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Publié il y a 1 an - Mise à jour le 15.11.2023 - Sabrina Ranvier - 5 min  - vu 1356 fois

LE DOSSIER Les histoires de famille de l’économie gardoise (partie 2)

Pour les 80 ans de son père Guy, Vincent Bastide lui a offert une 4 L fourgonnette identique à celle de ses débuts. 

- © Bastide Confort médical

(Suite et fin de nos articles de 7h et 10h). 250 000 visiteurs déambulent chaque année à la Bambouseraie. Mais connaissent-ils Muriel Nègre, sa fille Valentine et la saga familiale qui se cache derrière ces 210 variétés de bambou ? Dans les années 60, on démoustique la Camargue, on développe des stations balnéaires. Un certain Ernest Penchinat se lance dans la construction de résidences secondaires. 60 ans plus tard, deux de ses petits-fils et trois de ses arrière-petits-fils gèrent cette entreprise qui construit des résidences Villégiales. Les filles de la famille forment le conseil de surveillance de cette société 100% familiale… La holding Tissot est spécialisée dans l’immobilier de bureau et d’entreprise. Ses dirigeants ont tous un air de famille et la même carrure de rugbyman… Guy Bastide, n’est pas du genre à faire des compliments. Mais, à 84 ans, il félicite son fils Vincent pour avoir fait entrer Bastide médical dans une dimension internationale.

Les Bastide, développement d’une multinationale en famille

Pour ses 80 ans, Guy Bastide, fondateur du groupe Bastide, a reçu une 4L fourgonnette blanche. « Je l’ai achetée d’occasion et je l’ai faite redécorer comme celle qu’il avait à l’époque où il a lancé l’entreprise », confie son fils Vincent, PDG de cette société gardoise qui emploie 3 756 personnes.

Guy Bastide, natif de Rodez, débute comme pharmacien. Avec son épouse, ils s’installent en 1975 à Nîmes. C’est elle qui est titulaire de la pharmacie. « Personnellement, je voulais faire autre chose. J’avais l’ambition de créer une entreprise en m’appuyant sur mes connaissances », indique Guy Bastide. En 1977, il lance une société de services pour appareiller les insuffisants respiratoires. Dans le secteur d’Alès, bon nombre de mineurs ont les poumons encrassés par la silicose. Guy Bastide travaille avec l’association APARD et le CHU Guy-de-Chauliac à Montpellier. Il doit être disponible 24h/24. « On me réveillait la nuit. C’était un peu stressant. J’étais seul, j’allais à domicile. Les appareillages étaient lourds, se souvient-il. J’allais au lit du patient. C’est extrêmement intéressant ce sentiment d’aider ses concitoyens. »

Trois générations de Bastide : Guy, le fondateur, Vincent, l'actuel PDG, et son fils aîné Adrien. • © Bastide Confort médical

Famille de pharmaciens

Guy et son épouse ont trois enfants. Les deux aînés suivent d’abord des études de pharmacie. Vincent, le petit dernier, aujourd’hui âgé de 54 ans, intègre une école de commerce puis passe 16 mois dans une entreprise à Londres. « Il y en avait deux dans la famille qui n’étaient pas pharmaciens : le chien et moi », plaisante-t-il. En 1995, contrairement à ses aînés, il intègre l’entreprise familiale. Bastide médical emploie alors 70 salariés. La société entre en bourse en 1997. « Vincent s’est toujours beaucoup intéressé à l’entreprise. Il s’est d’abord occupé de l’agence de Nîmes puis a franchi les étapes progressivement », précise son père. En 2011, il est nommé directeur général. Il est aujourd’hui PDG. À 84 ans, son père a toujours un bureau mitoyen au sien. « J’y passe la moitié de mon temps. Je pense que jusqu’à la fin je m’y intéresserai. Mais aujourd’hui, j’ai la position du sage de l’entreprise à qui on peut demander son avis », glisse-t-il un sourire dans la voix.

Il l’avoue, il n’est pas du genre à faire des compliments. Quand le travail est bien fait, c’est normal, inutile de le dire. Pourtant quand on lui demande ce qu’il pense de son fils, il énumère spontanément des qualités : droit, franc, direct, très volontaire, à l’écoute… « Il n’avait pas de limite comme moi. Il a permis une vision internationale, moi j’avais une vision franco-française. » Aujourd’hui, Bastide a en effet huit filiales à l’étranger et son chiffre d’affaires au 30 juin 2023 était de 508 M€.

Face à cette avalanche inattendue de compliments, le fils est un brin gêné. Il met en avant un père passionné, puis, il évoque ses propres défauts : « Je pense que parfois je suis un peu exigeant et dur. C’est un atavisme familial. » Lui qui n’est ni médecin ni pharmacien se réjouit que son entreprise puisse, avec ses équipements, améliorer la vie de personnes souffrant d’apnée du sommeil ou de diabète.

