Publié il y a 10 h - Mise à jour le 26.09.2024 - Louis Valat - 6 min  - vu 1013 fois

SALINDRES Fermeture de l'usine Solvay : salariés, syndicats et élus montent au créneau

Damien Olry, délégué syndical central CGT. Il connaît bien l'usine de Salindres.

- Louis Valat

Les salariés de l'usine Solvay de Salindres, confrontés à la fermeture imminente de leur site et à la suppression de 68 emplois, s'organisent pour protester avec le soutien des syndicats et des élus, dénonçant cette décision brutale. Ils lancent un appel à la solidarité avec une manifestation programmée pour le 5 octobre.

La colère persiste en ce jeudi matin, et tout laisse à penser qu’elle durera encore longtemps. D’un côté, les salariés et syndicats dénoncent avec force la décision brutale et inattendue prise en début de semaine par le groupe belge Solvay de fermer son site de Salindres d’ici 2025, condamnant ainsi 68 emplois sur les 96 existants. De l’autre, la révolte gronde également du côté des syndicalistes CGT présents sur place et du secrétaire de la section alésienne du PCF, Giovanni Di Francesco, pour le même raison mais aussi irrités par la visite impromptue du député de la quatrième circonscription, Pierre Meurin, réélu en juillet dernier, venu sur le site en fin de matinée. La contestation se fait entendre de toutes parts. Et dans les faits, l'ensemble des discours, politiques ou militants convergent vers un unique souhait : le sauvetage de l'usine.

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Une mobilisation partie pour durer

Suite à l’annonce par Objectif Gard (relire ici), mardi, de la fermeture de l’usine Solvay et de la suppression de 68 postes liés à l’activité de production de TFA (acide trifluoroacétique) et de dérivés fluorés, un vent de solidarité évident a émergé. Cette fermeture, prévue entre début et octobre 2025, marquera l’arrêt définitif de la production et la mise en sécurité du site. Dans ce contexte, l’ensemble des salariés a immédiatement décidé de se mettre en grève, comme l’a indiqué Damien Olry, délégué syndical central CGT, présent sur place ce matin. « Nous avons déposé un préavis de grève qui concerne tous les salariés. Chacun est libre de faire grève à sa convenance, pour une durée allant d’une heure à huit heures par jour. Actuellement, le service le plus impactant est celui maintenu dans leur plan de sauvegarde de l’emploi (PSE), si les choses devaient aller jusqu’au bout. Nous avons coupé la vapeur sur toute la plateforme, ce qui touche tout le monde, notamment Axens. C'est notre unique moyen d’action », a-t-il précisé, tout en omettant de mentionner que des blocages des entrées et sorties du site étaient évidemment en place depuis mardi.

Le blocage de l'usine de Salindres ce jeudi matin. • Louis Valat

Devant l’usine, les salariés, bien que réticents à s’exprimer, partagent un sentiment commun, celui de la brutalité de l’annonce. En leur nom, Damien Olry a décrit ce ressenti qui les animent : « Nous avons été convoqués lundi à 6 heures, où nous avons appris la suppression de 68 postes, sans la moindre once d’humanité ni d’empathie. L’annonce a été faite de manière robotique. La responsable des ressources humaines affichait même un léger sourire. La violence était extrême. Beaucoup de personnes ne s’y attendaient pas, et naturellement, des réactions ont fusé dans tous les sens : émotions, colère et pleurs se sont mêlés sur le site. »

Damien Olry, délégué syndical central CGT. Il connaît bien l'usine de Salindres. • Louis Valat

Au-delà des répercussions sur la vie des salariés, la situation soulève également des enjeux importants pour le territoire. Alain Martin, figure locale de la CGT alésienne venu en soutien aux salariés ce matin a exprimé ses vives inquiétudes : « L'industrie du bassin alésien, déjà qu'elle est mortifère... là ça va impacter tous les services publics, les commerces etc. J’ai entendu Christophe Rivenq tenter de joindre le cabinet, mais on lui a raccroché au nez. On ne sait même pas où se trouve Alès Agglomération. Cela montre à quel point la situation est compliquée, et il semble qu’il n’y ait pas de volonté politique pour résoudre ce problème. » Il poursuit : « Nous ne pouvons pas compter uniquement sur le Pôle mécanique et ses belles voitures. Certes, il y a de jolies fleurs sur les ronds-points, mais les habitants ne se nourrissent pas de fleurs. Il est impératif de garantir la sécurité alimentaire de ce bassin alésien, et la fermeture de cette usine serait un véritable désastre. La seule issue, c’est la lutte et la mobilisation. » Dans cette dynamique de mobilisation évoquée, les salariés et la CGT ont annoncé ce jeudi matin l’organisation d’une manifestation, qui doit encore être déclarée, prévue pour le samedi 5 octobre à 10 heures. Le cortège partira de l’usine Solvay pour rejoindre Salindres. Un large public est attendu pour soutenir cette cause.

