GARD Les élus locaux dénoncent les critiques « scandaleuses » de Bruno Le Maire sur le déficit public
Le ministre démissionnaire de l'Économie, Bruno Le Maire, qui occupe ce poste depuis le premier mandat présidentiel d'Emmanuel Macron, a récemment attribué à l'action des collectivités territoriales la responsabilité du creusement du déficit public pour l'année 2024. Des propos, sans surprise, mal reçus par les élus du territoire.
Dans une lettre adressée aux parlementaires, Bruno Le Maire, ministre démissionnaire de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique, a récemment exprimé son inquiétude face à une éventuelle dérive du déficit public. Selon lui, la principale menace réside dans « une augmentation extrêmement rapide des dépenses des collectivités territoriales, qui pourrait, à elle seule, dégrader les comptes 2024 de 16 milliards d'euros ». Il rappelle que « les dépenses de fonctionnement des collectivités locales augmentent mais sous la double pression des mesures de revalorisation des traitements des fonctionnaires décidées par l’État et de l’augmentation du coût de l’énergie et des achats courants ». Le natif de Neuilly-sur-Seine ajoute que les dépenses des collectivités sont également la conséquence « d'obligations nouvelles décidées par le gouvernement ou le parlement, notamment dans le domaine environnemental. » En définitive, des propos jugés « scandaleux » par chaque personne interrogée.
« La dette des collectivités est stable depuis 30 ans »
Les réactions des élus gardois, contactés par Objectif Gard, ont été aussi rapides que véhémentes. À commencer par le président de l'Association des maires du Gard (AMF30), Philippe Ribot, qui qualifie les propos de Bruno Le Maire d’« improductifs ». Selon ses termes, « c'est un discours qui ne sert qu'à énerver les élus locaux et notamment les maires, dont je fais partie, qui faisons attention quotidiennement à la dépense, qui n’avons que pour seul souci l’équipement de nos communes ». L'édile de la commune de Saint-Privat-des-Vieux rappelle que la dette des collectivités est stable en proportion du PIB « depuis environ 30 ans », « contrairement à celle de l'État ». Le conseiller départemental Alès 2 dénonce aussi fermement le manque de soutien du dernier nommé, l'État. « Il est insupportable de critiquer les collectivités locales alors qu’elles n’ont pas augmenté les impôts malgré l’augmentation des coûts. [...] J’ai même, personnellement, dû abandonner deux projets sur ma commune en raison des coûts insupportables. Sous-entendre le contraire est inacceptable. »
De son côté, même son de cloche, pour le président cette fois de l'Association des maires ruraux du Gard (AMRF30), Sylvain André, très critique. Le maire de Cendras juge « peu sérieux de détourner l’attention » sur les collectivités territoriales « alors que 92 % de la dette publique concerne l’État ». « Alors quand on vient expliquer que c'est les collectivités qui mettent en difficulté, ça me fait sourire. Nos budgets sont en équilibre. Et quand il y a un emprunt Il est raisonné sur plusieurs années. Rien ne justifie cette attaque. » L'édile communiste conclut : « Les collectivités empruntent que pour l'investissement, on n'emprunte pas pour payer les salaires des fonctionnaires. Alors que l'État est en dérapage constant sur ses dépenses de fonctionnement. Il ne faut pas venir donner des leçons aux collectivités, de ce point de vue-là. »
« Une parole d'en-haut qui n'est pas recevable »
Quid du premier adjoint à la ville d'Alès, également conseiller régional d'Occitanie et président de l'Agglomération d'Alès ? Bien que les agglomérations et les communautés de communes ne relèvent pas directement des collectivités territoriales, Christophe Rivenq incarne un premier adjoint impliqué et pleinement engagé au quotidien dans la vie locale. Il ne mâche pas ses mots lorsqu'il s'agit de réagir aux propos de Bruno Le Maire. « Soit il est incompétent, soit il ment. Accuser les collectivités locales de l’augmentation du déficit public est un mensonge. Les collectivités locales, pour pallier aux baisses des dépenses de l'État, ont été obligées, nous comme les autres, d'investir encore plus cette année », déclare-t-il avec fermeté. À 58 ans, Rivenq souligne également que les collectivités locales, contrairement à l’État, ne peuvent pas générer de déficit et sont souvent contraintes de mener à bien des projets sans un soutien financier adéquat de la part de l'État.
À l’image de ses collègues maires, premiers adjoints ou représentants de maires, Geneviève Blanc, maire de la commune d’Anduze, rappelle également que les collectivités locales ne peuvent pas être en déficit. « Je trouve ça très mal placé de sa part [de Bruno Le Maire] d’attaquer les collectivités locales », déclare-t-elle. L'édile en place depuis 2020 y voit un autre message : « C’est peut-être pour nous expliquer qu'ils vont baisser les dotations, mais après nous avoir supprimé la capacité de fiscalité locale puisqu'on n'a plus de taxe d'habitation, par exemple. Je trouve ça très malvenu. C’est aussi une manière de détourner l'attention sur la gestion qu'ils ont eue pour la dissolution de l'Assemblée. Ça a coûté combien, les élections législatives ? Tout ça pour ne pas trouver de Premier ministre. On en parle de ça ? C’est une parole d'en haut qui n'est pas recevable. »
Enfin, Nelson Chaudon, maire de Beaucaire, qui a récemment succédé à Julien Sanchez, insiste sur ce qui a déjà été clairement souligné par ses collègues : « Les collectivités territoriales souffrent de l’inflation, de la hausse des coûts des matières premières, et des mesures gouvernementales non financées, telle que la hausse du point d’indice. Pour autant, les collectivités, et en particulier les mairies, ont des comptes sains. » Il considère que les propos du ministre de l’Économie, qui met en cause les collectivités pour justifier l’état des finances publiques, sont « inacceptables ». L'édile beaucairois rappelle que la dette des collectivités, « qui sont de loin les premiers investisseurs publics », ne représente que 8 % de la dette française, soulignant que « contrairement à Emmanuel Macron et Bruno Le Maire, les élus locaux, eux, savent gérer. » Pour lui, « plutôt que d’insulter les 36 000 maires de France, il ferait mieux d’avouer qu’il est responsable de la faillite de la France et de ses plus de 3 000 milliards d’euros de dette. »
Ces réactions unanimes prouvent le mécontentement des élus locaux, qui se considèrent injustement tenus pour responsables de problèmes relevant, selon eux, avant tout de la gestion de l’État. Dans ce contexte, Bruno Le Maire, qui s'apprête à quitter son bureau à Bercy pour céder sa place à un ou une successeur(e) dans les jours à venir, ne s’est pas attiré que des sympathies. À l’instar du président de la République, dont les relations avec les élus des collectivités territoriales sont depuis longtemps marquées par une certaine froideur. Ça promet.