Adrien, son aîné, âgé de 20 ans, étudie à Montpellier Business School. Rejoindra-t-il l’entreprise ? « C’est un peu tôt pour le dire, je ne ferme pas la porte », répond l’intéressé. Son frère Édouard est en terminale. « Il ne faut pas se contraindre », reconnaît Vincent. « Oui il faut l’envie, renchérit Guy. Une entreprise familiale c’est une opportunité mais c’est quelque chose de lourd. »

En attendant, le patriarche profite avec Adrien du deuxième cadeau reçu pour ses 80 ans : une DS 21 comme celle qu’il adorait dans sa jeunesse

Les Tissot, rugbymen entrepreneurs

Samedi 28 octobre, 21h, Pierre Tissot et ses quatre fils, sont injoignables. Ils assistent à la finale de la Coupe du monde au Stade de France. Le rugby c’est sacré pour ces entrepreneurs nîmois. Pierre qui a fondé en 1992 la holding Tissot, spécialisée en immobilier de bureau et d’entreprise, a pratiqué ce sport une dizaine d’années. Même s’il fait aujourd’hui partie du conseil d’administration du club de rugby de Montpellier, il a été formé à Nîmes.

Son père, Jacques Tissot, faisait manger gratuitement les juniors du Rugby club nîmois dans son restaurant. Il a entraîné chacun de ses petits-fils. « Il nous a accompagné partout pour nos tournois », se souvient Romain, 43 ans, qui fait partie des vice-présidents du RCN. Nîmes, Aix, Bédarrides… Les quatre frères ont joué dans divers clubs. Trois se sont frottés au haut niveau au Montpellier Hérault Rugby club.

Chacun son poste

Dans cette fratrie de solides gaillards, on trouve des piliers, un demi d’ouverture, des troisième ligne… Dans la holding, chacun son poste, chacun sa filiale mais un objectif commun : faire avancer l’équipe. « On se construit chacun de manière indépendante avec l’ambition de développer le groupe mais chacun reste maître de sa société », résume Romain. Lui gère Tissot immobilier. Benoît, 45 ans, s’occupe de Tissot coordination en charge de la maîtrise d’ouvrage. Nicolas, 41 ans, dirige Tissot électricité. Olivier, 37 ans, a créé Fimoprom, spécialisée dans les montages financiers des projets immobiliers. Il a aussi développé Tiss park qui fait de la gestion de stationnement et Facilitiss qui comprend des services de nettoyage.

Le PDG de la holding est Pierre Tissot. Titulaire d’un CAP d’électricien, il a d’abord lancé en 1979 Tissot électricité, puis Tissot climatisation. En 2001, lorsqu’il les revend à SPIE, elles regroupent une centaine de collaborateurs. Lui se recentre sur la holding Tissot spécialisée en foncière d’investissement et en promotion immobilière. Aujourd’hui, elle a une centaine d’employés et un chiffre d’affaires de 55 M€. « C’est impressionnant, admet Romain. Mais quand on avait une quinzaine d’années, on voyait les difficultés et l’investissement de nos parents Pierre et Elisabeth pour passer d’une année à l’autre. »

Les quatre frères rejettent l’étiquette d’héritiers. « Pendant les deux mois de vacances scolaires, il fallait qu’ils bossent un mois », pointe Pierre Tissot. « On faisait les manœuvres », confirment ses fils. Aujourd’hui, ils sont sereins : oui leur père a lancé une belle aventure, mais eux ont développé de leur côté. Ils ne travaillent pas exclusivement pour le groupe. « Je fais 3 ou 4% de mon chiffre d’affaires dans le groupe », témoigne Olivier. Ensemble, les quatre frères peuvent proposer différentes options : la construction d’un immeuble brut ou des formules plus poussées allant jusqu’à la gestion de syndics.

Les Tissot vont construire des bureaux au parc Georges-Besse. Avec GGL, ils vont réaménager l’ex-site de

l’EERIE ont un projet de construction d'une tour à la sortie d’autoroute… Ensemble, ils ont aussi racheté un ancien immeuble du conseil départemental. En attendant sa destruction, ils l’ont mis à disposition du Spot pendant presque deux ans. Brasserie, ateliers d’artistes… Cette association y avait aménagé un tiers lieu culturel coloré : le Vaisseau. Le loyer ? 1 500€ par mois pour 3 000 m2. « Richard Ortiz, administrateur du Spot, cherchait un lieu, raconte Romain. On le connait bien. C’est un ancien rugbyman. » Est-ce que la prochaine génération Tissot compte des amateurs de ballon ovale ? Pierre Tissot a neuf petits-enfants dont huit petites-filles. Seul son petit-fils pratique le rugby.

Sabrina Ranvier

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