Publié il y a 4 ans - Mise à jour le 29.09.2020 - thierry-allard - 4 min  - vu 22046 fois

FAIT DU JOUR Dans les Cévennes, un terril en combustion inquiète les riverains

En juin dernier, lors de travaux sur le terril de Saint-Jean-de-Valériscle (Photo : collectif / DR)

Ce jour-là il fait beau et aucune fumée ne s’échappe de ce qui ressemble à première vue à un gros monticule de terre, sur la rive de la petite rivière de l’Auzonnet, à Saint-Jean-de-Valériscle. Pourtant, ce monticule est un terril, partiellement composé de charbon, et il est en combustion depuis un an.

« Là, l’air est bon », fait remarquer Marcelo Scarlat-Marincea. Sa maison et son potager sont juste en face du terril, et si l’air est bon, une légère odeur désagréable plane. Ce terril, il est sur un terrain appartenant à l’entreprise Legal TP, qui s’en sert comme plateforme de travaux publics. « Quand ils travaillent ici, je suis obligé de laisser mes outils et de rentrer dans la maison à cause des odeurs et de la fumée », affirme Marcelo.

Marcelo s’est installé dans le quartier des Rimes, à Saint-Jean-de-Valériscle, il y a un peu moins d’un an, à peu près quand le terril est entré en combustion. « Il y avait des arbres », souffle-t-il en regardant le terril, aujourd’hui complètement chauve. Les arbres n’ont pas survécu à la chaleur dégagée par la combustion. Depuis, « quand la pluie tombe, ça fait de la vapeur », explique-t-il.

Des fumées se dégageant du terril de Saint-Jean-de-Valériscle, au printemps dernier (Photo : collectif / DR)

2 000 mètres carrés situés sur le terril seraient en combustion, d’après le rapport de Geoderis, une entreprise missionnée par le Pôle Après-mine Sud. Une caméra thermique a été utilisée par ses experts en janvier dernier. Il en ressort qu’en surface, les températures montaient à près de 60 degrés, et 130 degrés localement. Sous la surface du sol, ces températures peuvent monter à 800 degrés.

800 degrés sous la surface

Face à cette situation, un collectif des riverains de l’Auzonnet s’est monté et fait depuis des pieds et des mains pour faire évoluer la situation. « En janvier, nous avons signalé le feu à la mairie. Il y avait des fumées constantes et des odeurs dégueulasses », affirme Inka Maass, membre du collectif et riveraine de l’Auzonnet. C’est à ce moment là que la mairie prend un arrêté et que Geoderis réalise son rapport.

Marcelo Scarlat-Marincea et Inka Maass du collectif, au pied du terril (Photo : Thierry Allard / Objectif Gard)

Seulement voilà : au printemps la pandémie de covid-19 frappe, et le confinement vient ralentir les choses. Il faudra attendre juin pour qu’un premier arrêté préfectoral soit publié et impose « des mesures d’urgence » à la société Legal. Société qui entre-temps avait entrepris de défourner le terril ; entendez par là de retirer des parties en combustion du terril.

« Ils ont fait simplement des tas à côté, sans les arroser, ce qui risquait de contaminer le feu », affirme Inka Maass. Car tout à côté du terril en combustion se trouve... un autre terril ! Sans compter que durant ce défournement, « il y avait des fumées énormes. Je suis à deux kilomètres mais je ne pouvais plus aller dans mon jardin », relate la riveraine. C’est cet épisode que Marcelo relatait plus haut.

« On ne trouve que ce qu’on cherche »

« Nous avons l’impression de vivre sur un volcan », résume Inka Maass, qui craint « un risque de pollution de l’air, de l’eau, de feu de forêt et de glissement de terrain », le terril baignant dans l’Auzonnet. Pour la pollution de l’air, l’émanation potentielle de gaz toxiques et/ou asphyxiants, comme le monoxyde de carbone, le dioxyde de carbone, l’hydrogène sulfuré, ou encore le méthane est redoutée.

Le collectif a installé des capteurs citoyens, « et nous avons trouvé des taux de particules fines et de dioxyde de carbone qui dépassent l’imaginable », lance Inka Maass. Deux arrêtés préfectoraux suivent en juin, dont un ordonnant l’arrêt immédiat des opérations de défournement. La qualité de l’air a ensuite été mesurée fin juin et début juillet derniers par l’entreprise Antea Group.

Et maintenant, l’effondrement ?

« Ces analyses étaient excellentes », note Inka Maass. Effectivement, les analyses ne montrent aucune anomalie. « Mais elle ne se sont tenues que sur trois jours, et l’entreprise Legal était prévenue, donc elle n’a rien fait pendant ces trois jours, affirme-t-elle. On ne trouve que ce qu’on cherche. » Entre-temps de nouvelles analyses ont été prescrites, et mi-septembre, Antea Group a installé de nouveaux capteurs qui vont rester un mois.

La maison et le potager de Marcelo sont juste en face du terril (Photo : Thierry Allard / Objectif Gard)

Un nouvel arrêté préfectoral a été publié le 8 septembre, visant entre autres à « rechercher et mettre en œuvre en urgence une solution technique permettant de limiter les risques d’effondrement de la berge de l’Auzonnet, tout en assurant la stabilité du terril ». Le tout dans des délais serrés de huit jours pour indiquer la solution technique retenue, qui devra ensuite être appliquée sans délai. « Ils vont être obligés de bouger, et là ça va se voir », commente le collectif, qui regrette le retard pris et redoute désormais un effondrement du terril, rendu instable par le creusement des tranchées censées combattre la combustion. Inquiétude partagée par la mairie et les services de l’État, donc. « Avec les pluies, l’Auzonnet va monter et venir taper contre le terril qui pourrait dégringoler », résume Inka Maass.

Contactée, l’entreprise Legal nous a soutenu que « le terril n’est plus en feu pour l’instant » et a affirmé avoir « fait beaucoup de choses » pour améliorer la situation avant de nous demander de poursuivre l’échange par mail. Depuis, nos relances sont restées lettre morte. En attendant, Marcelo continue de s’occuper de son potager à quelques mètres du terril. En ce moment, des courges poussent, certaines pesant déjà plusieurs kilos. Les mangera-t-il ? « Je ne sais pas, répond-t-il. On verra après les analyses. »

Thierry ALLARDthierry.allard@objectifgard.com

Thierry Allard

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