Publié il y a 1 an - Mise à jour le 26.08.2023 - Anthony Maurin - 4 min  - vu 289 fois

FAIT DU SOIR Suivre les oiseaux communs pour mieux anticiper l'avenir

Dans les Gorges du Gardon, une observation d'oiseau par le COGard (Photo COGard).

Le déclin de la biodiversité auquel nous assistons n'est plus à prouver et la sensibilisation du public aux enjeux de conservation restent un objectif primordial.

Dans les Gorges du Gardon, une observation d'oiseau par le COGard (Photo COGard).

Pour la première fois, un collectif d’associations publie une mesure des tendances d’évolution des oiseaux communs en région Occitanie. En 2023, un collectif de chercheurs européens a publié dans la revue américaine "Actes de l'Académie nationale des sciences", une étude permettant de comparer l’impact de quatre facteurs sur l’évolution des populations d’oiseaux. C’est actuellement l'intensification de l’agriculture, en particulier l'utilisation de pesticides et d'engrais, qui est la principale pression sur la plupart des oiseaux, en particulier pour les insectivores. Il faut désormais chercher à diminuer cette pression tout en maintenant une agriculture viable.

Depuis 1989, les tendances d’évolutions des oiseaux communs sont suivies en France par le Muséum national d’histoire naturelle grâce à la contribution de milliers d’observateurs bénévoles. Ces suivis indiquent que les oiseaux des milieux agricoles diminuent fortement et régulièrement depuis 30 ans. Ceux des milieux urbains connaissent une diminution similaire. Ceux des milieux forestiers, après avoir fortement régressé se sont stabilisés. Les oiseaux "généralistes" qui se satisfont de conditions environnementales variées ont augmenté jusque dans les années 2006 avant de se stabiliser. Ces suivis sont effectués par ailleurs dans de très nombreux pays d’Europe.

Qui a mesuré ces tendances et comment ?

En Occitanie ce sont plus de 204 observateurs, quasiment toujours bénévoles, qui ont contribué à cette connaissance au cours des 21 dernières années. Certains ont contribué pendant quelques années, d’autres suivent cette évolution sans interruption.

Dans les Gorges du Gardon, une observation d'oiseau par le COGard (Photo COGard).

Les observateurs utilisent tous la même méthode pour observer et pour répertorier les informations. Les "carrés" suivis sont déterminés par le Museum national d’histoire naturelle de manière à prendre en compte tous les milieux et ceci de façon proportionnelle à leur représentation dans la région. Ce sont 334 "carrés" qui ont été suivis depuis le début des années 2000. Les oiseaux communs que l’on peut facilement voir et entendre au printemps.

Combien d’espèces sont suivies de la sorte ? En tout, 209 espèces ont été recensées par les observateurs depuis plus de 20 ans en Occitanie. Des tendances d’évolution ont pu être calculées sur les 107 espèces vues les plus régulièrement.

Que nous disent ces estimations ? La tendance est globalement la même en Occitanie qu’en France. Les oiseaux qui diminuent ou augmentent en France montrent la plupart du temps les mêmes tendances en Occitanie.

Quelles perspectives pour ce suivi et pour les oiseaux ?

Les associations cherchent à renouveler aussi souvent que possible l’analyse des indicateurs pour continuer de suivre les tendances dans le futur et constater l’effet des mesures que ne manqueront pas de prendre l’État et les collectivités.

Dans les Gorges du Gardon, une observation d'oiseau par le COGard (Photo COGard).

Elles cherchent aussi à augmenter le nombre de contributeurs pour pouvoir dégager des tendances par groupes d’espèces (à l’instar du suivi national) et par sous-secteurs géographiques de la région Occitanie. Les espèces qui continuent actuellement de régresser sont touchées par d’autres problèmes que l’application actuelle de la loi sur la protection de la nature ne permet pas de régler.

Les oiseaux les mieux connus

L’hirondelle de fenêtre. Cet oiseau bien connu voit ses populations diminuer en Occitanie (-42,7 % en 20 ans) comme ailleurs en France et plus largement en Europe. Comme les autres insectivores aériens, l'espèce a certainement souffert de la baisse de biomasse des insectes volants depuis 30 ans. À cela, s’ajoute la destruction des nids (problèmes de salissures ou lors de travaux) et l’évolution des conditions écologiques sur les voies migratoires et en hivernage.

Hirondelle de fenêtre (Photo T Vergely)

Le pigeon ramier. Comme ailleurs en France et en Europe, les populations de Pigeon ramier s’accroissent fortement en Occitanie (+237 % en 20 ans). Il semble que ce soit lié au développement d’une population sédentaire, phénomène attribué aux modifications des pratiques agricoles (augmentation des surfaces en maïs, tournesol et colza notamment) et certainement favorisé par la succession d’hivers doux. C’est une espèce très généraliste, aussi à l’aise en ville qu’en milieu agricole. Néanmoins quelques disparités existent : 11 espèces ont des populations qui se portent mieux en Occitanie que sur le reste du territoire et neuf se portent moins bien en Occitanie que dans le reste du pays. Les associations formulent des hypothèses pour expliquer ces résultats.

Pigeon ramier (L Campourcy)

Le bruant proyer. Ce spécialiste des milieux agricoles, connaît un "déclin modéré" en France, tandis qu'il est en "augmentation modérée" en Occitanie. Si l'intensification de l'agriculture est à l'origine de la baisse des populations (comme partout en Europe), elle serait contrebalancée par la multiplication des friches dans le Sud et une expansion altitudinale avec le réchauffement climatique.

Bruant proyer (Photo T Mazars)

La pie-grièche écorcheur. C’est un oiseau typique des milieux semi-ouverts riches en buissons (surtout épineux), qui évite les zones trop fraîches et arrosées, mais aussi les régions à climat estival trop chaud et sec. Stable à l'échelle nationale, elle connait un "déclin modéré" en Occitanie qui vient confirmer les impressions de terrain des naturalistes occitans depuis de nombreuses années. Ces situations contrastées peuvent être mises en lien avec le réchauffement climatique : plus chaud et sec, le changement de climat serait globalement bénéfique à l'espèce, excepté dans le Sud devenant trop "aride". En Espagne, la diminution des effectifs est de l’ordre de 50 % en 20 ans.

Pie-Grièche (Photo J-M Cugnasse)

La tourterelle des bois. Présente presque partout en France (sauf dans les massifs montagneux), elle affectionne les paysages semi-ouverts. Avec des effectifs plus élevés dans la moitié ouest de la France et autour de la Méditerranée, sa tendance est stable en Occitanie alors qu'elle est en déclin modéré au niveau national. Elle est par ailleurs en déclin en Europe depuis les années 80, ce qui lui vaut d’être classée "vulnérable" sur la liste des espèces menacées au niveau mondial.

Tourterelle des bois (Photo B. Long)

Plus d'information ici ou directement sur le COGard.

Anthony Maurin

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