FAIT DU SOIR Jean-Claude Golvin illustre la Nemausus antique
Jean-Claude Golvin et ses recherches s'exposent au Musée de la romanité jusqu'au 5 mars. Une exposition à voir et à revoir, une illustration de la Nîmes antique qui donne à découvrir une cité magnifiée et quasi-réelle.
On se croirait revenu au coeur de la Nemausus que l'on rêve tous secrètement de visiter pour de vrai. La nouvelle exposition temporaire du Musée de la romanité offre une balade en images, une immersion en aquarelle, une promenade bien réelle dans les rues de la ville. Pour cela et si vous êtes curieux ou simplement amateur d'art, prenez le temps de prendre le temps. On ne visite pas cette exposition à la va-vite tant le travail fourni est minitieux et s'aventure jusque dans les moindres détails.
C'est un travail pharaonique et pourtant il porte sur l'Antiquité romaine à Nîmes. Jean-Claude Golvin est un grand monsieur qui s'est entouré, pour l'occasion, d'autres pointures dans le domaine de l'archéologie.
Pour le conservateur du musée, Nicolas de Larquier : "C'est ma première exposition et j'y tiens ! Nous avons pris le parti du dialogue entre archéologie et architecture, entre la science et l'art. Chaque image est immersive, c'est de la médiation culturelle pure ! Cela aide à mieux comprendre le patrimoine nîmois à l'heure où la restauration de l'amphithéâtre commencée en 2009 s'achèvera en 2034."
Comprendre le patrimoine c'est sûr, mais pour comprendre l'auteur des faits, une biographie est accessible en début d'installation. L'installation, parlons-en. Une muséographie plutôt sympa, mêlant oeuvres agrandies (première partie) et faux chantier (deuxième partie) avec la présence d'échafaudages imprimés.
C'est d'ailleurs dans cette bio que l'on comprend comment Jean-Claude Golvin est arrivé à devenir le dessinateur de l'Antiquité romaine. Il a soutenu sa thèse en 1984-1985 sur la compréhension d'un amphithéâtre.
"Je suis architecte, je propose aux archéologues et on vous présente ce qu'il y a de mieux aujourd'hui ! On ne présente que les choses dont on est certain de leur état à l'époque. c'est un travail rigoureux des chercheurs et de mon côté je suis force de propositions." Pour l'artiste, même la critique malveillante a des vertus : elle pique, force à réagir et à combattre.
"Nous devons tenir compte du temps qui passe, il faut du temps pour convaincre, l'erreur serait de ne rien proposer et de ne pas avancer. Là, on se rapproche de l'intérêt de faire une telle exposition. Au siècle dernier, en tout cas lors du dernier quart du XXe siècle, tout a été accéléré et nous devions suivre. L'image devenait un principal vecteur de communication mais comment suivre ?"
Ce que vous allez voir, et Jean-Claude Golvin le précise, n'est pas une illustration de la Nemausus de l'époque, c'est la Nemausus de l'époque ! Ça fait plus que ressembler à Nemausus, c'est un modèle théorique qui fonctionne, qui aide à une meilleure appréhension pour le grand public et qui permet bien souvent d'aider aussi les archéologues dans leurs hypothèses.
C'est grâce à Bettina Célié, responsable du pôle patrimoine à la Mairie, que cette expo a pris forme. Pour Marc Célié, archéologue à l'Inrap : "Au départ, c'est via le Centre d'interprétation de l'architecture et du patrimoine que l'expo a débuté. Collaborer avec Jean-Claude Golvin est un bonheur ! On transmettait l'état de nos connaissances de cette ville antique de Nîmes via nos plans et le résultat est magnifique grâce aux travaux établis. C'est sur les trames urbaines que Jean-Claude a basé son travail."
Pour l'artiste architecte et un peu archéologue à sa manière : "Nous étions en accord sur le portrait robot de la ville. Nous nous sommes bien renseignés pour Nîmes car il fallait que nos représentations fonctionnent. Je travail un peu comme un urbaniste, une ville est toujours complexe mais notre proposition n'est ni naïve ni simpliste. Nous avons suivi des règles connues pour les constructions de ces cités et notre plan est devenu consistant au fil des réunions de travail. En ajoutant les perspectives, les dénivellations, les couleurs et les personnages, le rendu est agréable."
Deux ans de réunions pour 50 oeuvres dont de très nombreuses aquarelles en grand format. D'autres médias viennent aider et soutenir la lecture de cette cité antique. De la vidéo, des écrits, des cartels. "La ville a tous ses principaux organes, y compris son théâtre principal dont on ne connaît pas tout à fait l'emplacement", assure Golvin.
Le but de l'exposition est réellement d'offrir une sensation nouvelle au visiteur. Une promenade, une balade. C'est dynamique, il y a de l'action dans chacune des oeuvres. Le visiteur peut ainsi passer des heures et des heures à fouiller les moindres détails. Il pourra aussi sourire devant quelques clins d'oeil. Oui, il n'y a probablement jamais eu de crocodiles à la Fontaine mais bon... Ça fait rigoler de les voir ! Perdez-vous dans ce genre de détails !
La première partie de l'expo est donc une promenade au fil des rues nîmoises. La seconde précise ce que l'on sait de notre amphithéâtre, le mieux conservé au monde romain. "Celui que l'on voit aujourd'hui a sans doute été construit sur un plus ancien en bois. L'amphithéâtre d'Arles ressemble beaucoup à Nîmes, mais il est moins bien conservé. Pour que tout soit juste dans les plans, il m'a fallu trouver le tracé spécial emprunté par l'architecte qui a bâti l'amphithéâtre nîmois."
Une forme elliptique, forcément, mais d'autres subtilités viennent s'ajouter à la complexité de l'édifice public nîmois. "Nîmes est assez original ! Il y a quatre axes différents, des centres multiples. C'est valable sur le terrain mais aussi sur le dessin. Ici, tout est à sa place comme les rouages d'un mécanisme d'horloge. C'est le cas pour chacune des étapes du chantier que nous détaillons. On comprend plus facilement la manière dont se déroulait un chantier d'une telle ampleur."
Ainsi, et c'est une petite découverte, un chantier se déroulait de manière symétrique, partant du milieu d'un petit axe, sud à Nîmes, pour s'achever au milieu de l'autre petit axe, par la porte aux avant-corps de taureaux. Le chantier a dû durer une génération, entre 20 et 25 ans. "C'est le concours Lépine à chaque fois ! On doit résoudre une foule de problèmes mais c'est excitant de vaciller entre recherche et communication", conclut Jean-Claude Golvin.
Musée de la romanité, face aux arènes, entrée 9 euros pour les expositions permanente et temporaire.