Publié il y a 2 ans - Mise à jour le 20.06.2022 - pierre-havez - 4 min  - vu 12459 fois

AU PALAIS « C’est surréaliste : il parvient à se démenotter pour s’enfuir du tribunal, et court dans les rues de Nîmes, la police à ses trousses ! »

L'avocat nîmois Jean-François Corral. Photo Tony Duret / Objectif Gard

Polo blanc, barbe noire, Medhi a tout fait pour ne pas avoir à comparaître devant le tribunal correctionnel de Nîmes, allant jusqu’à s’évader de manière spectaculaire du palais de Justice. Contrôlé au départ pour une banale conduite sans ceinture de sécurité, il écope de deux ans d’emprisonnement.

Le 17 mai dernier, le jeune de 27 ans est contrôlé par la police, alors qu’il roule en Twingo, sur la voie de gauche, rue de la République, à Nîmes, sans ceinture de sécurité. Mais lorsque les policiers l’arrêtent, il glisse un objet sous une voiture et s’enfuit soudainement en courant, bousculant une policière contre un mur. Ceinturé par un autre agent, il est finalement mis au sol par deux policiers, mais continue à se débattre, refusant de se faire menotter. Sur lui, on retrouve un couteau à cran d’arrêt et, sous la voiture, un pistolet automatique de calibre 35 chargé… Et le lendemain, lors de son transfert au tribunal, trompe la vigilance de ses deux escortes et parvient à s’échapper, brièvement, dans la rue, avant d’être rattrapé.

« Armé comme un grand bandit… »

Au tribunal, mardi 14 juin, le président s’inquiète de la présence de cette arme qu’il a tenté de dissimuler lors de son contrôle. « Je l’avais achetée au Clos d’Orville pour 300 euros, mais à la base je voulais juste la vendre », soutient Medhi. Le juge insiste. « Ce n’est pas anodins, il ne s’agit pas de cigarettes, c’est une arme tout de même…, relance Jean-Michel Perez. Mais alors pourquoi y avait-il une cartouche chambrée dans l’arme à feu ? »

Le jeune feint l’étonnement. « Je savais pas du tout qu’elle était chargée, on me l’a donnée comme ça », répond-il. « Et l’arme blanche ? », s’enquiert le magistrat. « C’était un tout petit couteau », minimise encore le prévenu. Le juge n’est pas convaincu. « Vous comprenez que notre imagination galope quand on vous voit armé comme un grand bandit… », lâche-t-il.

« Il était là, sur le toit accroché à la gouttière ! »

Les doutes du juge sont confirmés par la suite des évènements. Présenté devant un juge nîmois qui prononce son incarcération, Mehdi parvient en effet à s’enfuir en courant du tribunal, au moment où il regagne le véhicule qui doit le conduire à la maison d’arrêt de Nîmes.

Le policier chargé de son escorte décrit la scène surréaliste qui s’ensuit. « Le sas de sécurité ne fonctionnait pas, j’ai donc reculé le véhicule au niveau de la grille des magistrats, et dans mon rétroviseur, je le vois prendre la fuite. Il avait réussi à se démenotter une main. Une de mes collègues se met alors à le pourchasser, tandis que je le suis avec le véhicule dans les petites rues. Arrivé rue de l’Aspic je descends du véhicule et je rattrape ma collègue qui m’indique que des passant l’ont vu emprunter la rue des Fourbisseurs. A l’angle, je l’aperçois brièvement entrer dans un hôtel, raconte le policier. Le gérant ne l’avait pas vu entrer. Je monte alors dans les étages, en ouvrant les portes des chambres et des toilettes des paliers. Au second, je vois une lucarne légèrement entrouverte et je discerne une ombre derrière la fenêtre : il était là, sur le toit accroché à la gouttière ! Là, je lui attrape le bras et lui demande d’arrêter de se débattre car il risquait de nous faire tomber. Mais il en profite pour sauter dans un patio. Mais lorsque je redescends, il n’y était plus ! C’est l’équipage de la BAC, arrivé en renfort, qui le découvrira peu après, caché sous le lit de la chambre 207. »

« On garde une arme chargée quand on a besoin de s’en servir rapidement »

L’avocat des policiers, légèrement blessés au cours de ces deux scènes, tente de pointer les contradictions du prévenu. « Vous dîtes avoir acheté le pistolet à quelqu’un pour faire un bénéfice. Mais comment pouviez-vous en être aussi sûr, si vous n’y connaissez rien en arme comme vous le prétendez ? », demande Jean-François Corral. Mehdi hausse les épaule. « Le vendeur m’a dit que c’était une bonne affaire, et qu’il le bradait », élude-t-il. L’avocat fait une moue dubitative. « Et vous n’avez pas non plus vérifié que l’arme était chargée ? », s’étonne encore Jean-François Corral. « Vu que je n’y connais rien, non, je n’en savais rien », prétend toujours le prévenu.

Mais avec huit condamnations au casier, notamment pour violences, vols aggravés, outrages et … port d’arme, son discours ne convainc pas. Le président secoue la tête d’un air consterné. « Une arme chargée, en pleine rue, ce n’est vraiment pas anodin », répète Jean-Michel Perez. L’avocat des policiers en remet une couche. « Au-delà de la violence de sa rébellion, les policiers ont subi un deuxième choc rétrospectif quand ils ont découvert l’arme chargée, avec une balle dans le canon, pointe Jean-François Corral. On garde une arme avec une balle chargée dans le canon quand on a besoin de s’en servir rapidement, ou alors on est très maladroit, ou inconscient ! »

« Il se moque aussi totalement de l’Institution judiciaire ! »

Tout aussi perplexe vis-à-vis des explications de Mehdi, l’auditrice de Justice, représentant le Parquet requiert à son encontre trois ans d’emprisonnement. « Cela fait beaucoup d’infractions pénales en moins de deux jours, et pas des moindres : transport de plusieurs armes, rébellion et même évasion !, relève Patricia Morais. Il tente d’abord de s’enfuir lors de son premier contrôle, et le lendemain, c’est surréaliste, il parvient à se démenotter et à s’enfuir du tribunal, la police à ses trousses. Qu’il se moque de son avenir, cela le regarde, mais il se moque aussi totalement de l’Institution judiciaire ! »

L’avocat de Mehdi monte au créneau. « Son intention, quasi-animale n’est pas de faire mal, ni peur : il n’exhibe pas son revolver, ni ne menace qui que ce soit avec. Au contraire, il la dissimule !, pointe Hugo Ferri. Ensuite, dans sa course, son intention n’est pas de blesser, mais simplement de s’enfuir. » L’avocat mentionne ensuite les trois autres passagers de la voiture, dont aucun n’a été entendu par les enquêteurs. « Il a eu 7 condamnations et déjà effectué 79 jours de détention plein, il n’a jamais eu le droit au moindre sursis. Et on veut lui rajouter trois ans !, relance Hugo Ferri. Il sait qu’on va lui prononcer une peine avec un mandat de dépôt, mais vous pouvez aussi opter pour une partie avec sursis. Sa mère a déménagé et quitté le quartier pourri du Clos d’Orville pour protéger ses fils, et, en avril 2022, il venait de décrocher un CDI, il faut l’accompagner et le surveiller à l’extérieur quand il sortira… »

Le tribunal condamne Medhi à deux ans d’emprisonnement, dont un an avec sursis, et à l’interdiction de détenir une arme pendant 5 ans. Il retourne en détention et pourra solliciter un aménagement de peine, dans quelques semaines.

Pierre Havez

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