FAIT DU JOUR Avant d'éventuelles pluies ce week-end, rivières et nappes cévenoles souffrent
Il suffit de se promener dans les Cévennes pour s'apercevoir que, même en hiver, certains ruisseaux ne sont pas du tout réapparus. Après une année 2022 de sécheresse et de canicule, et une année 2023 sauvée de justesse par les pluies printanières, l'année 2024 confirme la baisse des précipitations. Dans les rivières et les nappes phréatiques cévenoles, les effets sont visibles, de la Cèze à l'Hérault.
Les pluies de fin mai début juin ont fait illusion, en 2023. Mais au printemps dernier, après une année 2022 chaude et sèche, l'été 2023 s'annonçait catastrophique. Les précipitations de fin de printemps ont finalement sauvé une agriculture qui se craignait sans ressource, alors même que le bassin de la Cèze était déjà placé en situation de crise au regard de la sécheresse. Et l'année 2024 commence mal, les chutes d'eau ayant été insuffisantes en automne et hiver, jusqu'à présent. Si les responsables de la ressource en eau des établissements de bassin espèrent les pluies de printemps, ils savent déjà que ce ne sont pas celles-ci qui rechargeront les nappes... Le week-end prochain, la pluie est attendue sur le département. Mais aucun épisode important n'est, pour l'instant, signalé.
La Cèze, un cours d'eau à moyenne basse
"L'hiver est toujours une période de basses eaux, rassure Hugues Brentegani, chargé de mission eau au syndicat ABCèze. Mais l'automne a été très déficitaire, douche-t-il aussitôt. D'autant qu'on a déjà eu deux années compliquées. Sur le cours d'eau, on est sur une moyenne basse. Quant aux eaux souterraines, c'est assez catastrophique."
Et le terme n'est malheureusement pas galvaudé, par l'observation des niveaux piézométriques. "Certains forages sont équipés de suivis de repères, explique Hugues Brentegani. À l'aval - vers Rochefort-du-Gard et Connaux - on n'a jamais vu les niveaux aussi bas. Dans les gorges, le débit est très faible pour la période." Dans la moyenne vallée, les suivis de Navacelles Rochegude et Saint-André-de-Cruzières "affichent des niveaux moyen bas, voire rouges". L'amont de la rivière, en revanche, n'offre pas de possibilité de suivi souterrain.
"On a plus vite fait de compter les années humides"
Hugues Brentegani, chargé de mission eau au syndicat ABCèze
"Si ça pleut au printemps, ça peut vite se charger en amont, espère le chargé de mission d'ABCèze. Alors que, sur l'aval, il faudrait un sacré printemps... Le schéma se profile comme l'an dernier, avant les pluies du printemps." D'ailleurs, sur les huit dernières années, "on a plus vite fait de compter les années humides", se désole Hugues Brentegani, en se rémémorant les sécheresses de 2017, 2019, dans une moindre mesure 2020 ; et, surtout, 2022 et 2023. "CertaIns cours d'eau affluents n'avaient jamais été vus à sec." Et les assecs de la Cèze n'ont jamais couvert une aussi longue distance qu'en 2022 et 2023.
Si les projections départementales à long terme, en matière de précipitations, annonçaient moins d'épisodes de pluies mais plus concentrés, "il n'y pas eu de crue depuis 2021 et celle du Luech, ni même de gros épisodes", rembobine Hugues Brentegani. Les têtes de bassin de la Cèze sont aussi moins importantes que celles du Gardon. "Et parfois, des épisodes de pluie tombent sur le Gardon et s'arrêtent au Luech".
Le syndicat de gestion s'apprête à relancer des subventions pour l'achat de récupérateurs de pluie sur son territoire. Il espère aussi une ouverture plus tôt dans l'année du barrage de Sénéchas, de façon à accumuler les pluies dès avril, pour en reverser une partie plus importante à l'été (relire ici).
