SAUMANE Suite au CSE, le syndicat FO de Sésame autisme redoute la cessation de paiement
Un comité social et économique central (CSEC) de Sésame autisme s'est tenu le 20 mars. Avec, à l'ordre du jour, un point 9 dédié entièrement aux finances "au regard des informations de la direction générale sur l'état de la trésorerie associative". Pour les délégués Force Ouvrière, la situation financière est alarmante, alors que le premier vice-président du Département, Christophe Serre, expliquait, à l'automne, que le conseil départemental ne pouvait pas financer éternellement un déficit structurel. Un autre point devait traiter, lors du CSE, des procédures lancées devant les Prud'hommes. Dans le Gard, 50 dossiers sont portés devant la juridiction, sur 150 salariés. Avec une jurisprudence à leur avantage. L'association couvre trois départements, embauche 500 salariés et s'occupe de 460 adultes. FO la sent proche de la cessation de paiement, quand la présidente de l'association met en avant les progrès depuis la fin de l'administration provisoire et des projets qui avancent.
C'était il y a presque trois ans, le 25 avril 2021. Administrateur provisoire de Sésame autisme, André Ducournau émettait un rapport sur l'état de l'association, quatre jours après un autre, d'inspection, de l'Agence régionale de santé (ARS). Il y écrivait notamment : "L'état (...) du suivi comptable et financier, de l'activité, du recouvrement des créances, et du paiement ou de la régularisation de certaines charges était à la hauteur de la désorganisation générale et du manque flagrant des procédures." (Relire ici)
Un constat qui amenait, logiquement, à une préconisation d'action : "Suivre et finaliser la régularisation des dettes sociales et unifier les caisses complémentaires. Comme déjà évoqué, j'ai découvert qu'un certain nombre de charges sociales n'avaient pas été régularisées depuis 2017 (...) Je n'ai donc eu de cesse de demander que soient finalisées ces régularisations, ce qui n'est pas toujours le cas à ce jour compte tenu de la rupture d'accès à l'ancien logiciel de la gestion de paye." Depuis ce constat, un nouveau conseil d'administration, et une nouvelle direction sont au travail. Malheureusement, la situation financière ne s'arrange guère.
"Nous sommes partis avec l'intention d'émettre un droit d'alerte, explique Sébastien Migliore, élu Force ouvrière au CSE, à propos du CESC du 20 mars. Mais au vote, la CFDT l'a repoussé." (1) Pour lui, malheureusement, les motifs financiers ne pouvaient conduire qu'à cela. "La dette aux fournisseurs atteint 1,5 million d'euros. En tout, on compte 3 millions d'euros d'endettement. Et quand on demande d'où vient cette dette, on n'a pas de réponse." Fin septembre, le vice-président du Département, Christophe Serre, confirmait que le déficit atteignait, déjà, 2,5 millions d'euros (2).
"L'avance de trésorerie nous permet de tenir moins de 30 jours"
Sébastien Migliore, élu Force ouvrière au CSE (conseil économique et social central)
Pour Sébastien Migliore, la situation est catastrophique. "L'avance de trésorerie nous permet de tenir moins de 30 jours", résume-t-il. "Quand on pose la question : "quand allez-vous au redressement pour assurer la sauvegarde de l'établissement ?", on nous répond "quand on sera à zéro en trésorerie". En gros, tant que les salariés sont payés, on n'est pas à zéro", se désespère Frédéric Marchetti, délégué syndical FO de Sésame autisme Occitanie Est.
D'autant qu'une épée de Damoclès continue de planer au-dessus de la structure : les procès intentés aux Prud'hommes par des salariés, après la victoire des six premiers dossiers portés par l'avocate choisie par Force ouvrière, Ève Soulier, pour le non-respect des cotisations retraites, de mauvais calcul lors du passage aux 35 heures, ou encore la non prise en compte des heures de nuit...
Un tiers des salariés gardois devant les Prud'hommes
Le syndicat avait porté six dossiers devant les Prud'hommes. Il en a déposé 50 autres, sur les 150 salariés gardois. Pour les mêmes motifs que les six victorieux. Le premier jugement - pour lequel Sésame autisme n'avait pas interjeté appel - pourrait donc être suivi. Et les montants à débourser, pour l'association, seraient sans doute importants. "Mais Sésame autisme n'a prévu aucune provision", constate le délégué syndical FO, Frédéric Marchetti.
Cette gabegie salariale - auquel le délégué départemental de l'ARS, Claude Rols, avait bien du mal à donner une explication (relire ici) - ne s'arrêterait pas aux seuls salariés, dit avoir découvert FO. "Ce qui nous arrive, arrive aussi aux travailleurs handicapés, se désole Frédéric Marchetti. On retrouve les mêmes problèmes, les mêmes années." Il s'agit, dans ce cas, des adultes concernés par un trouble du spectre autistique qui travaillent en ESAT (établissement et sevrice d'accompagnement par le travail), à Saumane ou Vauvert, par exemple. FO a trouvé des sommes différentes entre ce qui est déclaré et ce qui est réellement versé en cotisations.
