GARD Les remous du Plan Rhône : bientôt un "rappel" du Grand Delta
La Communauté de communes Beaucaire Terre d'Argence a voté ce lundi 14 octobre, une motion de soutien au Symadrem, lequel défend le maintien des travaux d'endiguement sur le Petit Rhône comme initialement prévu dans le Plan Rhône.
Depuis un mois, l'État fait face à une levée de boucliers des élus gardois et bucco-rhodaniens. Ceux-là prévoient de renouveler l'appel du Grand Delta, initié au lendemain des inondations causées par la crue « centennale » du Rhône en décembre 2003, par les présidents des régions Provence-Alpes-Côte d'Azur, Languedoc-Roussilon et Rhône-Alpes. Ce qui a découlé sur le Plan Rhône, mobilisant l'État pour la mise en oeuvre d'une stratégie de prévention des inondations.
Le 3 décembre 2003
Une crue centennale a provoqué d’importantes inondations sur la plaine de Beaucaire et la Camargue Gardoise en rive droite du Rhône et sur la plaine du Trébon et les quartiers nord d’Arles en rive gauche. 227 millions de m³ d’eau se sont déversés, inondant plus de 12 000 personnes et occasionnant près de 700 millions d’euros de dégâts.
Un programme remis en question, en témoigne une lettre datée du 22 juillet et signée par les préfets actuels des deux départements. À l'intérieur, les résultats de l'étude dite Flash, répondant à celle menée par le Symadrem(*) - un dossier de 12 500 pages divisé en trois volets, hydraulique, environnemental et économique - pour la poursuite des travaux de renforcement et de décorsetage des digues. La poursuite car déjà 220M€ sur les 450M€ inscrits dans le Plan Rhône, ont été consommés.
Fini le réhaussement des digues, "le Plan Rhône est basé sur l'acceptation de l'inondation", expliquait en décembre 2023 Thibaut Mallet, directeur du Symadrem. Certains tronçons d'ouvrages ont donc été redimensionnés afin d'être résistants à la surverse. Côté Grand Rhône, l'axe Beaucaire-Tarascon-Fourques-Arles a été sécurisé. Reste donc comme cela avait été prévu dans le 3e Contrat de Plan interrégional État-Régions 2021-2027, à engager le programme de sécurisation des digues du Petit Rhône, sur un tronçon de 26km côté Bouches-du-Rhône et deux autres de 7 et 22km côté Gard. Coût de l'opération 127,2M€. "Nous sommes prêts, les terrains ont été achetés", s'impatiente Gilles Dumas, vice-président du Symadrem, maire de Fourques et vice-président à la CCBTA.
Une lettre qui a mis le feu aux poudres
Sauf que l'étude Flash, pour laquelle la Direction Départementale des Territoires et de la Mer des Bouches-du-Rhône(**) a été désignée maître d'ouvrage, "confirme la possibilité d'un aménagement plus efficient si tant est que l'on organise des déversements d'eau douce des crues dans l'Ile de Camargue", est-il écrit dans la lettre du 22 juillet. Pour résumer les lignes suivantes, les techniciens de la DDTM 13 indiquent que la sécurisation sur 8km de digue en rive gauche suffit à la protection du quartier de Trinquetaille. Côté rive droite, 8km de travaux de sécurisation permettent de compléter la protection entre Fourques et l'écluse de Saint-Gilles. Soit un chantier sur 16km au lieu des 56km inscrits au programme.
Cette lettre a mis le feu aux poudres. "C'est l'abandon du Plan Rhône initial, s'insurge Gilles Dumas. Or, si on ne va pas au bout de celui-ci, si on ne fait pas les digues jusqu’au pont de Sylvéréal en ce qui concerne le Gard, on sacrifie les habitants de la Camargue gardoise." D'après les techniciens du syndicat, la solution proposée par la DDTM 13, limiterait les objectifs de protection à 11 700 personnes contre 29 400 prévus dans la demande d'autorisation environnementale initiale. Cette étude Flash ne serait crédible ni techniquement, ni économiquement, ni socialement. "Il semblerait que ces techniciens soient capables de résoudre la quadrature du cercle, ironise le premier édile fourquésien faisant référence aux solutions proposées dont l'abaissement des digues de moitié après l'autoroute. Ils veulent à la fois répondre aux problématiques de la montée du sel en Camargue, de la modification du trait de côte et de la sécurité de la population. Ce n'est pas possible et nous leur avons démontré point par point."
L'élu gardois dont la commune se trouve aux portes des Bouches-du-Rhône, ne décolère pas, faisant glisser son index sous les lignes de la lettre qui selon lui mettent en lumière "une trahison". "L'étude Flash ne saurait se substituer aux choix des collectivités et du Symadrem [...] Les résultats confirment la nécessité de sécuriser sur chaque rive 8km de digues en amont. Administrativement, nous vous invitons donc à déposer un nouveau dossier de demande d'autorisation sur cette première phase avant la fin de l'année 2024 [...] je vous invite à retirer officiellement la demande d'autorisation environnementale en cours d'instruction."
On ne la lui fait pas à Gilles Dumas, "si on retire le dossier, il faudra faire à nouveau des études, ce qui repousse le projet à quatre ans, comment seront les caisses de l'État alors ? Je mets ma main à couper qu'il n'y aura pas de 4e Contrat de Plan interrégional. Et s'il y a une inondation, si Aigues-Mortes est touchée, qui paiera les assurances ?" Alors merci, mais non merci, le Symadrem a retoqué la proposition des représentants de l'État en comité syndical le 16 septembre dernier, les communes et intercommunalités concernées devront à leur tour délibérer sur le sujet.
Entre autres exemples, la Communauté de communes Beaucaire Terre d'Argence a suivi le Symadrem, à l'unanimité, ce lundi 14 octobre au soir. "Les gens ont tendance à l'oublier, mais en 2003, nous avons été inondés par le Petit Rhône et 21 ans après, nous ne sommes toujours pas sécurisés", a rappelé Juan Martinez, président de la CCBTA et maire de Bellegarde. Commune qui a perdu un habitant lors de ces inondations, Thierry Rouzaud, et dont les dégâts matériels étaient estimés entre 30 et 40 M€.
Les élus du Gard et des Bouches-du-Rhône ont été reçus par leur préfet respectif, les négociations sont en cours. "On me dit que ça va s'arranger, ça fait 21 ans que ça doit s'arranger. Moi je ne me languis que d'une chose, c'est que les travaux soient faits", a ajouté Juan Martinez, annonçant un nouvel appel du Grand Delta, le 4 novembre au Symadrem.
*Syndicat mixte d’aménagement des digues du Rhône et de la mer, maître d'ouvrage des opérations du Plan rhône sur le delta.
**La préfecture des Bouches-du-Rhône n'a pas souhaité donner suite à nos sollicitations.