Publié il y a 1 an - Mise à jour le 27.10.2023 - Stéphanie Marin - 6 min  - vu 3523 fois

BEAUCAIRE Le projet d'extension d'une carrière exploitée par le groupe Heidelberg Materials suscite des inquiétudes

Le site du projet d’extension, vue depuis le sud.

- Heidelberg Materials France

Le groupe Heidelberg Materials envisage l'extension de la carrière située sur le territoire de Beaucaire au lieu-dit "Clos des Melettes". Un projet soumis à autorisation environnementale et pour lequel une enquête publique a été ouverte le 2 octobre dernier et sera close le 3 novembre prochain. Riverains, agriculteurs, chasseurs, etc., s'inquiètent de l'impact d'un tel chantier sur des terres plusieurs fois visées par des projets industriels, mais jusque-là épargnées.  

Le groupe Heidelberg Materials, qui mène actuellement un chantier de modernisation de 45 millions d’euros pour décarboner sa cimenterie de Beaucaire (Ciments Calcia), lance pour son activité dédiée aux granulats (GSM) un projet d’extension de la carrière située sur le territoire de la commune au lieu-dit "Clos des Melettes". Un chantier qui suscite de fortes inquiétudes chez certains riverains qui dénonçent "une atteinte totale à des terres classées Costières de Nîmes".  

Avant de creuser davantage le sujet, Jean-Marc Nguyen, directeur régional Sud-Est de GSM, explique et liste les raisons de ce projet d'extension du site situé à proximité de la carrière de la cimenterie Calcia : "Des gisements épuisés ; une nécessité de  renouveler nos réserves ; de fortes demandes de ce type de matériaux alluvionnaires, très qualitatifs en termes de dureté, nécessaires aux besoins locaux en matières de construction", énumère-t-il. Et de citer, entre autres exemples, la base nautique de Beaucaire récemment inaugurée. "Localement, c'est assez dynamique. Il y a de nouveaux arrivants, des besoins en logements, en aménagements et tout cela se fait avec des matériaux qu'il faut approvisionner. C'est plutôt vertueux de le faire localement."

Le site du projet d’extension, vue depuis le sud. • Heidelberg Materials France

Le projet d’extension porte sur une durée d’exploitation de 15 ans avec une production moyenne de 200 000 tonnes par an. Après concertation, le groupe Heidelberg Materials a modifié ses plans, réduisant la zone d'extraction de 35 hectares à 25 hectares, sur une emprise totale de 45,8 hectares. "Dans le cadre de la concertation et des études portant sur la biodiversité et l'agriculture, nous avons ajusté le projet pour nous concentrer sur des zones où la profondeur des gisements alluvionnaires est la plus importante", indique Gaelle Gagliano, responsable foncier environnement dans le Sud-Est pour le groupe Heidelberg Materials. Ainsi, les zones de prairie, où des garennes ont été installées par les chasseurs et où se trouvent des insectes patrimoniaux et des oiseaux spécifiques, seront évitées. Toujours sur le volet biodiversité, la société prévoit une mise en pâturage du site, en partanriat avec un berger beaucairois. 

"Une exploitation par tranches de 5 à 9 hectares avec une remise agricole coordonnée"

Cette zone d'extraction sera étalée sur des terres acquises il y a une trentaine d'années par le groupe, ainsi que des terres appartenant à un agriculteur. Afin de concilier les besoins en matériaux du territoire et la vocation agricole de ces terrains, l'exploitant "prévoit une exploitation par tranches de 5 à 9 hectares avec une remise agricole coordonnée". Gaelle Gagliano poursuit : "Aujourd'hui, un maraîcher se trouve sur les terrains qui appartiennent à Ciments Calcia, avec lequel une convention a été signée pour lui assurer de pouvoir continuer son activité agricole sur le site pendant 30 ans." Quant aux terres appartenant à l'agriculteur, le principe d'aménagement coordonné reste le même, "sauf qu'elles lui seront rendues pour une remise en agriculture". L'intention porterait sur la réimplantation de vergers, sans s'interdire le retour des vignes.

Réaménagement agricole sur une zone d’expérimentation de la carrière actuelle. • Heidelberg Materials France

Ce à quoi le vigneron beaucairois, François Collard, ne croit pas. "Ce sont des terres qui ont prouvé leur résilience face aux effets du changement climatique. La destructuration des sols aura un impact sur leur fertilité. On va vers une perte de l'appellation sur ce site", craint-il. Heidelberg Materials ne peut le nier puisque le cahier des charges de l'Appellation Costières de Nîmes interdit tout remaniement des terres, bien que ces représentants assurent une compatibilité avec d'autres labels, comme les Indications géographiques protégées (IGP), par exemple. Pas question pour les vignerons, de s'en satisfaire "après avoir déjà cédé 213 hectares sur le plateau il y a 40 ans", et de voir aujourd'hui de jeunes agriculteurs baisser les bras "face à tant de spéculation et de pression foncière". "C'est une atteinte à l'agriculture, au terroir régulièrement menacés par des projets industriels", s'agace le vigneron. 

Heidelberg Materials balaie toutefois un potentiel déficit en fertilité des sols, en se basant sur des retours d'expériences menées par le groupe ou la profession : "Nous rappelons que ce ne sont pas les 2-3 mètres de terre superficielle qui nous intéressent, mais ce qu'il y a en-dessous". "Cette terre superficielle sera justement rendue pour une remise en agriculture", ajoute Jean-Marc Nguyen, directeur régional Sud-Est de GSM. Un suivi de cette procédure sera assuré par un expert agronome et un comité de suivi qui rassemblera tous les ans la chambre d’agriculture, des élus, les agriculteurs des terrains. Dernier argument avancé par Heidelberg Materials, "le volet agricole du projet a obtenu l’avis favorable de la Commission départementale de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPENAF) du 20 avril 2023."

