CÉVENNES La commission de l'eau de l'Hérault réaffirme son opposition au golf de Montagnac
S'il a ré-émergé en décembre, le projet de golf de Montagnac, au dos de l'étang de Thau, dans l'Hérault (relire ici), semble avoir du plomb dans l'aile, pour la seule raison d'une insuffisante ressource en eaux brutes dont dispose l'aménageur Bas Rhône Languedoc (BRL). Les membres de la commission ont aussi livré un diagnostic inquiétant de l'état actuel de la ressource alors que les DDTM, du Gard et de l'Hérault, préparent un arrêté-cadre pour la période sèche.
C'était la dernière question de ce jeudi matin, lors de la Commission locale de l'eau (CLE) du bassin de l'Hérault, qui se tenait dans les locaux de la Communauté de communes Vallée de l'Hérault à Gignac. La dernière, mais la plus attendue, bien que des représentants de BRL aient livré un diagnostic très intéressant du fleuve Hérault en hors-d'oeuvre. Tellement attendue que le président de l'ASA (association syndicale autorisée) du canal de Gignac, Jean-Claude Blanc, est monté au créneau pour dire qu'il ne tiendrait pas la colère des agriculteurs si le golf aboutissait... alors qu'il était question d'un quartier en projet à Pézenas.
"C'est un sujet qui a mobilisé, entame le président de la CLE et maire du Causse-de-la-Selle, Philippe Doutremepuich, qui a lui-même écrit au préfet ou encore au directeur général de BRL. Le sujet est aussi très symbolique : celui d'un équipement de loisirs de luxe devant des résidences et maisons comprises entre 400 000 et 2 millions d'euros. La motion n'est pas contre les projets des communes, insiste le président de la CLE, mais nous sommes fermement opposés à la mobilisation de la ressource pour arroser des green de golf." Une opposition ré-affirmée par le maire de Gignac, Jean-François Soto, en séance du conseil départemental de l'Hérault, en début de semaine.
"L'irrigation de ce golf correspond à celle de 400 hectares de vignes"
Christophe Morgo, président de l'EPTB du fleuve Hérault
Président de l'Établissement public territorial de bassin (EPTB) du fleuve Hérault, Christophe Morgo a rappelé la valeur patrimoniale du domaine de Lavagnac, où le golf est en projet avec 400 villas. "Les travaux des villas vont commencer très rapidement", a prévenu le maire de Villeveyrac, qui a ensuite livré un autre chiffre : "Il existe déjà une douzaine de golfs dans l'Hérault, dont six possèdent 18 trous, c'est bien suffisant. L'irrigation de ce golf correspond à celle de 400 hectares de vignes." Les villas ont un besoin annuel de 120 000 m3 d'eau potable.
"On avait suspendu le porter à connaissance en tenant compte de votre avis, glisse une agent de la Direction départementale des territoires et de la mer (DDTM) de l'Hérault, on a demandé des éléments complémentaires au porteur de projet, qui devait rencontrer les autres usagers pour proposer des compensations." Les services de cette antenne de l'État ont même mené une visite de contrôle le 31 janvier, constatant que seule la construction de quelques logements a débuté. La DDTM attend toujours les pièces complémentaires, de la part du porteur de projet, et a lancé un arrêté de porter à connaissance qui s'intéresse à l'assainissement et aux deux bassines de stockage voulues par l'exploitant (et dont l'eau serait prélevée dans la nappe alluviale lors des mois d'hiver). Une fois l'arrêté sorti, le porteur de projet - qui n'a, pour l'instant, livré aucun complément demandé - aura trois mois pour apporter ses précisions.
"Les réseaux sont saturés. Nous ne sommes pas en mesure de distribuer de l'eau supplémentaire."
Un représentant de BRL
Tandis que le représentant de l'association France Nature environnement disait sa peine de voir que l'autorisation de 2011 ne permettait pas de recours judiciaire, c'est encore BRL qui a semblé avoir les moyens d'empêcher le projet. Ou plutôt, c'est l'absence de ressource, en eau brute, qui mènerait à l'annulation. "Le premier échange avec le porteur de projets a eu lieu en 2013. En 2015, a dit le représentant de la société publique, les discussions n'ont jamais abouti sur une contractualisation. Puis, ils sont revenus vers nous bien plus récemment." Sauf que la donne a changé depuis 1995. "Les réseaux sont saturés. En pratique, on ne signe plus aucun contrat, nous ne sommes pas en mesure de distribuer de l'eau supplémentaire." Le représentant de l'entreprise a aussi avancé que la question du stockage de l'eau en bassines n'était pas de son ressort. Avant d'apaiser une crainte : "Je voudrais dire que les équipes de BRL travaillent et sont vues sur le secteur, mais que ce n'est pas pour mettre en place une desserte du golf en eau !" `
Comme il l'avait déjà fait, l'élu viganais Éric Poujade a mis en avant un projet de lettre ouverte, tout en s'inquiétant de l'état du domaine, surnommé le petit Versailles du Languedoc, "un des plus beaux monuments historiques de notre région qui est en train de tomber". Il a notamment cité "l'état catastrophique de la chapelle" qui risquerait d'être transformée en "suite nuptiale".
"Si le projet va au bout, à quoi on sert ?" a interrogé Christophe Morgo. "Qui va acheter une maison à deux millions d'euros s'il n'y a pas les équipements prévus ?, a demandé le président de la CLE, Philippe Doutremepuich. Des projets magnifiques qui devaient développer l'emploi et l'économie, j'en ai vu beaucoup... Il faut que notre motion porte une opposition ferme." Et même unanime, puisque la motion de rejet du projet a reçu toutes les voix de la CLE. "Les travaux ont commencé et le promoteur ne sait pas où il va", a conclu le maire de Saint-Julien-de-la-Nef, Lucas Faidherbe. Pour les élus locaux, le prochain problème à gérer pourrait être un domaine classé, à l'abandon, avec quelques villas sur 192 hectares, sans plus aucune cohérence de projet.