NÎMES L'héritage des Volques redécouvert au pied de la Tour Magne
Rue Rouget de Lisle, à Nîmes, les archéologues de l’Inrap ont mis au jour de part et d’autre d'une voie, de riches vestiges d’un quartier urbain mis en place dès la Protohistoire (au IVe siècle avant notre ère) et évoluant jusqu’à la fin du IIe siècle de notre ère.
Commencées en janvier, ces recherches conduites sur prescription de l’État (Drac Occitanie), à l’occasion d’un projet immobilier porté par la société Les Villégiales, se sont achevées en mai 2021.
Rappel historique
Nemausus était occupé par le peuple des Volques (Arécomiques). La fouille dégage des structures typiques par un plan en lanières protohistorique. Quelques pièces domestiques présentent des foyers. Des voies séparent les îlots et l’ensemble est bordée par une voie empierrée perpendiculaire, datée du IVe siècle av. J.-C. par du mobilier.
Le quartier bat son plein durant le Ier siècle av. J.-C. avec des édifications domestiques sur le modèle méditerranéen à cours et richement ornées de décors du second style pompéien au sol. Des autels votifs témoignent d’une pérennité des croyances celtiques. Au cours du Ier siècle, le quartier est délaissé et laisse place à des activités artisanales dont la céramique. Il est abandonné avant la fin du IIe siècle.
Ces découvertes donnent une vue d’ensemble sur l’évolution de l’habitat, de l’occupation et des pratiques sociales et architecturales durant six siècles en continu. La technique de la terre crue est majoritaire dans la construction, faisant appel à un savoir-faire professionnel et caractéristique des populations celtes du Midi de la Gaule.
Les archéologues dégagent des structures suivant un plan en lanières, de tradition protohistorique qui confirme l’hypothèse de l’extension de la cité des Volques (tribu gauloise occupant le Languedoc oriental) sur ce pan de colline. Ces installations, perpendiculaires à une voie empierrée, sont bien datées grâce à la découverte du mobilier céramique du courant du IVe siècle avant notre ère. Les îlots en lanières sont desservis par des espaces de circulation permettant également le drainage des eaux pluviales. Certaines des pièces exhumées, d’usage domestique, sont pourvues de foyers. Jusqu’à présent, de tels vestiges ont été très rarement observés dans l’enceinte de la cité de Nîmes, ce secteur de collines n’ayant pas fait l’objet de travaux archéologiques récents.
Entre tradition celtique et romanisation
La période comprise entre le début du Ier siècle avant notre ère et le règne d’Auguste (27 avant notre ère – 14 de notre ère) correspond à l’occupation la plus dynamique de ce quartier. Des maisons sont édifiées sur un modèle méditerranéen, pourvues de petites cours ou de jardins et abritant des pièces d’apparat aux sols bétonnés et richement décorées d’enduits peints du deuxième style pompéien (50 à 30 avant notre ère).
Dans une de ces maisons, deux petits autels votifs, dont l’un est dédié aux Proxumes, déesses gauloises, témoignent de la pérennité des traditions celtiques. Certaines maisons comprennent également des espaces dédiés au stockage de denrées (huile ou vin). Dans le même temps, vers le début du Ier siècle, la voie est soigneusement pavée. Enfin, entre le Ier siècle et le IIe siècle, la fonction résidentielle du quartier s’amoindrit au profit d’activités artisanales avec, notamment, la présence de fours pour la production de céramique. Les ultimes traces d’occupation semblent confirmer un abandon du quartier avant la fin du IIe siècle. Remis en culture, il ne sera plus urbanisé.
Nouvelles connaissances sur l'architecture en terre cuite
La mise en œuvre des maçonneries des domus fait appel à des techniques de construction en terre massive ou en briques crues. Si les parties basses des murs sont en pierres liées à la terre, l’essentiel de l’architecture fait appel à la technique de la terre crue (briques moulées, terre moulée empilée sans utiliser de coffrage ou un mélange des deux). Les sols sont eux aussi en très large majorité en terre. L’ampleur des travaux a nécessité un apport conséquent en matériau, fourni par des artisans travaillant dans des carrières alentours.
L’ensemble de ces constructions faisait appel à des corps de métiers professionnels, spécialistes du bâti en terre, technique ancienne bien maîtrisée par les populations celtes du midi de la Gaule. Cette technologie est encore bien présente durant l’époque romaine, trahissant longtemps l’héritage volque dans l’architecture de la cité.