En ce début de printemps, la tranquillité du hameau est perturbée. Depuis quelques jours, on signale à la mairie et aux gendarmes des vols dans des résidences. Or, sur un terrain reculé de la Lèque, « depuis trois jours, un camping-car était garé », rejoue le premier-adjoint au maire Michel Dalverny, déjà élu à l’époque. Alors avec un collègue élu, il prévient les gendarmes de la brigade de Lussan.

Deux militaires se rendent donc sur place en ce mardi soir de début de printemps : le maréchal-des-logis chef Richard Capel et son collègue Jean-Paul Lambert. « Les gendarmes entament alors un contrôle d’identité du conducteur, raconte le commandant de la compagnie de Bagnols, Christophe Perrin, ce vendredi matin sur place. Ce dernier prétend aller chercher ses papiers, mais il revient avec un fusil à canon-scié et ouvre le feu sur les gendarmes. »

Le gendarme Lambert est touché par deux balles au poumon. Il réussit toutefois à s’extirper des lieux et à se diriger vers la route pour tenter de prévenir les secours. Un automobiliste le prendra en charge avant qu’il ne soit sauvé par les secours. Pendant ce temps, Richard Capel est touché à l’abdomen. Très grièvement blessé, il réplique et blesse mortellement l’agresseur. Le gendarme Capel parvient ensuite à conduire le véhicule de service sur plusieurs kilomètres. Il succombera après avoir donné l’alerte, à 39 ans.

« L’émotion est toujours intacte »

À l’époque, c’est la stupeur dans ce hameau reculé et tranquille. « Et aujourd’hui encore, ça nous touche, et les habitants de la Lèque n’ont pas oublié », affirme le premier-adjoint, encore ému par cet épisode. Il faut dire que le gendarme Lambert est le parrain de son fils, et, qu’un mois avant sa mort, le gendarme Capel lui avait donné un chien. « On s’en est un peu voulu car on se disait que peut-être qu’il ne se serait rien passé si on n’avait pas prévenu les gendarmes », souffle-t-il. Las, personne ne pouvait imaginer qu’un arsenal se trouvait dans le camping-car, et que son propriétaire était défavorablement connu des services de police.

25 ans plus tard, ce vendredi un nouvel hommage a été rendu au niveau de la stèle érigée en mémoire du gendarme Capel, comme chaque année, avant une nouvelle édition de la course pédestre des Foulées Capel, organisée depuis 2013. « C’est la mémoire, une tradition, de la camaraderie », estime l’adjudant Sébastien Christol, commandant de la brigade de Saint-Laurent-la-Vernède, qui a pris la suite de celle de Lussan. Pour lui, les gendarmes Capel et Lambert sont « un exemple », pour « toujours rappeler que nous faisons un métier dangereux. » Du reste, quelque temps après ce drame, les gendarmes seront équipés de gilets pare-balles.

Le commandant Perrin évoquera quant à lui « un acte héroïque », devant les trois frères du gendarme Capel, Ange, Jean-Yves et Henri, présents comme chaque année. « L’émotion est toujours intacte », glisse Ange Capel, en soulignant « le soutien » apporté par la gendarmerie dans cette épreuve, avant de déposer, comme la gendarmerie et la mairie, une gerbe au pied de la stèle.

La course s’est ensuite élancée, avec moins de participants que d’habitude, une bonne partie des gendarmes de la compagnie de Bagnols étant mobilisée sur la visite du président de la République à Garons. Ils seront probablement plus nombreux l’année prochaine, pour une nouvelle édition. D’ici là, un hommage sera rendu, comme chaque année, à un autre gendarme tué en service à une trentaine de kilomètres de Lussan, le major Soler, à Pont-Saint-Esprit en 2001.