FAIT DU SOIR À Saint-Jean-du-Gard, la Borie attribuée à un projet résidentiel
La Safer (société d'aménagement foncier et d'établissement rural) était chargée de trouver un acheteur au hameau de la Borie, propriété communale. Entre un projet personnel et touristique porté par deux couples parisiens et un autre de production agricole et d'exploitation forestière modérée - en cours de montage - soutenu par Terre de Liens, le comité d'attribution s'est porté sur le premier. Les seconds, qui souhaitent participer à l'auto-subsistance de la région, vont formuler un recours. Le président gardois de la Safer souligne que des discussions se poursuivent pour les terres agricoles.
Quarante ans après l'annonce d'un projet de construction de barrage au niveau du hameau, sur le gardon de Mialet, et une occupation du site de plus de vingt ans - achevée par une expulsion en juin 2021 - la Borie s'est peut-être trouvé un avenir. Mais celui-ci est d'ores et déjà contesté par ceux dont le projet a été refusé lors du comité technique de la Safer. Le président gardois de l'organisme, Michel Allemand - qui a déjà dû affronter l'opposition à la vente de la ferme de Bannières à la légion étrangère - souhaite que des discussions aient lieu sur les terres agricoles, qu'il voudrait voir préservées.
"La mairie veut que ce soit signé rapidement"
"Le comité a préféré favoriser l'installation des Parisiens plutôt que le projet de Terre de liens, pour lequel aucune étude de faisabilité n'avait encore été faite, confie le président de la Safer gardoise, Michel Allemand. La mairie avait mis un ultimatum et veut que ce soit signé rapidement."(*) Le président précise donc que "ce sont deux couples qui veulent reprendre le bâtiment pour en faire une résidence" et que "les discussions se poursuivent sur le devenir des terrains, on n'est pas au bout, et pas à l'abri d'un recours". Michel Allemand confie cependant qu'il tient à ce que les terres restent agricoles alors que les deux couples potentiellement acquéreurs souhaitent mener, d'après leurs adversaires, un "projet agro-touristique et le développement d'un festival de musique".
Recours, il y aura bien, confirme une petite équipe qui travaillait sur le dossier en coopération avec Terre de Liens. Parmi ceux-ci, Michel Launay, Saint-Jeannais de Terre de liens ; Christian Sunt, de l'Université rurale des Cévennes ; Frédéric Proust, ancien maraîcher à Lansargues ; et Patrick Pasanau, qui réside encore sur place en couple, locataires de la mairie qui tente de les expulser. Avec sa compagne, Delphine Maillard, ils habitent le plus petit des trois espaces bâtis "depuis 2005. Et nous menons un projet agricole depuis 2007". Apiculture, jardin potager, poules pondeuses ou encore arboristerie constituent leur activité. "Cela fait quatre ans que nous sommes au tribunal avec la mairie, poursuit Patrick Pasanau, et quatre ans qu'ils sont déboutés." Ce qui n'a pas empêché la municipalité de lancer, d'après Patrick Pasanau, un saisie conservatoire sur les comptes professionnel et personnel du couple.
"Terre de Liens m'a proposé de me ré-installer avec un autre agriculteur", confie, de son côté, Frédéric Proust, maraîcher bio dès 1995 à Lansargues et dont l'exploitation a été reprise par un jeune. Car la propriété communale La Borie, ce sont 21 hectares, principalement de forêt (environ 17 hectares), quatre hectares de terres cultivables, et 1 200 m2 de bâti. Dans ces 1 200 m2, la maison qu'habitent Patrick Pasanau et Delphine Maillard, "pour laquelle nous sommes potentiellement acheteurs". Ce volet est inclus dans le projet de société civile immobilière (SCI), composante du projet en partenariat avec Terre de Liens.
Un projet "agricole, de lieu d'accueil et de partage", présente le dossier d'appel à souscription sous forme de SCI. En clair, l'association Terre de Liens se porterait acquéreur des terres et d'une des maisons pour loger les deux agriculteurs, la maison du milieu serait rachetée par les Maillard/Pasanau. Et la première maison, à l'entrée du hameau, soit 600 m2 utilisables après travaux, serait rachetée par la SCI la Borie afin d'y installer un tiers-lieu. Une association serait gestionnaire du lieu et locataire de la SCI. L'activité, dans les bâtiments, porterait notamment sur la transformation des produits agricoles. L'association Abraham Mazel est partie prenante de ce collectif.
"Il nous manquait environ deux mois pour finaliser le montage"
"Il nous manquait environ deux mois pour finaliser le montage administratif et financier", se désole Michel Launay, qui aurait souhaité un délai supplémentaire pour favoriser un projet local, au bénéfice de territoire et ne comprend pas l'empressement de la commune sur le dossier - commune qui avait fait visiter les locaux à la légion étrangère quand la vente de Bannière au ministère des armées n'était pas encore signée.
"L'installation en bio pour de la vente de proximité, c'est pourtant ce qui est priorisé par le schéma directeur départemental", souligne Michel Launay. "Nous sommes dans une logique de coopération, en voulant produire avec une économie des intrants, détaille Frédéric Proust, et travailler avec un atelier paysan." Comme maraîcher, il ne comprend pas que ce projet ne mérite pas d'attendre deux ou trois mois de plus, projet qui prévoit aussi une unité mobile de transformation pour gérer et valoriser les 17 hectares de bois.
"Une décision politique, en contradiction avec le rôle de la Safer"
En 2021, d'après Michel Launay, une estimation des Domaines évaluait la propriété communale à 380 000 €. La commune en voulait 600 000 €, tandis que le projet Terre de Liens et SCI proposait 560 000 €. Membre du comité technique Safer et syndicaliste Confédération paysanne, Louis Julian dénonce, de son côté, une "décision politique (...) en contradiction totale avec le rôle affiché de la Safer de privilégier les projets agricoles".
Les acteurs du projet SCI formuleront donc un recours dès la semaine prochaine contre l'attribution décidée par le comité Safer. Et souhaitent organiser une réunion publique sur le sujet, à Saint-Jean-du-Gard, le 19 janvier.
(*) Joint vendredi matin par téléphone, le maire de la commune, Michel Ruas, n'avait pas donné suite à nos sollicitations en fin de journée.
À Bannières, la légion accepte un hectare de cultures pérennes
Le comité d'attribution de la Safer s'est également penché, le 20 décembre, sur les terres cultivables du hameau de Bannières, qui devaient conserver une vocation agricole. Alors qu'ils avaient dit leur opposition à l'implantation de cultures pérennes, les militaires acceptent finalement un hectare de vignes, qu'exploitera Jules Savès, dont le projet, sur la totalité des terres, avait initialement été repoussé justement en raison du refus de cultures pérennes sur les terrasses de la propriété. Les près de quatre hectares restants deviendront des prairies fauchables ou pâturables, confiées à l'éleveur de vaches Aubrac Claude Méjean, basé à Saint-Félix-de-Pallières.