Publié il y a 1 an - Mise à jour le 04.10.2023 - Corentin Migoule - 4 min  - vu 3602 fois

ALÈS Le cheveu est éternel au salon "Coiffure by Ema"

Ema COIFFURE

Ema (deuxième en partant de la gauche) et une partie de son équipe aux couleurs d'Octobre rose.

- Corentin Migoule

Implanté dans la très passante galerie marchande d'Hyper U, sur la rocade sud alésienne, le salon "Coiffure by Ema" se distingue par ses engagements éthiques. À la conception de perruques en cheveux naturels à destination des patientes en chimiothérapie s'ajoute désormais le recyclage des cheveux en vue de dépolluer les océans. Inspirant !

Même les contrariétés de la jeune cheffe d'entreprise qu'elle est ne suffisent pas à lui ôter le sourire légendaire ayant en partie bâti sa réputation. Native du Puy-en-Velay (Haute Loire), Emanuelle Fraisse n'est plus une inconnue à Alès - un doux euphémisme - où son salon "Coiffure by Ema" est implanté depuis avril 2021. C'est dans la galerie marchande d'Hyper U, sur la rocade sud, que la coiffeuse s'est fait un nom.

Après une vingtaine d'années passées au sein du groupe Dessange, l'Auvergnate d'origine découvre la coiffure en galerie à Saint-Mathieu-de-Tréviers (Hérault). "Arrivée à Alès, j'ai travaillé ici pendant deux ans pour l'ancien propriétaire. Puis j'ai créé mon salon de coiffure sur mon lieu d'habitation avant d'acheter ce local car le concept me plaisait et je connaissais le potentiel du salon", rejoue celle que tout le monde appelle Ema.

Ema COIFFURE
Ema (deuxième en partant de la gauche) et une partie de son équipe aux couleurs d'Octobre rose. • Corentin Migoule

Spécialisée dans la coloration - notamment le blond -, Emanuelle Fraisse fait primer la technique pour livrer des prestations "moyen et haut de gamme". Depuis un an et demi, elle est aussi perruquière professionnelle à destination de femmes en traitement de chimiothérapie. Sa sensibilité à cette cause est naturellement survenue après un évènement déclencheur.

"Pendant l'épidémie de covid, j'ai l'une de mes voisines qui est venue sonner à ma porte. Elle venait d'apprendre qu'elle avait un cancer et qu'elle allait perdre ses cheveux, rembobine l'Alésienne avec beaucoup de franchise. Elle m'a demandé comment faire pour trouver des cheveux. Je me suis trouvée bête de ne pas pouvoir lui répondre en étant dans les métiers de la coiffure. Je n'avais aucune réponse à lui donner. J'étais honteuse."

Des perruques en cheveux naturels

Le soir-même de cette discussion, Ema "fouille" sur Internet et s'aperçoit que le circuit traditionnel mène les patientes vers des perruques synthétiques avec des remboursements "plus ou moins importants" de la Sécurité sociale. "La perruque synthétique, ça oblige la patiente à avoir un entretien régulier chez le coiffeur", prévient la gérante du salon alésien qui se met au défi de concevoir des perruques en cheveux naturels. 

Coiffure by Ema
Les perruques médicales naturelles, l'une des spécialités du salon. • Corentin Migoule

Un nouvel écueil se dresse devant elle : le coût de ces dernières pour les patientes. Une perruque en cheveux naturels standard est vendue entre 1 500 et 2 500 euros. Chez Ema, le prix oscille entre 500 et 900 euros grâce à une concession radicale : zéro marge. "C'est du bénévolat complet", assure la directrice du salon, laquelle a noué un partenariat avec Les Amazones.

L'association pininque réalise en effet un don de 300 euros par perruque qui, conjugué aux efforts financiers de la perruquière, divise par deux le prix de base. Les perruques en cheveux naturels sont créées sur-mesure, après la réception du bonnet ergonomique. Deux gammes sont proposées, dont celle jugée "haut de gamme" lorsque le cheveu est carrément cardé, soit directement implanté en vue d'obtenir un rendu très naturel. "Ça laisse apparaître le cuir chevelu dessous comme pour de vrais cheveux", précise Ema. 

Durée de vie illimitée

Et d'ajouter : "On travaille avec du cheveu russe, celui qui se rapproche le plus du cheveu occidental et réclame le moins de traitement." Hélas, considérée comme purement esthétique, la perruque en cheveux naturels ne fait l'objet d'aucune prise en charge de la part de la Sécurité sociale. Depuis l'an dernier, la coiffeuse alésienne a toutefois conçu et livré une cinquantaine de perruques, exclusivement au profit de patientes en traitement de chimiothérapie.

coiffure by Ema
Emanuelle Fraisse met un point d'honneur à poursuivre une démarche éthique. • Corentin Migoule

Contrairement à la perruque synthétique qui est à renouveler tous les six mois, la perruque naturelle présente l'avantage d'une durée de vie "illimitée" dès lors qu'on lui offre un miminum d'entretien, à savoir appliquer des soins et ne pas abuser des lisseurs et des sèche-cheveux. "On peut colorer le cheveu, le mécher et lui faire des brushings", avertit Emanuelle Fraisse. Relativement confidentiel, son savoir-faire gagne en notoriété. "Ça marque les esprits petit à petit", dit-elle.

Le recyclage des cheveux

Surtout, les retours des principales bénéficiaires sont éminemment élogieux. "Le confort n'a rien à voir, l'entretien idem. Sur le plan visuel, leur entourage ne se rend pas compte qu'elles portent une perruque. On a tendance à négliger ce volet-là. On passe complètement à côté de l'importance de l'estime de soi et de la préservation de la féminité", se désole la gérante qui réalise donc cet acte compensateur.

CAPILLUM
Les cheveux coupés sont aussitôt collectés avec Capillum. • Corentin Migoule

Dernièrement, celle qui faisait déjà partie de l'association Coiffeurs justes qui récupère les cheveux longs de plus de 10 centimètres pour la confection de perruques a adhéré au réseau Capillum. La start-up basée à Clermont-Ferrand offre une seconde vie aux cheveux - y compris ceux des hommes même quand ils sont courts - en les recyclant. Les cheveux collectés sont utilisés en tapis de paillage en agriculture bio tout en limitant les besoins des sols en eau.

D'autres deviennent des boudins absorbants permettant de dépolluer les océans. Chaque boudin de cheveux créé peut absorber jusqu’à huit fois son poids en hydrocarbures, un outil particulièrement utile pendant les marées noires, dans les zones portuaires ou lors de catastrophes naturelles. "On récupère également la kératine pour soigner les grands brûlés", complète celle pour laquelle la dimension éthique du métier n'est pas un vain mot. 

Pourtant, adhérer à Capillum a un coût, tout comme les envois de cheveux qui sont à la charge du salon. "Il faut vraiment le faire avec énormément de conviction", sourit la cheffe d'entreprise dont le salon est actuellement entièrement décoré aux couleurs d'Octobre rose.  En matière de recyclage du cheveu, la boucle est bouclée au salon Coiffure by Ema. Et la patronne de conclure : "J'essaie de faire de mon mieux pour que mon secteur d'activité qui est de plus en plus décrié garde une bonne image."

Corentin Migoule

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