UZÈS L’archéologue Samuel Longepierre fait le point sur les découvertes au mystérieux bourg de Massargues
C’est l’histoire, dont nous avons déjà parlé dans ces colonnes, d’un bourg médiéval érigé sans doute au XIIe siècle, puis abandonné même pas deux cents ans plus tard, à un jet de pierre de Saint-Quentin-la-Poterie, quelques kilomètres au nord d’Uzès.
Un site « totalement tombé dans l’oubli, ce qui est étonnant pour un site de cette taille », explique l’archéologue Samuel Longepierre, vendredi soir, lors d’une conférence organisée à Uzès par l’association l’Uzège, qui pousse les fouilles archéologiques sur le site de trois hectares. Découvert par Samuel Longepierre en 2004, le site, organisé en Villeneuve médiévale, revêt un intérêt archéologique majeur. En effet, il n’existe pas d’autre site aussi vaste qui n’ait pas été modifié après l’époque médiévale.
Car si une ville comme Saint-Affrique (Aveyron) a un noyau médiéval d’une taille comparable à Massargues, elle a bien évolué depuis. Massargues peut donc donner des clés pour mieux comprendre l’habitat médiéval. D’ailleurs, la campagne de fouilles menée cet été et largement financée par les dons à l’association l’Uzège, a permis plusieurs découvertes. Déjà, elle a confirmé le réseau de rues au sein du bourg et l’existence d’un plan régulateur, grâce à la découverte de bornages délimitant les parcelles, sans doute avec une visée fiscale.
« Le plus probable est une organisation en lanière, avec des rues séparant à chaque fois deux bandes de lotissements », avance l’archéologue. Autre découverte, et non des moindres, « il y a des parcelles plus importantes, ce qui montre qu’il y aurait eu une hiérarchie entre les habitants », poursuit-il. Or, jusqu’à maintenant, nous n’avions que les quartiers médiévaux dans nos villes modernes pour se faire une idée, et ces quartiers sont très souvent maillés de petites parcelles à peu près égales en superficie.
Toujours dans cette idée de hiérarchie, les fouilles ont permis de dégager ce qui était probablement une grande maison de notable, aux murs plus soignés que d’autres. Et d’autres découvertes sur cette maison. « Un espace carré correspondant à un aménagement supplémentaire, avec un sol en mortier et une entrée en belles pierres, laisse à penser qu’une tour complétait les pièces de la maison », explique Samuel Longepierre. Or, il n’a trouvé aucune trace de chevalier se revendiquant de Massargues. Une bizarrerie qui pourrait signifier « la présence d’une population particulière, la bourgeoisie », avance-t-il.
Reste maintenant à comprendre pourquoi Massargues a été abandonné, puis a disparu complètement des mémoires. « Les éléments à ce jour plaident plus en faveur d’un abandon soudain, peut-être politique », échafaude l’archéologue, évoquant des toitures effondrées laissées dans un état naturel mises au jour sur le site. Quant à l’aspect politique, il rappelle que Massargues était soutenu par le comte de Toulouse, qui a perdu la guerre à l’issue des croisades albigeoises, ce qui a par la suite ouvert la voie au roi de France dans le Languedoc.
« Au XIIIe siècle, il y a eu des intimidations et des destructions de lieux favorables à Toulouse. C’est une hypothèse, nous allons essayer d’y répondre avec nos moyens », explique Samuel Longepierre. Les zones de travail pour 2023 sont déjà définies, et le budget prévisionnel pour l’association l’Uzège est d’un peu plus de 25 000 euros. Même si les collectivités mettent au pot, l’association en appelle au mécénat.
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