L'INTERVIEW Dominique Bluzet : "Je veux que tous les habitants se disent : c’est mon théâtre et je vais y aller"
Dominique Bluzet est un homme de théâtre. D'abord, acteur, puis metteur en scène, producteur et enfin, directeur. Il dirige les théâtres du Gymnase et des Bernadines à Marseille, ainsi que le Grand théâtre de Provence et le théâtre du Jeu de Paume à Aix-en-Provence. Depuis le 1er juin 2024, il est également à la tête du théâtre municipal d'Arles. À quelques jours de l'ouverture de la saison 2024-2025, Dominique Bluzet confie ses ambitions. Interview.
Objectif Gard : Vous venez d'arriver au sein de l'équipe du théâtre municipal d'Arles. Quelle est votre ambition ?
Dominique Bluzet : J’ai été acteur, metteur en scène, mon ambition c’est de faire du théâtre. Cela prend plein de formes, on peut être acteur, comédien, costumier, etc… Mais ce que j’ai appris en étant acteur, c’est que ça ne sert à rien de l’être quand il n’y a pas de public. Ma mission c'est que ce théâtre soit rempli d'artistes mais aussi de spectateurs. Il faut donc se demander comment amener ces personnes au théâtre, et comment vous faites une fête de cette rencontre que vous créez entre un plateau et une salle. Vous la faites à travers le rire, l’émotion, les larmes, tout ce que vous voulez. Après, plus on jouera, plus la salle sera pleine, plus ça sera formidable, et plus les gens viendront de loin en se disant que ce théâtre est extraordinaire, qu'il s'y passe plein de choses très différentes les unes des autres. Au théâtre, on ne peut pas tout faire le même soir pour tout le monde en même temps. Mon rêve, c’est que tous les habitants de cette ville, une fois, deux fois, trois fois, dans l’année se disent : c’est mon théâtre et je vais y aller.
Afin de rendre possible ce rêve, vous avez la volonté de faire en sorte que les spectacles soient programmés plusieurs soirs.
Oui parce qu'avant ils ne se jouaient qu’un soir. Et si c'est dans un mois, les gens peuvent se dire mince ce soir je suis pris. Et si c'est dans six mois, ils se disent qu'ils ne savent pas s'ils seront libres. L’idée, c’est vraiment d’essayer de jouer deux, puis trois fois, pour que la population ait envie de prendre le programme en se demandant qu'est-ce qu'il y a le mois prochain, il y a bien un des soirs où je serai libre. C’est aussi très important pour moi que les artistes ne viennent pas un soir à Arles à 19 heures pour repartir le lendemain à 8h30 et ne plus savoir où ils ont joué. C’est très important qu'ils soient dans la ville, que ça veuille dire quelque chose, qu’ils se disent tiens... on a été à Arles, on a visité la ville, on a vu une exposition, on a rencontré des gens dans la rue. Je veux que cela soit un moment de joie.
Votre nomination à la tête du théâtre d'Arles permet également de mettre en place un rapprochement avec celui du Jeu de Paume que vous dirigez à Aix-en-Provence. Comment cela va-t-il se passer ?
L’idée, c’est de fabriquer des spectacles ensemble que nous allons faire voyager. C'est une façon de pouvoir mieux aider les compagnies, de les faire jouer plus longtemps, et puis on construit aussi une sorte de colonne vertébrale du département Arles-Aix-Marseille. Parce que c’est un territoire formidable et il faut avoir le désir de se battre pour lui. Il faut être militant. Il faut avoir la foi dans ce qu’on fait, dans l’endroit où on vit, dans la chance que nous avons d’être là.
Outre l'intérêt pour les artistes, cela permet aux Arlésiens d'avoir accès à plus de spectacles.
Oui, grâce au bus que nous allons mettre en place, nous leur donnons la possibilité de voir des spectacles que le théâtre ne pourrait pas accueillir car il n'y a pas un plateau assez grand. On instaure donc une navette au départ du théâtre, on dépose les spectateurs devant la salle, on les récupère à la sortie pour les ramener à Arles, et ils auront vu un spectacle qu'ils n'auraient jamais pu voir ici.
Vous souhaitez que les artistes s'imprègnent de la ville, rencontrent les habitants. Quel est votre lien avec Arles, qu'est-ce qui vous attire dans cette ville ?
Moi mon lien il s’est fait à travers Marie Sara, à travers le maire il y a longtemps. Être ici ce n’est pas n’importe quoi pour moi. Quand je suis arrivé à Marseille, je trouvais que la ville m’avait donné le sens de l’infini à cause de la mer, puis Aix-en-Provence m’a donné le sens du beau. Arles m’a donné le sens de l’histoire. Ce sont ces trois choses qui forgent ce que je ressens. Le sentiment d’avoir une chance extraordinaire d’être ici et de me sentir fier d’être Arlésien. Il y a cette idée Arles-Aix-Marseille. Il y a aussi ce rapport à la vie à la mort, cette ville des Alyscamps, cette ville où on mettait une pièce d’or dans la bouche du mort pour qu’il puisse être enterré, et en même temps cette formidable pulsion de vie qu’on trouve dans la tauromachie. Ce n’est pas une ville anodine.