Publié il y a 4 h - Mise à jour le 29.04.2025 - Sabrina Ranvier - 5 min  - vu 240 fois

LE DOSSIER Dinosaures, pains rouges… On a testé un fast-food « préhistorique »

Ce velociraptor (photo) sort à 13h30 tous les mercredis ainsi que tous les jours en période de vacances scolaires.

- Sabrina Ranvier

Philippe Lopez, propriétaire de Dinopedia Park, a ouvert « The Big Rex » en octobre dernier à Alès.

Son air carnassier, ses longues canines acérées, son teint verdâtre et les grognements qu’il prononce en continu auraient de quoi faire fuir la clientèle. Mais c’est l’inverse qui se produit. Mercredi 9 avril, bon nombre de familles sont attablées à « The big Rex », le fast-food implanté sur la rocade alésienne. Pour franchir la porte, on passe sous un arc formé par deux gigantesques canines incurvées. Puis on pose ses pieds sur un paillasson où on compare ses pieds à une empreinte de T Rex taille réelle. Le plafond, noir, dégouline de plantes vertes en plastiques, de squelettes de dinosaures. La bande originale du film Jurassic Park flotte. On peut même manger sous une tête de T-Rex, qui remue et grogne d’un air menaçant.

Miel des Cévennes et châtaignes

Le pain du burger T Rex est rouge vif. Celui du Big Cévennes est strié de rayures marron. Les burgers sont goûteux. Dans le big Cévennes on échappe au sacro-saint cheddar, astucieusement remplacé par du chèvre parsemé de morceaux de châtaigne et agrémenté de miel. À 13h30, les lumières se tamisent et la musique s’électrise. Une nuée d’enfants se précipite vers la porte. Un vélociraptor d’un bon mètre 85 de haut entre en grimaçant. Tous veulent le toucher. Une petite fille blonde, installée dans les bras de sa maman le regarde mi-effrayée, mi-fascinée. La bestiole sort tous les mercredis, hors période scolaire, et tous les jours des vacances à 13h30 pile. Lamisse, 41 ans, tourne autour de ce dinosaure pour le filmer. « On dirait un vrai », s’amuse-t-elle, aussi joyeuse que ses deux filles. Elle habite dans le quartier du mas de Ville à Nîmes, sur la route de Beaucaire. C’est son amie Cindy, 38 ans, qui l’a convaincue de venir découvrir ce drôle de fast-food. Elles sont venues de Nîmes exprès. « C’est la deuxième fois que je viens. Je l’ai découvert sur Facebook, explique Cindy. Pour les enfants c’est super. » Malek, 8 ans, la fille de Lamisse, confirme : « Même les poubelles sont top ! » Du doigt, elle désigne un dinosaure qui sort de son œuf et ouvre la gueule pour avaler les canettes. Diego, 4 ans, le fils de Cindy, énumère les dinosaures. Dans chaque menu enfant, il y a une entrée enfant gratuite au parc Dinopedia de La Grand'Combe. Cindy compte bien utiliser la sienne. Mia, 67 ans, qui a emmené ses trois petites filles manger au Big Rex, va peut-être y aller : « Cela peut les occuper. » Johanna, 37 ans, travaille dans l’immobilier. En termes de goût, elle n’est pas « hyper fan » des burgers du Big Rex, mais elle trouve le concept « hyper original ». Sur ses genoux, sa petite Emma 5 ans et demi déguste une longue sucette entourée d’une peluche dinosaure. Elle est vendue 9,90 euros en supplément du menu p’tit Rex.

Une question de prix

Tiphaine, sa grande sœur de 18 ans, trouve que « c’est cher » et que « l’on paie le cadre ». Même si elle a bien ri, Lamisse ne souhaite pas revenir, c’est « trop cher » pour son budget. Pour les petits, il faut compter 6,90 euros pour un menu T-Rex. Pour les adultes, le menu Big Cheddar est à 13,90 euros et le Big Cévennes, 15,90 euros. Si on pousse un « Grrr » en passant commande au Drive, la maison promet 10 % de réduction. « Les gens le font, assure une serveuse. Ils y mettent tout leur cœur. »

Fast-food : la contre-attaque nîmoise

Pour lutter contre l’implantation de la junk food, la ville de Nîmes n’hésite pas à préempter des commerces.

