, l'équipe rembobine les derniers mois, les dernières années. En remontant même avant la démission de l'ancien directeur Maxime Tatry, qui subit les accusations de son institution, pour une plainte classée finalement sans suite. Il avait démissionné en juin 2022 (relire ici). Ensuite, c'est une enseignante de l'école qui a assuré l'intérim. Jusqu'à la nomination de l'actuelle directrice.
Depuis, c'est l'enchaînement des arrêts maladie, le dernier en date étant justement celui de la directrice en question, depuis quelques jours. Tandis que l'équipe enseignante a le sentiment que l'objectif des services de l'Éducation nationale est d'éparpiller l'équipe pédagogique au motif qu'elle a fait corps dans la difficulté, justement l'année 2021-2022 qui a vu la démission de l'ancien directeur. Et l'entrevue du 23 avril, avec le DASEN (directeur académique des services de l'Éducation nationale) n'a pas contredit ce sentiment, puisque les enseignants restent sans savoir ce qui leur est officiellement reproché.
"Aucun exemple concret de dysfonctionnement grave"
Un membre du syndicat Snuipp-FSU dans la manifestation
"La seule chose qui a émergé, poursuit une enseignante, c'était une erreur sur la répartition pédagogique". Qui a entraîné le changement de classe de huit élèves après les vacances de Toussaint. Mais à qui en imputer la faute ? "Le conseil des maîtres avait fait des propositions avant la rentrée, propositions validées par la directrice. Les services de l'Éducation nationale ont attendu le 12 octobre pour ne pas les valider..." Ce que résume différemment une syndicaliste Snuipp-FSU, présente ce jeudi soir dans la manifestation et dont le syndicat a, avec FO, accompagné les enseignants chez le DASEN : "L'inspectrice de circonscription a mis un mois et demi pour se rendre compte ? On plaisante... En attendant, il n'existe aucun exemple concret de dysfonctionnement grave".
"Il y a eu une enquête administrative en décembre, poursuivent les enseignants, mais le récit narratif est complètement à charge. Pour la phase contradictoire, nous n'avons eu qu'une semaine pour répondre par écrit. Mais il n'y a toujours aucun rapport final". Les enseignants ont tout de même été autorisés à consulter leur propre dossier administratif. "Il n'y a rien à charge dedans, c'est de l'intimidation", relate l'une d'eux.
"Le mouvement s'arrêtait au 4 avril. Nous demandons à ce que les voeux de ceux qui ne souhaitent pas partir soient annulés." Les enseignants de Louis-Leprince-Ringuet prévoient désormais de faire un courrier à la rectrice. Lundi, trois enseignants étaient grévistes en réaction à la situation... en plus des trois arrêts maladie.
"On a aussi demandé un rendez-vous pour avoir des explications, on ne nous a jamais répondu"
Une mère d'enfant scolarisé à l'école Louis-Leprince-Ringuet
Dans ce débat sans argument de fond, on en oublierait presque qu'une école reçoit des élèves pour les instruire. Si les parents étaient nombreux devant l'inspection ce jeudi soir, c'est qu'ils sentent que leur enfant est aussi victime dans cette affaire. "On ne savait même pas ce qu'ils se passait, témoigne une mère, la directrice nous a pas répondu "je ne sais pas". On a contacté les services de Nîmes, envoyé un mail. Mais on n'a aucune nouvelle. Et on n'est jamais informé par l'école en cas d'absence d'un enseignant. On a aussi demandé un rendez-vous pour avoir des explications, on ne nous a jamais répondu".
Mais, même sans explication, les mères qui témoignent constatent un dysfonctionnement par rapport aux autres années. "La photo de classe n'a pas eu lieu cette année. Une sortie a dû être annulée à la dernière minute. On ne voit pas ce qu'il est reproché aux enseignants, on ne sait pas ce qu'il se passe. Ce qui est sûr, c'est que les enfants ne veulent pas que leur institutrice s'en aille". Pour ces parents, l'absence de réponse de l'Éducation nationale souligne le mépris dans lequel ils sont tenus. Alors même que le site du ministère indique : "Les parents sont des membres à part entière de la communauté éducative. Le dialogue avec les enseignants et autres personnels de chaque école et établissement est assuré." Utiliser l'indicatif, dans une phrase, induit une certitude ou une action certaine. Une notion qu'on apprend à l'école. Dans le cas de l'école Louis-Leprince-Ronguet, l'utilisation de ce mode paraît quelque peu impropre.