"En clair, l'association, au lieu de les protéger, leur fait les poches, s'énerve Sébastien Migliore. Au final, ce sont des centaines de personnes vulnérables qui sont flouées." "D'autant, poursuit Frédéric Marchetti, que, depuis le jugement de septembre 2022, ils ont recommencé les mêmes choses dès décembre." Les deux syndicalistes ont bien entendu la ministre déléguée aux personnes âgées demander le contrôle des 9 300 établissements médico-sociaux. "On se propose d'être structure pilote pour l'inspection ministérielle", souffle Frédéric Marchetti, sans trop y croire. Un courrier est néanmoins parti au ministère dans ce sens.
"On va solliciter les financeurs, ainsi que la sous-préfecture, poursuit Sébastien Migliore. Il faut trouver une solution, car le défaut de paiement va venir. Est-ce qu'on l'attend vraiment ?" Pour les deux syndicalistes FO, le CPOM (contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens, NDLR) qui devait être négocié en juin et apporter de l'argent en septembre - et dans lequel le Département et l'ARS plaçaient beaucoup d'espoirs - "est un faux problème. On ne passera pas l'été", tranchent-ils, écoeurés.
"Cela fait quatre ans qu'on tire la sonnette d'alarme, le rapport d'inspection de l'ARS a trois ans...", s'usent les deux syndicalistes FO. Tandis que leur vie professionnelle est rythmée par les tensions dans l'association, les procédures judiciaires et les inquiétudes pour le lendemain de la structure... et le leur.
"Il existe des éléments très positifs de redressement"
Ampari Monginoux, présidente de Sésame Autisme Occitanie Est
"Il y a des choses qui ne vont pas, je ne le nie pas", lâche la présidente de l'association Sésame autisme Occitanie Est (SAOE), Ampari Monginoux - qui n'a pas assisté au CSE du 20 mars. Mais elle souhaite avant tout mettre en avant les améliorations apportées depuis fin 2021, avec la fin de l'admnistration provisoire, une association dotée d'un bureau et un directeur totalement dédié (relire ici et ici). "Il existe des éléments très positifs de redressement, explique Ampari Monginoux, pour deux pôles sur trois (Hérault et Pyrénées-Orientales, NDLR). Le dernier à redresser est le Gard."
Pour la présidente, "on savait que rattraper le passé allait être difficile. Et qu'il faudrait un certain temps". Ampari Monginoux souligne "le travail énorme qui a été fait auprès des autistes, la confiance retrouvée auprès des familles et des autorités" (2). Elle envisage, d'ailleurs, plutôt un avenir fait d'ouvertures de places dans le Gard. "Les CPOM (contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens, NDLR) seront signés en 2024 et on pourra envisager un avenir radieux. Les choses entrent déjà dans un apaisement satisfaisant pour tout le monde."
Alors que, ce mardi, la Journée mondiale de sensibilisation à l'autisme a permis à Ampari Monginoux d'informer sur les missions de l'association, sur le marché de Saint-Jean-du-Gard, la présidente de SAOE évoque la fin heureuse d'une administration provisoire d'un établissement dans l'Hérault, les projets mis en route par la nouvelle directrice des Pyrénées-Orientales, ou encore les projets de foyers de vie, dans le Gard, qui concerneraient 15 travailleurs de Saumane et une quinzaine d'autres de Vauvert.
Pour elle, le vieillissement des travailleurs explique aussi une baisse d'activité et, donc, des difficultés financières, "car la politique de l'association n'est pas de mettre à la porte les personnes". Prête à reconnaître, avant l'administration provisoire, "des abus considérables des ressources de l'association" elle reste laconique sur le déficit en lui-même - et le chiffre avancé de trois millions d'euros : "Nous verrons la réalité de ces éléments et les réponses qui seront apportées". Avant de couper court à l'entretien.
Devenu conseiller auprès de la présidence, après son rôle d'administrateur provisoire, André Ducournau concluait ainsi son billet, dans lettre de refondation n°5, début 2022 : "Il conviendra toutefois de rester vigilant, sur la période de transition de deux ans. Le processus d'évaluation de mise en oeuvre du PSADA (plan stratégique d'action et de développement associatif) est une des garanties pour les autorités qui y seront associées et qui continueront d'accompagner l'association." C'est bien cette année que les autorités verront, justement, si le CPOM présenté leur offre les garanties financières pour continuer à accompagner Sésame autisme.
(1) Jointe par téléphone, la secrétaire du CSEC, élue CFDT, n'a pas donné suite à notre demande d'entretien.
(2) Relire ici l'entretien, sur ce sujet, avec le premier vice-président du Département, Christophe Serre.