Valentine Wolber, adjointe déléguée aux Commerces, à la redynamisation du centre-ville et au personnel municipal. • © Coralie Mollaret

En haut du boulevard, un monument fraîchement inscrit au patrimoine mondial de l’Unesco. En bas, un amphithéâtre romain vieux de 2000 ans. Au milieu, on trouve Big Fernand, un fast-food où on mange des « Hamburgés » portant des prénoms désuets comme « Philibert » ou « Bartholomé ». Pour ceux qui préfèrent l’exotisme, on peut pousser, une cinquantaine de mètres plus bas, la porte de Pitaya, restaurant de « street food thaï ». Il est tout prêt d’O’Tacos et du petit dernier, le fast-food KFC. Lui est installé pile en face le lycée Daudet. Il est le seul à ne pas avoir de table à l’extérieur. La Ville ne leur a pas délivré d’autorisation pour installer une terrasse. « L’espace est exigu. Il y a par ailleurs des arceaux pour vélo… », indique Valentine Wolber, adjointe en charge du Commerce. La Ville de Nîmes n’était « pas favorable » à l’ouverture d’un KFC à la place de la supérette qui se situait à 50 mètres des arènes.

Liberté du commerce

Mais les moyens des collectivités pour lutter contre la prolifération des fast-food sont limités. Les municipalités ne reçoivent pas de demande d’ouverture de fast-food car elles ne gèrent pas les ouvertures de commerces. « Il y a une liberté d’entreprendre en France qui prive la collectivité de toute ingérence dans la liberté commerciale, décrypte Valentine Wolber. Les fast-food peuvent donc s’installer là où ils le souhaitent selon le bon vouloir du propriétaire qui leur cède le bail. » Cela a été le cas avec le KFC en face de Daudet. Que faire ? « Il peut y avoir une vigilance accrue des services techniques sur les obligations quand il y a des travaux, sur les demandes particulières en lien avec l’utilisation du domaine public, mais nous ne pouvons pas aller au-delà de ces compétences », complète-t-elle. La Ville a donc refusé les autorisations de travaux et le permis d’aménager du KFC face au lycée Daudet. Mais il a réussi à ouvrir car le porteur du projet a attaqué ces décisions et obtenu gain de cause devant le tribunal administratif. Le KFC a pu ouvrir fin 2022.

Droit de préemption pour bloquer un restaurant de bagel

Par contre, la Ville a réussi à bloquer l’installation d’un restaurant de bagel à emporter à proximité de la Maison Carrée en utilisant la préemption. Elle a préempté le fond de commerce en décembre 2021. Elle a acquis le droit au bail de ce local situé au 18 rue du Général Perrier, pour 50 000 euros. L’ancien local de Pink Shoes est aujourd’hui exploité par la société Provency. Elle propose une enseigne mixte : Banana Moon en saison estivale et Pyrenex en hiver.

KFC, déjà présent sur le boulevard périphérique nîmois, a ouvert fin 2022 en centre-ville. Cet emplacement a abrité le Crédit Foncier puis une supérette. • © Boris de la Cruz

En mars 2024, la Ville a aussi préempté pour 28 000 euros un commerce au 9 rue Général-Perrier pour éviter l’installation d’un magasin d’achat-vente d’or. Maria et Rosa, un concept store d'articles italiens en maison et habillement, devrait ouvrir à cet emplacement cet été. L’idée était d’ « empêcher la prolifération de la fast fashion, des restaurants de fast-food ou de commerces éphémères non choisis », mais c’était aussi une façon de « soutenir les magasins alentour ». Mais la préemption n’est pas l’arme absolue. « La préemption n’est possible qu’en cas de cession de fonds de commerce. S'il y a une simple location, ça passe entre les mailles du filet, précise l’élue. Dans le cas d’une cession, nous sommes avertis et nous avons un délai pour préempter. »

Sabrina Ranvier

Gard

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