FAIT DU JOUR Aigues-Mortes : nouveau quartier au Mas d'Avon, bon sens ou déraison ?
Pierre Mauméjean, le maire d’Aigues-Mortes, défend le projet de construire un nouveau quartier de 600 logements sur pilotis au lieu du Mas d'Avon sur un terrain en friche, à moins d'un kilomètre à pied de la porte de la Gardette.
Dans le cadre de la révision du plan local d’urbanisme (PLU), Pierre Mauméjean, le maire d’Aigues-Mortes, défend le projet de construire 800 logements pendant les 15 prochaines années afin d'éviter une baisse du nombre d'habitants et favoriser ainsi l'installation des jeunes de la commune. Projet porté par le bureau d’études aixois Planed, qui assure que 53 logements par an doivent sortir de terre chaque année pendant 15 ans afin de permettre à la commune de se stabiliser en nombre d’habitants. Un diagnostic a été établi par la représentante de la société, Elody Boudon.
Le diagnostic : " Il faut produire 53 logements par an pendant 15 ans pour éviter la baisse de population "
Le bureau d’études Planed, représenté par Elody Bourdon, a donné ses conclusions lors du dernier conseil municipal, le 9 février. L’évènement a fait salle comble et l’on a dû rajouter des chaises pour les habitants venus assister à la présentation du plan d'aménagement et de développement durable (PADD), en vue de la révision du PLU. Une démarche de concertation a été effectuée au premier semestre 2023 avec un questionnaire en ligne du 1er juillet 2022 au 1er août 2022 à l’endroit des habitants : « Votre vision d’Aigues-Mortes ».
Selon le bureau d’études, 380 réponses ont été postées, des réunions publiques et une exposition itinérante ont été organisées. Elody Boudon pointe un territoire sous pression qui produit plus de résidences secondaires que principales depuis 2013. La commune compte 8 560 habitants en 2019 contre 4 197 en 1968. Mais le taux de croissance de population ces dernières années reste faible (+0,22 % par an depuis 2013). Planed soulige un vieillissement de la population de la commune puisque plus de 55 % des habitants ont plus de 45 ans. 5,8 % de logements sont vacants et 11 % sont à destination sociale en 2020. En moyenne, 37 logements ont été produits par an entre 2011 et 2020. Le taux d’indépendance des Aigues-Mortais à l’emploi est de 79 %. Les 21 % restant, travaillent autour de la commune, du Grau-du-Roi à Montpellier. La tendance nationale est au resserrement du nombre d’habitants par logement, c’est-à-dire que le nombre de personnes par ménage se réduit et la tendance continuera à l’avenir. Ainsi le bureau d’études conclut que pour empêcher le nombre d’habitants de chuter, il faut construire environ 800 logements dans les quinze ans qui viennent, soit 53 par an. Mais pas n’importe comment.
L’enjeu est d’assurer l’avenir : se loger, bien vivre ensemble et travailler tout répondant aux défis de la transition climatique.
Ainsi Pierre Mauméjean a lancé la mise en œuvre d’un projet d'aménagement et de développement durable (PADD) qui intègre un projet d’urbanisation de 200 logements au sein de la commune et 600 logements sur le lieu du mas d’Avon, au Nord-Est de la cité, à moins d'un kilomètre à pied de la porte de la Gardette. L'élu a donc demandé, lors du conseil municipal, de débattre et de prendre acte de la cinquième délibération qui engendre la révision du PLU.
Le projet de l'éco-quartier se situe du côté du canal de Bourgidou à proximité de terrains en friche et agricoles et propose des immeubles de deux étages sur pilotis. C’est à ce moment que les esprits s’échauffent et que Joaquim Rams, élu de l’opposition et trésorier de l’association Le revivre (dont le président Cédric Bonato est l'ancien maire de la commune), s’étrangle et monte au créneau avec virulence. "Ce qui est proposé représente un volume bétonné équivalent à la surface de la cité intramuros avec des hauteurs de 15 mètres comparables à celles des tours des Remparts. Vous bétonnez 16 hectares en extension urbaine, dans un espace naturel situé en zone d’aléas forts de submersion marine et de surcroît à forte sensibilité écologique. Le plan de prévention des risques inondations (PPRI) qui a été approuvé comporte des erreurs manifestes d'appréciation et a été particulièrement défaillant notamment sur les mesures dites ERC (Éviter, Réduire et Compenser)", conclut-il.
Trois recours gracieux déposés
Les trois associations, France Nature Environnement, Mieux Vivre Aigues-Mortes et Le Revivre ont porté chacune un recours gracieux adressé début janvier à la Préfète du Gard, en vue de l’annulation partielle du plan de prévention des risques d'inondation (PPRI) pour que soit écartée la possibilité d’une urbanisation au mas d’Avon. Joachim Rams indique que le dossier laisse apparaître un coût d'environ 25 millions d’euros et enfonce le clou : " On comprend mieux la volonté affichée ces dernières années de limitation des investissements pour réduire coûte que coûte l’endettement de la commune afin de pouvoir recourir ensuite aux importants emprunts nécessaires pour permettre la réalisation de cette méga opération d’urbanisation au mas d’Avon ", indique-t-il.
L’élu estime que la commune aurait pu se contenter des 25 000 m2 considérés en « aléas modérés » pour construire des logements sociaux comme pour ceux du secteur de la gare, et aurait dû préempter par exemple, les terrains sur lesquels deux promoteurs réalisent actuellement une vingtaine de villas privées. Ou même passer à 80 % au lieu de 30 %, la proportion des logements sociaux sur le projet afin de permettre aux jeunes aigues-mortais de s’installer.
"Je vous mets un zéro pointé"
Pierre Mauméjean, particulièrement ferme, ne s’est pas laissé bousculer bien longtemps. "La commune ne supportera aucune charge financière", assure-t-il en expliquant que c'est l'Établissement foncier public (EPF) d'Occitanie qui porte les acquisitions foncières et un aménageur pour les équipements. "Monsieur Rams, vous avez bien révisé, bien bachoté mais je vous mets un zéro pointé. Ce sont les services de l’État que vous mettez en cause, notamment Madame la préfète, en disant qu’ils ont effectué des actes illicites. Mais ou êtes-vous allé chercher tout cela ?", a-t-il lancé. "Le Grau-du-Roi fait son éco-quartier, nous avons tous les mêmes problèmes et tous les mêmes solutions". Mais Robert Crauste (le maire du Grau-du-Roi, NDLR) a également provoqué une levée de boucliers au Grau-du-Roi, derrière Charly Crespe et l’association Lou Fanal qui ont réussi, pour l’instant, à ralentir le projet, aussi vertueux soit-il.
"Ouvrons Aigues-Mortes"
Le maire d'Aigues-Mortes, qui prend son bâton de pèlerin chaque jour afin d'éviter la fermeture de classes d'écoles ou même du bureau de poste, affiche une posture particulièrement protectrice à l'égard de sa ville : " Ouvrons Aigues-Mortes, afin d'alimenter les crèches, les écoles... Notre commune a besoin absolument de sang neuf. Nous sommes déjà très indépendants en termes d'emplois et ce sont des entrepreneurs, des agriculteurs et des start-up que nous souhaitons accueillir avec ce projet dans les années à venir ", confie Pierre Mauméjean.
Alors que le projet apparait comme un compromis doux entre les générations et particulièrement respectueux de l'environnement, la question est cornélienne. Comment sauvegarder la vie de la cité en ajoutant des logements tout en préservant la biodiversité, les habitants, et le bien vivre-ensemble ? C'est le défi vertueux et considérable auquel s'est attelé Pierre Mauméjean et son équipe.