NÎMES Jacqueline Vigne part en laissant un souvenir impérissable
Personnage discret de l’histoire, Jacquie s’en est allée. Jean-Paul Boré ne l’oublie pas.
« Jackie Vigne, grande résistante, vient de décéder. Sa famille a fait le choix de la discrétion pour ses obsèques car Jackie n’aimait pas les honneurs comme l’indique son fils Bernard » avertit Jean-Paul Boré président de la délégation gardoise de l’association des amis de la Fondation pour la mémoire de la déportation.
Elle fut une des fondatrices de l’AFMD dans le Gard en 1995, mais fut aussi vice-présidente et animatrice du CADIR (comité des associations de déportés internés résistants) où elle a assuré en particulier l’organisation du Concours de la Résistance et de la Déportation dans le Gard, sans oublier ses témoignages nombreux et appréciés dans les établissements scolaires gardois.
« Son parcours de femme, de Résistante est exceptionnel. Je pers une amie de ma famille de longue date, pour qui j’avais une très grande affection. »
Le texte suivant est extrait du CD-Rom « La Résistance dans le Gard »
Jacqueline Vigne est née à Sommières en 1926 et passe son enfance à Anduze où son père Paul Lapierre est le maire communiste de cette commune en 1935-1936. Durant l’Occupation, il accomplit ses activités de résistant. Son entreprise de travaux agricoles est réduite à néant mais il ne demande aucun dédommagement à la Libération.
Jacqueline fait ses études secondaires à Nîmes. En octobre 1940, son premier geste de résistance est de décrocher les portraits de Pétain, elle refuse de se rendre à la cérémonie du salut aux couleurs, de chanter « Maréchal nous voilà » et trace des « V » de la Victoire à la craie. Elle colle des affichettes où est écrit « A bas Pétain », « Pétain au poteau », participe à des distributions de tracts et de journaux. Elle se souvient avoir diffusé les poèmes de François la Colère (mais ne savait pas alors qu’il s’agissait d’Aragon).
Les derniers tracts distribués en juillet 1944 sont en langue allemande pour appeler les soldats à déserter. La famille Lapierre n’a jamais été inquiétée, la maison servait pourtant de boîte aux lettres ; la consigne était : « Tu n’as pas d’amis, tu ne parles pas, tu ne dis rien ».
Edmond Vigne (son futur mari) est né à Nîmes en 1925. Il fait partie d’un groupe arrêté pour avoir dérobé une ronéo (machine à tirer des tracts) aux Ets Lacour. Jugé avec ses camarades, il est condamné par un tribunal militaire à 20 ans de travaux forcés.
Libéré par un maquis, il rejoint alors un camp de Francs-tireurs et partisans français (FTPF) où il est désigné officier de liaison avec le grade de capitaine. Recherché, il est finalement arrêté par des gendarmes français qui le remettent aux Groupes mobiles de réserve (GMR) de Vichy qui vont le torturer au point d’en garder des séquelles jusqu’à la fin de sa vie. Il est ensuite interné dans la prison de Riom. Il se marie avec Jacqueline après la guerre et le couple part vivre à Paris puis à Grenoble.
Jacqueline travaille dans différents journaux jusqu’en 1959 date à laquelle ils cessent de paraître. Elle passe un concours de l’Education nationale et devient documentaliste (CDI). En 1983, après le décès de son mari, elle est mutée à Nîmes.
A la retraite, elle consacre toutes ses activités à transmettre les valeurs de la Résistance, elle devient secrétaire du CADIR (comité des associations de déportés internés résistants) où elle assure en particulier l’organisation du Concours de la Résistance et de la Déportation dans le Gard. Elle témoigne très fréquemment devant des élèves du primaire, du collège et du lycée.
Jackie avait justement accordé un entretien à Midi Libre et Objectif Gard en 2014 où elle témoignait de ce parcours exceptionnel où elle concluait par ces mots à propos de ses rencontres avec les élèves. « Je leur demande toujours quelles sont les valeurs de la République. Et ces jeunes savent aujourd’hui me répondre Liberté, Égalité, Fraternité. »
« À Bernard son fils et toute a famille je présente au nom de la direction nationale de l’AFMD et du Gard mes très sincères condoléances » conclut Jean-Paul Boré.