Une cinquantaine de riverains ont participé à la visite initiée par des opposants au projet d'extension de la carrière, samedi dernier à Beaucaire. • L.P.

À la vue des terrains exploités autour, creux de plusieurs mètres, où petit à petit la nature reprend ses droits certes, on a bien du mal à imaginer des cultures agricoles, quelles qu'elles soient. Les riverains présents lors de la visite du site initiée samedi dernier par des opposants au projet, ont pu s'en rendre compte. "Contrairement à ces terres dont vous parlez, les 25 hectares ciblés ne seront pas exploités par Ciments Calcia. Sur ce secteur situé au sud, le calcaire change de qualité et n’est pas utilisable pour la cimenterie. Donc l'activité sera exclusivement dédiée à l'exploitation de cailloutis pour une durée de 15 ans", maintient Gaelle Gagliano, responsable foncier environnement dans le Sud-Est.

"Le pot de terre contre le pot de fer"

Comme évoqué supra, le projet n'en n'est qu'au stade de l'enquête publique. Une étape importante qui se limite à la sphère de la toile pour les riverains et plus généralement l'ensemble des citoyens, avec un site Internet dédié via lequel chacun peut déposer son commentaire, ses questions, ses remarques. Encore faut-il en être informé ! Mickaël, dont la maison est située en contrebas du plateau des Costières, dénonce un manque de communication, et d'autres des défauts d'affichage. "C'est toujours compliqué de se faire entendre face à de tels groupes. On a l'impression que c'est le pot de terre contre le pot de fer", souffle Mickaël. 

Ce dernier s'inquiète des nuisances sonores que générerait ce chantier. Interrogés à ce sujet, les représentants de Heidelberg Materials répondent : "Notre installation de traitement qui existe aujourd’hui ne change pas. Quant à l'activité d'extraction, elle se déroulera sur deux fois trois mois sur l'année et par tranches de surface. L’étude d’impact comprend des simulations de bruits. Il n'y a pas d'impact pour les habitations sur cette zone, éloignées à plus de 250 m, avec entre les deux, la voie ferrée avec le train qui passe." Le remblaiement d'une fosse avec des matériaux inertes au sud-est - procédé dont l'ambition est de renforcer le rôle du site de Beaucaire dans l’économie circulaire, selon le groupe - pose également question. Le Beaucairois met en doute la réalisation de contrôles réguliers. Heidelberg Materials défend le contraire. 

Luc Perrin, élu d'opposition à la Ville de Beaucaire, s'affiche lui aussi contre ce projet. "L'étude d'impact, en page 298, dans sa partie "Impact et mesures sur les eaux souterraines" fait totalement l'impasse sur le contexte hydrogéologique de ce secteur et l'impact potentiel du projet de carrière sur les puits et forages privés utilisés dans un secteur qui n'est pas desservi par le réseau d'eau potable de la ville", a-t-il écrit dans le registre dématérialisé. Là encore, le groupe allemand, s'appuie sur des avis favorables du Syndicat des nappes Vistrenque et Costières ainsi que de la CLE des Gardons. Et de conclure : "Au niveau du plateau et selon une étude hydrogéologique, on n’a pas de couche d’argile, entre les alluvions et le calcaire, donc l’eau est drainée en profondeur dans le calcaire et ne s’écoule pas vers les habitations. Preuve en est, la carrière de Ciments Calcia qui est exploitée n’est pas en eau."

L'enquête publique pour ce projet d'extension de la carrière au lieu-dit "Clos des Melettes" à Beaucaire, est ouverte jusqu'au vendredi 3 novembre. Un registre est disponible en mairie ou sur le site Internet dédié en cliquant ici.

L’association Gard O Vélo « résolument » contre ce projet

Un extrait de la contribution de Gard O Vélo : « Si l’entreprise Calcia GSM a eu à une époque, un effet bénéfique pour le territoire, les temps ont changé, nous avons besoin de plus de respect de la nature, de dépenser moins de ressources naturelles (des sols entre autres) de revenir vers une agriculture locale et paysagère favorable à la santé et à la valorisation du patrimoine romain exceptionnel de ce territoire Le plateau des Costières de Beaucaire a déjà beaucoup trop donné il est temps de lui accorder une autre dimension plus écologique en lui rendant de l’espace agricole, touristique et de loisirs dignes de l’importance des vestiges romains existants, et de la Via Domitia classée à l’inventaire des monuments historiques sur Beaucaire et Jonquières (lieu où a été mesuré le mille romain : 1 482m car les bornes étaient restées in situ). Gard O vélO et l’Association française pour le développement des voies vertes et véloroutes (AF3V) avec le Collectif régional Via Domitia très actif, portent ensemble un projet de Via Domitia cyclable qui retient l’attention des partenaires que sont la CCBTA, le CD30 et la Région Occitanie. Le seul chemin d’accès à la Via Domitia depuis la Via Rhôna en passant par les mas des Mourgues et des Tourelles (vestiges romains importants) est le chemin de Pauvre ménage qui se poursuit par le chemin des Limites (ou Cante Perdrix) et c’est bien le long de ce chemin donnant l’accès à la Via Domitia que veulent s’étendre les carrières GSM. »

Stéphanie Marin

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