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Publié il y a 11 mois - Mise à jour le 04.12.2023 - Corentin Corger - 4 min  - vu 1759 fois

FAIT DU JOUR Yohan Lastre : une étoile cévenole qui brille à Paris

Le Saint-Mamertois a travaillé dans plusieurs célèbres restaurants de la capitale.

- Corentin Corger

C’est dans son arrière-boutique à deux pas de la tour Eiffel, où il a même vécu un temps, que Yohan Lastre nous a reçu. Le natif de Saint-Mamert a conquis la capitale et dirige aujourd’hui Lastre sans apostrophe, une boutique de traiteur haut de gamme située dans le VIIe arrondissement de Paris.

« Je suis une vieille branche comme on dit chez nous », plaisante l’intéressé au moment d’évoquer son âge avec un accent gardois qu’il n’a jamais perdu malgré le temps qui passe. À 44 ans, Yohan a bourlingué et présente un parcours qui force le respect. Sa passion pour la cuisine trouve son origine de les grandes tablées en famille le dimanche, avec le souvenir encore vivace des tomates farcies de sa maman. Cet élève un peu turbulent et redoublant, intègre à 16 ans un CAP cuisine à l’Étincelle (aujourd’hui lycée Voltaire) à Nîmes. « C’est le seul établissement qui a voulu de moi. »

Yohan a trouvé sa voie. Diplôme en poche, il apprend le métier en Écosse avant d’intégrer la cour des grands et le célèbre restaurant Le Ritz à Paris. Le Gardois débarque pour la première fois dans la capitale et découvre le métro. « À part un bus TCN, je n’avais rien pris d’autres ! » Trois ans de travail intense et un souvenir impérissable : « C’était extraordinaire ! Même si on m’a jeté des assiettes à la gueule mais je me suis surpassé. Aujourd’hui, on n’apprend plus le goût de l’effort aux jeunes. Je ne suis pas pour les coups de fouet mais transpirer parfois ça fait du bien. »

Yohan avec son trophée de champion du monde de pâté en croûte. • © Lastre

Maison Astor et Tour d’Argent

Le Saint-Mamertois a les dents qui rayent le carrelage de la cuisine et décide de se lancer dans les concours. Il remporte le trophée Escoffier qui récompense les jeunes talents puis le trophée national de cuisine et de pâtisserie dont il sera jury, une vingtaine d’années après l’avoir gagné. Yohan, qui rêvait de travailler pour Pierre Gagnaire, suit son mentor Laurent Delarbre (Meilleur ouvrier de France) à la Maison Astor pour devenir chef de partie puis sous-chef. « C’est ma plus belle évolution en tant que cuisinier. »

L’ascension ne s’arrête pas là et pendant cinq ans, Yohan vit un rêve éveillé à la Tour d’Argent, « un restaurant mythique dans le monde entier ». En tant que numéro 2, il doit manager toute une brigade. « Je ne suis pas un conn*** qui gueule pour rien. Mais il faut savoir asseoir une certaine autorité. Je demandais beaucoup mais je savais être reconnaissant. Je pense être humain », confie l'ancien footeux amateur du club de Saint-Géniès-de-Malgoirès.

Champion du monde de pâté en croûte !

En 2012, Yohan rencontre sa femme Marion, alors ébéniste, qui va le suivre dans un projet particulier. Lassé des concours classiques, le chef tente sa chance pour le concours du meilleur pâté en croûte après une rencontre avec Jean-Michel Bannwart, un MOF charcutier. Après neuf mois d’un travail acharné, il décroche la timbale et devient champion du monde de pâté en croûte. « J’ai eu deux enfants depuis mais c’est mon premier bébé ! » En utilisant la technique de la marqueterie, il reproduit sur son pâté les animaux dont il a utilisé la viande.

« Quelques semaines avant, on s’est dit, si on gagne le concours, on ouvre notre boutique », confie le cuisinier. Pari tenu ! Yohan quitte la Tour d’Argent et en 2016 il ouvre Lastre Sans Apostrophe. Un traiteur qui propose une cuisine comme à la maison avec une large gamme disponible : des carottes râpées, un flan mémé (recette gardoise) sans oublier le choix entre plusieurs recettes de pâté en croûte.

Le seul à Paris à faire la fougasse aux gratons

Fier de ses origines gardoises, il a créé le grand pâté en croûte, en complément du célèbre petit pâté, composé de brandade de morue. De leur produit phare, Marion et Yohan ont même publié un recueil de 60 recettes. « Je suis aussi le seul à Paris, à faire de la fougasse aux gratons de cochon. Je les prends à Castillon-du-Gard », souligne-t-il avec chauvinisme. Dans sa boutique, de nombreux produits sont mis à l’honneur : « Je m’inspire autant de chez nous que de l’Alsace, tant que c’est bon ! »

À Paris, Lastre s’est fait un nom pour sa cuisine de qualité mais aussi pour sa personnalité. « Je parle peut-être un peu fort ! Mais certains clients restent 35 minutes, on est un vrai lieu de sociabilisation », savoure-t-il alors qu’il retrouve dans ce quartier une ambiance de village. Limité par le local actuel, Yohan aimerait s’agrandir pour offrir un meilleur espace de travail aux 11 salariés de la société. « Comme on peu de capacité de stockage, on est les artisans les plus fermés de France. On ouvre que 30 heures par semaine. »

« Attraper des taureaux et prendre des cuites au pastaga »

Fier de voir son bébé grandir, le Cévenol a réalisé récemment d’importants travaux. « Je ne veux pas rouler en Porsche mais si on peut être un peu à l’aise au niveau de la trésorerie ça serait top », pose-t-il. Alors pour développer son activité, il a lancé les envois par Chronofresh aux quatre coins de la France. Yohan aime aussi partager ses créations sur le réseau social Instagram en postant chaque jour une recette. Il est suivi par plus de 30 000 abonnés.

Passionné et motivé par l’envie d’innover, le quadragénaire fait sa propre moutarde, utilisé lors de la finale du Bocuse d’Or, son vinaigre et même sa propre pâte à tartiner : le Nutelastre ! Outre la boutique parisienne, le couple vient d’acquérir des terres en Normandie et y fait du maraîchage. Des fruits à retrouver en confiture au point de vente. Leur rêve serait à terme d’y ouvrir une table d’hôte en proposant de la cuisine au feu de bois. Mais Yohan ne veut pas se prendre la tête et continue de profiter à fond à l’image de sa participation au concours du meilleur œuf mayonnaise où il a terminé troisième.

Le gardois n'oublie jamais ses origines ! • © Lastre

« Mes parents m’ont donné les bons outils pour avancer dans la vie et il n'y a que le travail qui paye », résume-t-il quand il fait le bilan sur sa carrière. « Mais cela ne m’a pas empêché d’attraper des taureaux et de prendre des cuites au pastaga », conclut-il le sourire aux lèvres.

Corentin Corger

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