« Il vaut mieux un bon sandwich jambon-beurre dans du pain fait maison »
Objectif Gard : Deux Mc Donald’s se sont implantés dans des villages gardois. Il y a des projets d’ouverture de Burger King à Saint-Christol-lez-Alès et à La Calmette. Vous venez d’être réélu président de l’Union des métiers et des industries de l'hôtellerie (UMIH) du Gard, que pensez-vous du fort développement des fast-food dans le Gard ?
Éric Bouget : Je suis contre et on est contre la malbouffe. On a déjà dans le Gard le label militants du goût. L’État et l’UMIH national ont mis en place le label « fait maison ». Ici, dans le Gard, l’UMIH 30 va lancer son propre label "Re-Gard Paysan" pour promouvoir les circuits courts. Ce sera signé avant ou après la feria de Nîmes. On travaille en collaboration avec la Chambre d’agriculture et la CCI. Pour en bénéficier, il faudra que les hôtels, restaurants aient 50 % de vins gardois et des produits de première nécessité, fruits, légumes gardois. C’est un label qui favorise les circuits courts qui vont du producteur au restaurateur.
McDo vise maintenant les villages. Le directeur marketing de ce groupe confiait le 21 mars au Figaro, qu’il voulait que les gens aient « un McDo à moins de 20 minutes de chez soi ». Jérôme Fourquet, de l’IFOP, interrogé par BFM TV, indiquait que la stratégie du groupe était de devenir « le nouveau bistrot du coin ». Cela vous effraie ?
Nous, on se bat pour que le petit bar puisse continuer à faire sa bavette à l’échalote. Le développement des fast-food dépend des régions. Dans l’Aveyron, il y en a deux : un à Milhaud et l’autre à Rodez. Tout dépend des territoires. En général, il y en a beaucoup dans les agglomérations où il y a beaucoup de gens. S’ils se sont installés dans un village comme Saint-Geniès-de-Malgoirès, c’est qu’ils ont fait une étude de marché. Ils ne travaillent pas à perte. Mais peut être qu’à l’inverse, l’ouverture d’un Mc Donald’s à proximité d’un bar peut lui emmener de la clientèle. Si sur 100 personnes qui vont au Mc Do, dix se disent que c’est mauvais et, qu’en sortant, ils passent devant l’ardoise du café qui propose pour 12 euros une blanquette de veau et de la mousse au chocolat maison, ils pourront avoir envie de s’arrêter plutôt au café, la fois suivante.
Mais Mc Donald’s est imbattable sur les prix. Il propose un menu à 5 euros. Ce qui peut faire pencher la balance en période de forte inflation…
Si vous ajoutez 2 euros, vous aurez un bon jambon-beurre avec des cornichons, dans du pain fait maison. On peut manger un très bon kebab, car cela reste artisanal. Dans mon département, je me bats pour qu’il y ait des produits frais plutôt que surgelés. Cette mal-bouffe me rend fou. Mais je pense que cela évolue. Beaucoup de jeunes de la génération Z préfèrent bien manger, s’acheter un bon steack.
« Notre consultation de surpoids et d'obésité infantile au CHU explose de demandes »
Objectif Gard : Un McDo a ouvert à 500 mètres du collège de Saint-Geniès en mars. Un Burger King est en construction face au lycée de Saint-Christol-Les-Alès. Est-ce que cette série d’ouvertures de fast-food face à des établissements scolaires vous alarme ?
Tu Anh Tran : Oui. S'il y a un fast-food tout près de leur établissement scolaire, les jeunes sont tentés par cette « junk food » facile à avaler, qui a peu de valeur nutritive et qui est difficile à digérer pour l'organisme.
Un article publié dans la presse locale en 2015, évoquait 17,6 % d’enfants en surcharge pondérale en Languedoc-Roussillon et 4,2 % en situation d’obésité. Le Gard est-il un des départements les plus touchés en France par l’obésité et la surcharge pondérale chez les jeunes ?
Le Gard est dans les cinq départements les plus touchés en France par ce fléau. Le pourcentage augmente de façon continue depuis 10 ans. Notre consultation de surpoids et d'obésité infantile au CHU depuis 10 ans explose de demandes et les délais d'attente pour être pris en charge sont de plus en plus longs. Il en est de même dans le Groupement hospitalier de territoire qui comprend Alès et Bagnols-sur-Cèze.
Quelles sont les causes de la surcharge pondérale et de l’obésité des enfants et des adolescents ? La malbouffe ? Le manque d’activités ?
Sur un terrain génétique de prédisposition (c’est 35 % de la population), un environnement défavorable, à savoir des stress toxiques, un manque d'activité physique et une nourriture abondante, trop calorique et salée à portée de main, conduit tout droit au surpoids et à l'obésité.
Quels conseils pourriez-vous donner ? Ne jamais aller au fast-food ? Y aller avec modération en excluant certains produits ?
Le fast-food chez les jeunes c'est une mode, une façon d'être sociale, une culture imprégnée d'influence américaine. Il est difficile d'empêcher les jeunes d'y aller car c'est une des voies d'intégration dans le groupe d'adolescents, de convivialité. C'est pourquoi il faut encourager les pouvoirs publics à faire installer les fast-food loin des écoles et lycées pour que les jeunes ne les fréquentent qu'en temps libres, comme une "sortie du week end" entre potes. Donc une fois par semaine et pas tous les jours.
Quelle alternative proposer aux ados ?
Il faudrait parallèlement développer de la bonne nourriture comme on sait très bien la faire "à la française" goûteuse, variée et savoureuse. Il faut que ce soit abordable en prix pour les jeunes car les fast-food savent faire des menus à "prix étudiant", moins chers que le prix des repas à la cantine, pour les attirer.
Faut-il développer la prévention ?
Il faut surtout éduquer dès le plus jeune âge à bien manger sainement et lentement pour apprécier non seulement la nourriture, mais aussi le travail de ceux qui labourent la terre pour nous nourrir et avoir de la reconnaissance pour eux. Manger sainement, c'est aussi savoir qu'un bon produit vient d'une terre saine à protéger et ne pas faire n'importe quoi avec cette terre, notre maison commune qui est actuellement en danger. Éduquer, c'est apprendre aux enfants et aux jeunes à regarder, à sentir l'odeur de la nourriture, à bien la goûter en mâchant avant de l'avaler pour apprécier ce cadeau que la nature nous donne.
On doit aussi leur conseiller d’avaler lentement la junk food ?
Inviter un jeune à boire lentement un verre de Coca-Cola gorgée par gorgée en passant bien le produit sur la langue est la meilleure façon de le faire dégoûter de cette boisson, si de surcroit il le boit à température ambiante : c’est trop, trop sucré, imbuvable ! Donc ralentir pour être conscient de ce qu'on est en train d'absorber, pour savoir si c'est bon ou non pour notre corps.