Gardon, plus bas qu'en 2023 à la même date
"On a eu très peu de pluies fin octobre, ça n'a pas permis la recharge des nappes ni des cours d'eau." À l'EPTB Gardons (établissement public territorial de bassin, NDLR), la chargée de ressource en eau, Mathilde Chauveau, est obligée de remonter quinze ans en arrière pour observer des niveaux aussi bas. Et encore : "Nous sommes dans un étiage hivernal, mais qui correspondrait plutôt à un débit du mois de juin. D'ailleurs, les niveaux sont plus bas que ce qu'on avait l'an dernier à la même date. À la fois en débit, et dans les eaux souterraines. d'ailleurs, sur les alluvions du Gardon, le niveau qu'on observe intervient d'habitude en juilet."
Avec 5m3/s, la station de suivi de Ners affiche un débit qui n'avait été observé qu'une seule fois, il y a quinze ans. À l'aval, dans les gorges au nord de Nîmes, le constat n'est pas plus reluisant. "Dans le karst urgonien aussi, les niveaux sont très bas, avance Mathilde Chauveau. Les pluies déterminantes seront celles de février, mars et avril, celles qu'il a manquées l'an dernier." Car si les pluies de fin mai début juin ont permis aux touristes de se baigner en été, elles n'ont pas rechargé les sous-sols mais ont permis d'abreuver la végétation.
"Ce qui est important à cette saison, ce sont vraiment les cumuls de précipitation, poursuit Mathilde Chauveau. Parce que l'évapotranspiration est plus prépondérante en été", plaide la chargée de mission, qui se souvient qu'en 2023, les consultations pour les comités sécheresse "avaient commencé en février et mars". Elles ne devraient, donc, pas tarder.
Hérault, au-delà des 30 % de déficit
"On attend désespérément la pluie", résume le directeur de l'EPTB Hérault, Christophe Vivier. Un petit épisode nous a soulagés, début janvier. Mais la situation globale reste un déficit important sur toute la recharge hivernale, au-delà des 3 0%, ce qui est déjà beaucoup." Le directeur du fleuve le plus à l'ouest du Gard, et de ses affluents, donne "deux mois pour que la situation s'améliore. Au-delà de fin mars, ce sera perdu."
2023 restera comme une année record... en attendant les prochains. "On a atteint des niveaux jamais observés, notamment sur la Vis, constate Christophe Vivier. Dès la résurgence, et sur tout le cours d'eau. Mais l'ensemble du périmètre a été touché." Côté gardois, on s'intéresse évidemment à la haute vallée de l'Hérault, qui dévale les pentes de l'Aigoual et fournit en eau, notamment les producteurs d'oignons doux des Cévennes. "C'est la zone la plus vulnérable", tranche le directeur de l'EPTB. En cause, l'absence de sous-sol ou de karst, qui assurerait au moins une réserve. "Mais même les cours d'eau soutenus par les eaux souterraines ont fortement baissé", note Christophe Vivier. La Vis en est la preuve.
L'établissement de bassin s'apprête - à l'image de celui du Vidourle, qui a déjà commencé (lire plus loin) - a lancer "le projet Grand karst", qui vise à évaluer les réserves d'eau que contient le sous-sol. "Il y a déjà des études sur le Lodévois. Notre objectif, c'est de combler les lacunes et d'engager les études sur l'Arre et la Vis, afin de voir comment le réchauffement climatique peut impacter ces réserves."
Vidourle, niveau bas sans catastrophisme
"On attend la pluie", entame la chargée de mission Ressource en eau du Vidourle, Marie Savéan, en écho à ses homologues d'autres établissements de bassin. Même si elle nuance un peu plus. "C'est bas, pour la saison, mais pas extrêmement bas. C'est déjà arrivé en janvier ou février."
Et pas encore de quoi s'alarmer, car "janvier est l'un des mois les moins pluvieux, poursuit Marie Savéan. On sait que c'est la période creuse, donc on attend de voir en mars ou avril." Alors que l'EPTB poursuit son travail de traçage des eaux (relire ici), l'établissement dispose de peu d'indications sur les eaux souterraines. L'investissement actuel devrait néanmoins participer à l'amélioration des connaissances dans ce domaine.