TRIBUNE Journée de la laïcité : les socialistes Nicolas Ferrière, Pierre Jaumain et Katy Guyot réaffirment "la nécessité de défendre le modèle républicain"
Tous les ans, une journée de la laïcité à l'école de la République est organisée le 9 décembre, date anniversaire de la promulgation de la loi de 1905 concernant la séparation des Églises et de l'État. Cette loi est considérée comme l'un des textes fondateurs de la laïcité en France.
À cette occasion, plusieurs personnalités du Parti socialiste dévoilent une tribune :
"Au moment de célébrer la journée de la laïcité et l’anniversaire de la loi de 1905, nous souhaitons, à travers cette tribune, réaffirmer la nécessité de défendre le modèle républicain, qui doit trouver une nouvelle résonance collective dans notre siècle.
La République n'est ni un dû, ni une évidence, elle est un acquis, fruit d'une histoire. Dans cette histoire, la dimension du combat est première. Faut-il rappeler qu’il a fallu, au XIXe siècle "faire des républicains" par l’école et l’apprentissage d’une langue française commune ? Ce projet républicain, dans la manière dont il a été inculqué lorsqu'on relit les manuels d'Histoire de l'époque (le petit Lavisse NDRL.), susciterait encore aujourd'hui bien des critiques. Non, ce modèle républicain n'a pas coulé de source, il a fallu le faire infuser avec opiniâtreté et engagement. Tout comme, à l'aube du XXe siècle, la séparation des Eglises et de l'Etat s'est concrétisée par la lutte et le courage. La République qui nous semble si évidente, est le fruit d'un combat et elle ne continuera à vivre que si nous la défendons. Pour la défendre, il faut ouvrir les yeux, accepter et comprendre que des forces politiques agissent contre elle et les combattre en tant que telles.
Oui, il y a en France, des courants politiques, religieux et sectaires qui veulent abattre notre modèle républicain. Il y a en France des idéologies qui, sur le terreau des exclusions et des ségrégations, prospèrent et érodent les piliers de notre édifice commun. Cela nous oblige à affronter, aussi bien ceux qui interrogent le droit à l’avortement sur la base de leurs croyances que les phénomènes sociaux qui se déroulent à l'école, où une petite minorité très visible, joue sur l'ambiguïté d'une loi difficile à appliquer, pour revêtir des habits qui envoient clairement un message politico-religieux. Il ne fait aucun doute que la solution unique n’est pas de s'acharner sur le vêtement et sur celui ou celle qui le porte. Il ne fait aucun doute non plus que nier la dimension revendicative du vêtement, c'est fermer les yeux sur des mécanismes sociaux et politiques qui sont à l'œuvre depuis trop longtemps dans notre pays et encouragent les replis identitaires.
Être lucide face à ces faits sociaux, ce n'est pas vouloir stigmatiser une communauté, bien au contraire. C’est être convaincu que la voie dans laquelle certains nous conduisent par calcul ou capitulation mène irrémédiablement à des divisions profondes et à des fossés qui se creusent entre les uns et les autres, pour la plus grande jubilation de ceux qui font commerce des affrontements. S’attaquer au réel par ce qui est visible ne suffira évidemment pas. Pourtant, il faut exiger des tenues dépourvues d'un caractère religieux à l'école, en conformité avec la loi. Le courage politique dicterait, dans le même temps, de démanteler les grands ensembles urbains qui alimentent les ségrégations ; il dicterait d’accomplir enfin et de manière ambitieuse, une mixité sociale et scolaire. Le courage politique nécessite de grands moyens assumés, dans un moment de notre histoire où l’on peine à bâtir un avenir désirable, un nouveau projet d’ensemble auquel chacune et chacun puisse se sentir appartenir. La politique du logement n’est qu’une partie du tout.
A côté du Travail, à côté de l’Education, à côté de la Transition écologique. Nous affirmons que la laïcité à la française doit être au cœur de ce nouveau projet républicain, rassembleur, radical. Nous attendons de nos responsables politiques ou de ceux qui aspirent à le devenir, non pas qu’ils flattent les instincts séparatistes pour se servir électoralement, nous attendons d’eux qu'ils portent une vision, un projet et un cap commun dans lequel nous puissions nous inscrire et qui donne les moyens à toutes les jeunes filles, à l’image de celles iraniennes qui aujourd'hui luttent pour leur liberté, de s’accomplir au cœur de la République. La République sociale doit s’attacher à convoquer à nouveau un imaginaire suffisamment puissant pour rassembler. La France est merveilleuse de toutes ses différences, ses influences, ses couleurs ; ces différences qui ne doivent pas devenir des motifs d’affrontement. La dimension du combat, qu'on l'ait oubliée ou pas, est toujours là. Le combat pour le projet républicain du XXIe siècle qui est le seul à pouvoir empêcher les guerres intérieures, le seul à pouvoir garantir l’unité.
Ce nouveau projet sera laïque, ou ne sera pas et comme le suggère notre Histoire, il renaîtra dans le camp progressiste et humaniste qui, à distance égale des communautaristes et des identitaires, affirme une volonté citoyenne, forte et généreuse ; une volonté incarnée par des individus qui ne confondent ni le populisme avec la radicalité, ni la radicalité avec l’outrance."
Nicolas Ferrière, Pierre Jaumain et Katy Guyot, membres du Parti Socialiste, membres des instances nationales et fédérales.