Syndicats et élus en soutien aux salariés menacés

Alors que 68 salariés se retrouvent confrontés à la menace de la suppression de leurs postes, il est crucial que leur voix, portée par la CGT, résonne avec force. Alain Martin, représentant l'Union locale de la CGT d'Alès en l'absence de Martine Sagit, malade, a exprimé son indignation : « Ce sont des petits pions, peuchères, l'usine Solvay de Salindres, bradée sur l'autel du capitalisme et du profit. Nous les soutenons. » Dans ce climat d'incertitude, Damien Olry a rappelé l'importance de préserver l'espoir : « Nous avons un projet que nous travaillons en sous-marin pour essayer de trouver quelque chose de viable pour le site. C'est ce qui nous donne encore l'espoir. » De leur côté, Valérie Meunier et Philippe Ribot, conseillers départementaux du canton d'Alès-2, ont récemment affirmé leur solidarité envers les travailleurs de l'usine. Tandis que le président de l’Agglomération d’Alès, Christophe Rivenq, a vivement exprimé son agacement face à cette décision prise par le groupe Solvay lors d'une interview accordée à nos confrères de France Bleu Gard Lozère.

Les conseillers départementaux communistes sont venus sur place ce jeudi matin. • DR

Et ce jeudi matin, ce sont les quatre conseillers départementaux communistes qui se sont, quant à eux, rendus sur place, unis dans leur volonté d’apporter leur soutien aux salariés et de défendre leur cause. Le tandem formé par Cathy Ville-Chaulet et Ghislain Chassary, maire de la commune voisine de Rousson, était accompagné d'Isabelle Fardoux-Jouve et de Patrick Malavieille, représentants du canton de La Grand'Combe. Ce dernier a d'ailleurs qualifié la situation de « pur scandale ! » sur ses réseaux sociaux, soulignant l’urgence de la mobilisation. Dans un communiqué de presse suite à leur visite, les élus ont souligné : « Le Ministère de l'Industrie doit intervenir auprès de la Direction du Groupe afin d'éviter les licenciements. Le groupe Solvay a non seulement les moyens, mais aussi la responsabilité de maintenir son activité tout en développant de nouvelles perspectives. Le bassin industriel d'Alès a déjà subi de nombreuses fermetures et licenciements ; il est essentiel de ne pas ajouter un nouvel épisode qui ressemble à un déménagement industriel. La plateforme de Salindres constitue un atout précieux pour le bassin d'Alès et pour le Département du Gard. Nous avons la capacité d'y développer des activités industrielles uniques et devons explorer toutes les pistes en collaboration avec les salarié-e-s et leurs organisations syndicales. » Ils ont également annoncé que « le Groupe Communiste du Département déposera un vœu de soutien lors de la prochaine séance du Conseil Départemental. »

Le député Pierre Meurin sur place

Et le soutien le moins attendu et le plus contesté, du moins sur place, principalement par les représentants de la CGT mais aussi par Giovanni Di Francesco donc, et quelques salariés, a pointé le bout de son nez aux alentours de 11h20. Revenu de Paris pour l'occasion, le député de la quatrième circonscription, Pierre Meurin, est arrivé, au côté de son proche collaborateur. Face à cette arrivée, Damien Olry a demandé à ses collègues de ne pas engager la conversation. Giovanni Di Francesco, quant à lui, n’a pas tardé à interpeller directement le député, lui demandant de quitter les lieux. Alain Martin a souligné la contradiction dans les discours des membres du Rassemblement National : « Ils (les membres du Rassemblement national, le parti de Pierre Meurin, NDLR) n'ont jamais défendu les droits des travailleurs. Lors de la mobilisation contre la réforme des retraites, ils étaient contre, aujourd'hui ils sont pour. Leurs discours changent. » Malgré le mécontentement, la visite de Pierre Meurin n’était évidemment pas interdite.

La venue de Pierre Meurin contestée par les syndicats présents sur place, ici Alain Martin. • Louis Valat

C'est pourquoi l'élu de la circonscription concernée, Pierre Meurin, s'est exprimé à notre micro sur sa volonté d'échanger avec les salariés, au-delà des clivages politiques. « Une usine qui disparaît, c'est tout un bassin de vie et une violence sociale qui, en tant que député, me touche beaucoup. Je tiens à venir soutenir les salariés », a-t-il déclaré, s'écartant du groupe pour faire part de ses réflexions. Le membre du Rassemblement national a souligné l'impact de la suppression de ces 68 emplois : « C'est une violence. J'entends que l'on puisse partager des convictions différentes. Toutefois, nous pouvons nous rassembler autour d'une cause qui mérite notre unité. L'enjeu principal est le reclassement des salariés, afin qu'il n'y ait pas de casse sociale suite à la fermeture de ce site. »

Pierre Meurin a également exprimé l'espoir que l'usine puisse continuer à fonctionner : « Dans l'absolu, il serait bon de permettre à cette usine de demeurer, voire de trouver un plan de financement pour qu'elle puisse reprendre son activité. » Ainsi, cette menace de fermeture prochaine de l'usine a le potentiel de créer des ponts entre les communistes, les syndicats, les élus de gauche, du centre, de droite, ainsi que ceux du Rassemblement National. Un contexte qui pourrait ouvrir la voie à des solutions constructives pour l'avenir du bassin industriel de Salindres et, plus largement, de l'Agglomération d'Alès. Toutefois, cela nécessite un dialogue ouvert entre toutes les parties prenantes. En attendant, l’avenir de 68 salariés et de leurs familles demeure incertain et en péril.

Louis Valat

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