NÎMES EN FERIA Trois triomphes en bouquet final
Corrida de Virgen Maria pour Juan Leal (deux oreilles et deux oreilles), la confirmation d’alternative de Fernando Adrián (silence et deux oreilles) et Solal (oreille et deux oreilles). Les deux Français sortent par la Porte des Consuls, Fernando Adrian par celle des cuadrillas.
Cette corrida de clôture était bigrement attendue. Attendue par le public, attendue par les professionnels et attendue par toute celles et ceux qui voulaient un feu d’artifice en guise de bouquet final. Tout était réuni pour une belle explosion !
Fernando Adrián revient à Nîmes pour y confirmer son alternative. De novillero on attendait beaucoup de lui ici mais il n’a pas su embarquer la course dont il partageait l’affiche avec David Galván et les novillos d’Enrique Ponce. Pendant dix ans on ne l’a pas vu en France alors qu’il était devenu matador de toros. Quelle confirmation… Le premier toro de Virgen Maria, hors du type de la maison, n’aura pas donné satisfaction, loin de là. Le regard vif et le coup de tête prompt, ses réactions ont vite refroidi le Madrilène ne rompt pas mais prend la mesure de la chose. Une série à peine et l’épée. Logique. Silence.
De manière générale on aime à penser que le cinquième toro de la course ne peut être mauvais. Cela impose que le piéton doit être bon ! Si le toro n’était en effet pas mauvais, disons que l’Espagnol n’a pas tiré le meilleur lot au sorteo. Plus brutal que le premier, celui-là se laisse quand même embarquer dans quelques séries sérieuses et efficaces. Au capote, d’emblée, Fernando Adrian pose les jalons de ce qu’il veut montrer aux tendidos nîmois. Il va et vient tirant les Véronique comme on descend un Perrier en période de canicule. Adrian n’était pas venu à Nîmes depuis des lustres mais sa tauromachie est un petit plaisir des yeux. Peu de fautes de placement, une architecture pleine et complète pour une faena complexe et subtile. Une belle épée et deux oreilles contestées.
Deuxième en piste mais chef de lidia pour l’occasion, l’Arlésien (de cœur) Juan Leal poursuit son bonhomme de chemin dans son style et dans des ferias qui aiment l’avoir au cartel tant la vérité explose des terrains qu’il emploie. Ici, il est chez lui. Il s’est lui-même gagné le droit de venir et de revenir dans cet amphithéâtre car le public et l’empresa ont vu en lui un guerrier professionnel et prêt à tout pour sortir par la grande porte. Leal et les genoux au sol sont unis à jamais et c’est ainsi qu’il débute sa faena et fait monter la température dans les gradins. Après un travail de fond face à un toro plaisant à la belle charge, Leal s’en est donné à cœur joie avant de finir une nouvelle fois les genoux en terre et la tête dans les cornes. Deux oreilles.
Juan Leal ne sait pas faire moins. Il a bâti sa carrière sur sa force de caractère, sur son professionnalisme et sur la transmission qu’il a auprès du public. Toréer dans les cornes n’est pas chose aisée, pourtant, c’est son fonds de commerce, les tendidos le savent, ils le demandent quitte à se cacher les yeux dans leur mouchoir. Juan Leal ne fera pas mentir son passé et termine une nouvelle fois sa faena dans un terrain improbable, entre les cornes et à quelques centimètres d’elles, le regard hautain du dominateur en prime. Les gradins réagissent quand il agit, Leal a trouvé le parfait compris et fait avancer sa carrière au prix de ses efforts surhumains. Deux oreilles dont la second contestée mais dans l’esprit le maestro donne et le public est roi, surtout quand l’épée est en bonne place !
Enfin et après l’Arlésien, place au Nîmois, au dernier matador de toros en lice, le 73e de l’histoire française, place à Solal qui a grandi car on ne l’appelle plus Solalito. Après une alternative de luxe au cartel reluisant, Solal ferme sa feria. Deuxième corrida de sa jeune vie de matador de toros car rappelons ici qu’il a pris son doctorat en septembre dernier ici-même des mains d’El Juli lors de sa despedida. Solal a du temps à rattraper et doit se faire remarquer. Il a fait preuve d’une belle intelligence et d’une certaine maturité pour offrir à son public une faena naturellement réfléchie, simplement généreuse et factuellement de fort belle facture. Les banderilles en main, il aurait pu capitaliser un peu plus et connecter encore plus rapidement avec les étagères mais il arrivera à les amadouer par une faena précieuse pour un jeu diestro qui se place parfaitement et trouve d’emblée le sitio et ce qu’il faut faire. Le Nîmois écoute sa cuadrilla et cela lui réussit. Oreille.
Dernier toro en piste et autant vous dire que les gradins veulent voir le jeune triompher. Par chauvinisme ? Pas sûr ! Simplement parce que Solal vit son rêve et que les aficionados veulent en faire partie intégrante. Cependant, une tuile du toit tombe sur la tête du jeune nîmois. Son toro castaño et bien fait de Virgen Maria boitille quelques instants sans être nullement blessé. Comme on a pris l’habitude de les faire sortir en sobrero (car trois toros du fer de Jean-Marie Raimond ont été recalé… ?) c’est un Fernay qui déboule en sobrero et qui plonge les arènes dans la torpeur du pétard. Solal s’arrime, s’accroche à quelques encouragements et prouve enfin ici qu’il est torero. Un Fernay qui met la tête et qui met des coups ? Pas grave, on fera avec ! Solal réfléchit un peu, écoute encore sa cuadrilla et grandit avec elle. Les recours, il les a, la technique aussi. L’envie est évidemment et les gradins apportent ce supplément d’âme qui remet l’adrénaline au cœur de son combat. Cette fois sans même que le public ne lui demande, Solal prend les bâtonnets et fait le job. À la muleta, le jeune continue son effort et malgré cinq premières minutes en version belluaire, le maestro se mue peu à peu en torero qui arrondit ses fins de passes. Le toro s’adoucit et Solal va crescendo chercher le trophée après une nouvelle belle épée. Deux oreilles avec toujours cette second contestée mais cette feria s’achèvera donc sous une sortie en triomphe des trois matadors de toros du soir.